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la maison d’Autriche vers l’an 1566, ce peuple qui ne pouvoit par lui-même opposer des armées égales à celles que l’Espagne étoit en état d’employer pour le réduire, chercha à suppléer au nombre des soldats par l’excellence de la discipline militaire : les princes d’Orange s’y appliquerent avec le plus grand succès ; & il paroît assez constant qu’on leur doit le rétablissement de cette discipline en Europe. Les camps furent un des principaux objets de Maurice de Nassau ; il voulut y faire renaître l’ordre & la police des Romains. Son camp, tel que le décrit Stevin dans sa Castramétation, étoit une espece de quarré ou de quarré-long distribué en différentes parties appellées quartiers. Celui de ce prince en occupoit à-peu-près le milieu ; l’artillerie & les vivres avoient aussi le leur, de même que les différentes troupes ou régimens dont l’armée étoit composée. L’étendue ou le front de ces quartiers se proportionnoit au nombre des troupes qui devoient les occuper ; pour leur profondeur, elle étoit toûjours de 300 piés.

Une compagnie de 100 soldats occupoit deux files de huttes ou petites baraques. Chaque file avoit 200 piés de longueur & huit de largeur ; elles étoient séparées par une rue aussi de huit piés. Le capitaine campoit à la tête de sa compagnie, & les vivandiers à la queue, comme ils le font encore aujourd’hui. Le colonel avoit pour logement un espace de 64 piés de front, au milieu du rang des tentes des capitaines. Derriere cet espace régnoit une rue de pareille largeur, qui séparoit le régiment en deux parties égales. La partie qui en restoit après l’emplacement des tentes du colonel & de son équipage, servoit à camper le ministre, le chirurgien, &c.

La cavalerie campoit à-peu-près dans le même ordre que l’infanterie. Une compagnie de 100 chevaux avoit deux files de huttes de 200 piés de profondeur & de 10 de largeur, lesquelles étoient séparées par un espace de 50 piés. Les chevaux formoient deux files dans cet espace, placées chacune parallelement & à la distance de cinq piés des huttes. Le capitaine campoit à la tête de sa compagnie, & le colonel au milieu de ses capitaines, comme dans l’infanterie. Le camp étoit entouré, ainsi que celui des Romains, d’un fossé & d’un parapet. Cet ouvrage se distribuoit à toutes les troupes de l’armée, & chaque régiment en faisoit une partie proportionnée au nombre d’hommes dont il étoit composé. On observoit de laisser un espace vuide de 200 piés de largeur entre le retranchement du camp & ses différens quartiers, afin d’y placer les troupes en bataille dans le besoin.

Cette disposition ou formation de camp passa ensuite dans la plûpart des autres états de l’Europe ; elle a sans doute été observée en France, car on la trouve-décrite dans plusieurs auteurs, notamment dans le livre de la Doctrine militaire donné en 1667 par le sieur de la Fontaine, ingénieur du Roi, & dans les Travaux de Mars par Allain Manesson Malet.

Il paroît cependant par plusieurs mémoires du regne de Loüis XIII. & de la minorité de Loüis XIV. que nos armées ne campoient pas toûjours ensemble, comme ces auteurs le prescrivent, mais en différens quartiers séparés, qui portoient chacun le nom de l’officier qui les commandoit. Il y a un grand nombre d’exemples de ces sortes de camps dans la Vie de M. de Turenne, les Mémoires de M. de Puysegur, &c. Il en résulte que si les regles dont on vient de parler avoient d’abord été observées, on les avoit ensuite négligées. Cette conjecture se trouve fortifiée par ce que le P. Daniel rapporte dans son Histoire de la milice Françoise, au sujet de l’arrangement régulier de nos camps. Il y dit, que dans un mémoire qui lui a été fourni sur le régiment du Roi, « on trouve que le sieur Martinet, qui fut lieutenant colonel, puis colonel du régiment, commença à établir ou réta-

blir la maniere réguliere de camper ».

Ce qui semble indiquer assez clairement qu’on avoit précédemment observé une méthode réguliere qui n’étoit plus d’usage. Quoi qu’il en soit, cet officier faisoit diviser le camp de son régiment par des rues tirées au cordeau. Il le fit ainsi camper aux Pays-Bas à la campagne de 1667, & mettre en faisceaux toutes les armes à la tête des bataillons. Le Roi ayant trouvé cette méthode fort belle, la fit, dit-on, pratiquer aux autres troupes. Il est vraissemblable que c’est-là l’origine de la disposition actuelle de nos camps, & que comme elle ne s’est apparemment établie qu’insensiblement dans les différens corps des troupes du Roi, l’auteur des Travaux de Mars n’en étoit pas encore instruit lors de la seconde édition de son livre en 1684, quoiqu’elle fût alors généralement suivie ; c’est ce qui est évident par le Traité de l’Art de la Guerre de M. de Gaya, capitaine au régiment de Champagne, imprimé pour la premiere fois en 1679. On y trouve à-peu-près les mêmes regles qu’on observe encore aujourd’hui dans le campement des armées : mais alors les soldats & les cavaliers n’avoient point de tentes ou canonieres. Cet auteur marque précisément qu’ils se baraquoient, & il ne parle de tentes que pour les officiers : ainsi l’usage des canonieres pour les soldats & les cavaliers est postérieur à 1679. Il y a apparence qu’il ne s’est entierement établi que dans la guerre terminée par le traité de Riswick en 1697.

Nos camps different particulierement de ceux des princes d’Orange, en ce que les troupes y sont campées sur deux ou trois lignes, l’infanterie au centre & la cavalerie sur les ailes, & que la tête ou le front du camp est entierement libre, pour que l’armée puisse s’y mettre en bataille en sortant du camp. Les officiers sont placés à la queue de leur troupe ; l’artillerie est assez ordinairement un peu en avant du centre de la premiere ligne, & les vivres, entre la premiere & la seconde ligne vers le milieu de l’armée. Nos officiers généraux ne campent plus comme le faisoient ces princes. Ils occupent les villages qui se trouvent renfermés dans le camp, ou qui en sont fort proches ; ce qui est regardé comme un inconvénient par bien des gens, en ce que par là ils se trouvent quelquefois éloignés des corps qu’ils doivent commander, & qu’ils augmentent le nombre des gardes de l’armée.

Pour le camp, il n’est défendu ou fortifié que par une espece d’enceinte formée de différentes troupes de cavalerie & d’infanterie, qu’on a substituée aux retranchemens des anciens, quoique leur usage en cela, suivant les plus habiles militaires, fût infiniment supérieur au nôtre, non-seulement pour la sûreté du camp, mais encore pour diminuer la fatigue des troupes, dont il faut toûjours avoir une grande partie sous les armes pour être à l’abri des entreprises de l’ennemi. Préface des essais sur la Castramétation, par M. le Blond. (Q)

CASTRATION, s. f. terme de Chirurgie, est l’action de châtrer, ou l’opération par laquelle on ampute & retranche les testicules d’un animal mâle, qui devient par-là incapable d’engendrer. Voyez Testicules.

La castration se pratique communément en Asie, spécialement chez les Turcs, qui châtrent tous ceux de leurs esclaves qu’ils employent à la garde de leurs femmes, & à qui ils coupent non-seulement les testicules, mais souvent même la verge. La castration se pratique aussi en Italie sur les musiciens dont on veut que la voix se conserve. Cette castration n’est point une opération de Chirurgie, puisqu’elle n’a pas le rétablissement de la santé pour objet. Voyez Eunuque & Castrati.

La castration est aussi une opération medicinale,