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ses, dont l’une forme la tête, l’autre le tronc. Vers la fin de Novembre le fœtus est formé ; & tout cet admirable ouvrage, lorsqu’il paroît une fois commencé, s’acheve promptement : huit jours après la premiere apparence du point vivant, l’animal est tellement avancé, qu’on peut distinguer son sexe. Mais cet ouvrage ne se fait que par parties ; celles du dedans sont formées avant celles du dehors ; les visceres & les intestins, avant que d’être couverts du thorax & de l’abdomen ; & ces dernieres parties destinées à mettre les autres à couvert, ne paroissent ajoûtées que comme un toît à l’édifice. Voy. la Venus Physique de M. de Maupertuis.

Nous avons rapporté ici toutes ces particularités sur la formation du faon ; parce que la génération pourroit bien s’exécuter autrement dans un autre animal, quoique Harvey ait voulu généraliser ses expériences sur les biches, & les étendre à tous les autres quadrupedes.

Retraite. Après le rut, le cerf maigre, décharné, &c. se retire au fond des forêts où il vit de gland, de feuilles, de ronces, de la pointe des bruyeres, de cresson, &c.

Attroupement. Au mois de Décembre les cerfs s’attroupent ; les vieux cerfs, ceux de dix cors, quelques-uns de dix cors jeunement, se mettent ensemble. Ceux qui sont un peu au-dessous de cet âge, forment une autre troupe ; les daguets & ceux du second bois, restent avec les biches. Il n’est pas donné à tout le monde d’appercevoir l’exactitude de ces distributions : mais quoi qu’il en soit, il est constant que plus l’hyver est rude, plus les troupes sont grandes. Ces animaux se placent fort près les uns des autres à la reposée afin de s’échauffer.

Changement de pays & de viandis. Les cerfs changent plusieurs fois l’an de pays & de viandis ; ils gardent le fond des bois en hyver, & y vivent, comme on a dit plus haut ; au printems ils vont aux buissons, bois coupé d’un an, seigle, blé, pois, seves, &c. Ils gardent les buissons tout l’été, & viandent aux mêmes endroits : en automne, ils se rapprochent des grands bois, & vivent du regain, des chaumes, des avoines, des prés.

Séparation, mue, & chûte des têtes. Vers la mi-Fevrier, ou au commencement de Mars, les cerfs se séparent ; ils ne restent que deux ou trois ensemble pour aller aux buissons mettre bas leur tête. Il ne s’agit ici que des cerfs de dix cors, de dix cors jeunement, & vieux cerfs ; les autres se contentent de s’éloigner seulement du milieu de la forêt.

Au printems ils muent ; & il s’engendre sur eux entre cuir & chair des pustules ou ulceres, dans lesquels il se forme des vers qui leur sortent par le gosier, la gueule, les narines ; quelquefois ils en meurent : on dit que leur sang se purifie par cette voie.

C’est encore à des vers qu’on attribue la chûte de leur tête ; on dit que cette vermine se glissant le long du cou entre cuir & chair, se place entre le massacre & la tête, cernent tout cet endroit, chagrinent le cerf, & lui font agiter les cornes si violemment, qu’elles se détachent : les deux cornes ne tombent point toûjours en même tems ; ce qui fait qu’on n’en trouve assez souvent qu’une dans un même endroit.

Il y en a qui prétendent que lorsqu’un cerf a perdu son bois, il s’enfonce dans la forêt, s’y cache, & n’ose paroître. Quoi qu’il en soit, peu de tems après cette chûte, il se forme sur le massacre, ou l’endroit que les cornes ou la tête couvroient, une peau déliée garnie de poils gris de souris, sous laquelle les meules croissent & se gonflent. On entend par meules, la tige des cornes. L’accroissement & le gonflement des meules se font en cinq ou six jours. Les vieux cerfs, cerfs de dix cors, & cerfs de dix cors jeunement, mettent bas les premiers, & presque tous en même

