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Culte. Laissant à d’autres le soin de chercher la véritable étymologie du mot ceremonia, & de décider s’il vient de Cereris munia, ou de Care munia, ou du verbe Grec χερεῖν, nous observerons d’abord qu’il y a, selon notre définition, trois sortes de cérémonies ; des cérémonies politiques, telles que le couronnement d’un prince, l’introduction d’un ambassadeur, &c. des cérémonies religieuses, telles que l’ordination d’un prêtre, le sacre d’un évêque, le baptême ou la bénédiction d’une cloche, &c. des cérémonies politico-religieuses, c’est-à-dire, où les usages du peuple se trouvent mêlés avec la discipline de l’Église, telles que la cérémonie du mariage prise dans toute son étendue.

Il y a deux choses principales à examiner sur les cérémonies ; leur origine, soit dans la société, soit dans la religion, & leur nécessité dans la religion : quant au premier point, il paroît que chaque cérémonie dans la société a son origine particuliere, relative à quelque fait primitif & aux circonstances de ce fait, & qu’il en est de même de l’origine de chaque cérémonie dans la religion ; avec cette différence qu’on peut rechercher ce qui a donné lieu à celles-ci, qui forment tantôt un système sage & raisonné, ou qui ne sont d’autres fois qu’un assemblage d’extravagances, d’absurdités & de petitesses, sans motif, sans liaison, sans autorité.

Il est donc à propos dans cette recherche de distribuer les cérémonies religieuses en deux classes ; en cérémonies pieuses & saintes, & en cérémonies superstitieuses & abominables.

Il n’y a eu de cérémonies religieuses pieuses & saintes sur la surface de la terre, 1°. que le petit nombre de celles qui accompagnerent le culte naturel que les premiers hommes rendirent à Dieu en pleine campagne, dans la simplicité de leur cœur & l’innocence de leurs mœurs, n’ayant d’autre temple que l’univers, d’autre autel qu’une touffe de gason, d’autre offrande qu’une gerbe, d’autre victime qu’un agneau, & d’autres sacrificateurs qu’eux-mêmes, & qui ont duré depuis Adam jusqu’à Moyse ; 2°. les cérémonies qu’il plût à Dieu de prescrire au peuple Juif, par sa propre bouche ou par celle de ses pontifes & de ses prophetes, qui commencerent à Moyse, & que Jesus-Christ a abolies ; 3°. les cérémonies de la religion Chrétienne, que son divin instituteur a indiquées, que ses apôtres & leurs successeurs ont instituées, qui sont toûjours sanctifiées par l’esprit des ministres qui les exécutent, & des fideles qui y assistent, & qui dureront jusqu’à la fin des siecles.

L’origine de ces cérémonies est fondée sur l’Histoire, & nous est transmise par des livres sur l’authenticité desquels il n’y a point de doute. Elles furent chez les premiers hommes des mouvemens de la nature inspirée ; chez les Juifs, une portion des lois d’un gouvernement théocratique ; chez les Chrétiens, des symboles de foi, d’espérance, & de charité ; & il ne peut y avoir sur elles deux sentimens. Loin donc de nous les idées de Marsham & de Spencer ; c’est presqu’un blasphème que de déduire les cérémonies du Lévitique, des rites Egyptiens.

Mais il n’en est pas de même des cérémonies superstitieuses : il semble qu’à l’exception de ce que les saintes Ecritures nous en apprennent, le reste soit entierement abandonné aux disputes de la Philosophie ; & voici en peu de mots ce qu’elle nous suggere de plus raisonnable. Elle réduit les causes de l’idolatrie à la flatterie, à l’admiration, à la tendresse, à la crainte, à l’espérance, mal entendues ; voyez Idolatrie : conséquemment il paroît que toutes les cérémonies superstitieuses ne sont que des expressions de ces différens sentimens, variées selon l’intérêt, le caprice, & la méchanceté des prêtres idolatres. Faites une combinaison des passions qui ont donné naissance aux idoles, avec celles de leurs ministres, &

tous les monstres d’abomination & de cruauté qui noircissent les volumes de nos historiens & de nos voyageurs ; vous les en verrez sortir, sans avoir recours aux conjectures d’Huet, de Bochart, de Vossius, & de Dickinson, où l’on remarque quelquefois plus de zele que de vraissemblance.