tems. Quand la peau a couvert les meules, la tête pousse ; & quinze jours après elle a un demi-pié, & les premiers andouillers ont quatre doigts : au bout de quinze autres jours, elle croît d’un autre demi-pié & davantage, & les seconds andouillers ont trois doigts ; les premiers sont augmentés d’autant ; l’accroissement continue : à la mi-Mai, les cerfs de dix cors, & de dix cors jeunement, ont poussé leur tête à demi, & toutes entieres à la fin du mois de Juillet. Les jeunes au huitieme & dixieme d’Août seulement, quoiqu’ils ne mettent bas que trois semaines après les cerfs de dix cors : quand les cerfs ont poussé leur tête, & qu’elle est dure, ils en ôtent la peau velue qui la couvre en se frottant au bois ; on nomme cette peau mousse, & frayoir la trace qu’ils font au bois : elle sert aux chasseurs à reconnoître non-seulement la présence du cerf, mais encore son âge. On dit que le cerf mange avidement toutes ces particules de peau, dont il débarrasse sa tête nouvelle.

Connoissance de la tête. Les meules sont adhérentes au massacre : cette fraise en forme de petit rocher, qui est plus haut & qui les entoure, s’appelle pierrure : ce qui s’éleve du rocher, perche ou mairin ; ce qui part des perches, andouillers. Les andouillers les plus près des meules se nomment maîtres andouillers, les suivans s’appellent seconds, troisiemes, & quatriemes andouillers & sur-andouillers. Les sur-andouillers partent de l’empaumûre. On entend par une empaumûre, une largeur placée à l’extrémité de la tête aux cerfs de dix cors, car les jeunes n’en ont point. Cette largeur a la forme de la paume de la main, & les sur-andouillers en partent comme des doigts ; le grain du bois s’appelle perlure, & les deux maîtresses rainures, dont le fond est lisse, & qu’on voit pratiquées entre la perlure, s’appellent gouttieres.

Connoissance de l’âge du cerf par le pié & l’allure. Il est aisé de confondre les grosses biches brehaines & les biches pleines avec les cerfs, sur-tout jeunes ; cependant les pinces de la biche sont plus oblongues & moins rondes. Plus un cerf est jeune, plus il a l’ongle petit & coupant. Quant aux allures, le jeune cerf met son pié de derriere dans celui de devant, n’en rompant que la moitié ; celui de dix cors jeunement, met le pié de derriere sur le bord du talon du pié de devant ; celui de dix cors, à un doigt près de celui de devant ; & le vieux cerf, à quatre doigts. Il n’y a point de regles pour les biches. Cet article est beaucoup plus étendu dans les traités de Chasse. Voyez Salnove, Fouillou, & les dons de Latone.

Des fientes ou fumées. Les fumées peuvent aussi servir à distinguer le cerf d’avec la biche, & le jeune cerf du vieux cerf ; elles changent selon les saisons : en hyver elles sont dures, seches, & en crottes de chevre ; en Mai elles deviennent molles, en bouzes, plattes, rondes & liées : en Juin, rondes, en masses, mais commençant à se détacher : sur la fin de Juin ou au commencement de Juillet, en torches, ou demi formées & séparées : sur la fin de Juillet, longues, dures, aiguillonées ou martelées. Quand les cerfs les ont en bouses, les biches bréhaines les ont massives, aiguillonées, martelées, ridées, ce qui leur dure tout l’été.

Des portées. On entend par portées, l’effet que le cerf produit contre les branches des arbres, par le frottement de son corps & le choc de son bois. Les cerf, de dix cors commencent à faire des portées à la mi-Mai, & les jeunes cerfs en Juin, leur tête étant alors à demi poussée & assez haute. Il faut que les portées soient à la hauteur de 6 piés, pour être d’un cerf de dix cors. La largeur y fait peu de chose.

De la chasse du cerf. Cette partie de notre article seroit immense, si nous voulions l’épuiser. Nous allons seulement en parcourir succinctement les points principaux : tels sont la quête, le rendez-vous, le