Quant à la question de la nécessité des cérémonies pour un culte, sa solution dépend d’une autre ; savoir, si la religion est faite pour le seul philosophe, ou pour le philosophe & le peuple : dans le premier cas, on pourroit peut-être soûtenir que les cérémonies sont superflues, puisqu’elles n’ont d’autre but que de nous rappeller les objets de notre foi & de nos devoirs, dont le philosophe se souvient bien sans le secours des signes sensibles : mais la religion est faite indistinctement pour tous les hommes, comme il en faut convenir ; donc, comme les prodiges de la nature ramenent sans cesse le philosophe à l’existence d’un Dieu créateur ; dans la religion Chrétienne, par exemple, les cérémonies rameneront sans cesse le chrétien à la loi d’un Dieu crucifié. Les représentations sensibles, de quelque nature qu’elles soient, ont une force prodigieuse sur l’imagination du commun des hommes : jamais l’éloquence d’Antoine n’eût fait ce que fit la robe de César. Quod litteratis est scriptura, hoc idiotis præstat pictura, dit saint Grégoire le grand, liv. IX. épît. ix.

CERENZA, (Géog.) ville d’Italie au royaume de Naples, dans la Calabre citérieure. Long. 34. 50. lat. 39. 23.

* CERES, (Myth.) fille de Saturne & de Cybele, & déesse de l’agriculture. Lorsque Pluton eut enlevé sa fille Proserpine, elle se mit à la chercher nuit & jour : cependant la disette de grains désoloit la terre privée de ses dons. Les dieux étoient très-inquiets de son absence, lorsque Pan la découvrit. Les Parques députées par Jupiter l’attendrirent, & la ramenerent en Sicile, où elle rendit à la terre sa fertilité. On la représente avec beaucoup de gorge, la tête couronnée d’épis, & des pavots dans la main, ou entre deux petits enfans tenant chacun une corne d’abondance. On lui donne un char attelé de serpens ailés, avec une torche allumée. Le myrte & la narcisse étoient les seules fleurs dont en se couronnât dans ses fêtes. On lui attribue une aventure dont la fin est assez scandaleuse. On dit que pour éviter les poursuites amoureuses de Neptune son frere, elle se métamorphosa en jument ; ce qui n’empêcha pas le dieu de se satisfaire sous la forme d’un cheval ; il en eut Arion & un cheval. Les Phigaliens adorerent une Cerès à tête & criniere de jument, d’où sortoient des dragons & d’autres monstres. Cette statue ayant été incendiée par accident, les Phigaliens oublierent le culte de la déesse, qui s’en vangea par une grande secheresse qui les auroit conduits jusqu’à manger leurs propres enfans, s’ils ne l’avoient arrêtée en rétablissant le culte de Cerès la noire, car c’est ainsi que leur Cerès s’appelloit. Quoi qu’il en soit de toutes ces extravagances, les Mythologistes prétendent que Cerès fut une reine de Sicile qui mérita des autels, par l’invention de l’agriculture qu’elle communiqua à ses peuples. Voyez le Dict. de Myth.

CERET, (Géog.) petite ville de France dans le Roussillon, sur la riviere de Tec. Long. 20. 21. lat. 42. 23.

CERF, cervulus, (Hist. anc. & mod.) espece de jeu usité parmi les payens, & dont l’usage s’étoit autrefois introduit parmi les Chrétiens : il consistoit à se travestir au nouvel an sous la forme de divers animaux. Les ecclésiastiques se déchaînerent avec raison contre un abus si indigne du Christianisme ; & ce ne fut point sans peine qu’ils parvinrent à le déraciner. Voyez le Gloss. de Ducange.

* Cerf, s. m. (Hist. nat. & Ven.) cervus, animal