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mains, & en glissant ces paumes en sens contraire, on roule les deux portions de la meche l’une sur l’autre, & il se forme à son extrémité une boule qu’on appelle le collet, dans laquelle la broche est comprise. Voilà une meche faite ; on en fait de la même maniere tant que la broche en peut contenir, & elle en contient plus ou moins, selon qu’elles sont plus ou moins grosses : il est évident qu’elles sont toutes de la même grosseur & de la même longueur, puisqu’elles sont toutes du même nombre de brins, & coupées toutes sur la même distance de la broche au couteau. Quand la broche est pleine de meches, on prend une de ces baguettes minces qu’on appelle broches à chandelles, & on les passe de dessus la broche du banc sur la broche à chandelle. Il y a des couteaux à couper les meches sans piés ; on les pose sur les genoux, & on s’en sert comme nous venons de dire : il est clair que par la commodité qu’on a de fixer la piece à coulisse du banc à telle distance du couteau qu’on le souhaite, le même banc peut servir à faire des meches de telle grosseur & longueur qu’on voudra.

Lorsqu’on a des baguettes chargées de meches convenablement, je dis convenablement, car on en met plus ou moins sur une baguette, selon le nombre de chandelles qu’on veut à la livre : il y a sur une baguette seize meches des huit à la livre, dix-huit meches des douze à la livre, & ainsi du reste ; alors on met fondre le suif. Le Chandelier reçoit le suif du boucher en gros pains qu’on nomme jatte. (Voyez à l’article Suif comment le suif se met en jatte.) Il suffit de remarquer ici qu’il y en a de deux sortes, l’un de brebis & de mouton, & l’autre de bœuf & de vache ; qu’il n’est pas permis au chandelier d’en employer d’autres, & que la proportion prescrite par les réglemens & exigée pour la bonne qualité de la chandelle, entre ces deux suifs, est de moitié par moitié. Comme la masse d’une jatte est trop considérable pour fondre facilement, & que le suif en restant trop sur le feu pourroit se noircir & se brûler, la premiere opération du Chandelier est de dépecer son suif, ce qu’il exécute sur la table qu’on voit fig. 1. du Chandelier ; elle est montée à l’ordinaire sur des piés 1, 2, 3, 4. Ces piés soûtiennent le dessus 5 ; ce dessus est bordé de tout côté par des planches assemblées entr’elles & avec le dessus, & hautes de sept à huit pouces, 6, 7, 8, 9 ; ces planches servent à contenir les morceaux de suif quand on dépece. La planche ou le rebord de devant est coupé dans le milieu pour la commodité de celui qui travaille. Au fond de la table, sur le dessus, en-dedans, contre le rebord du fond, est cloué un petit linteau de bois 11, 12, sur le milieu duquel il y a un crochet 13 qui s’insere dans un anneau pratiqué à l’extrémité de la branche d’un grand couteau, qu’on appelle couteau à dépecer ou dépeçoir ; l’ouvrier prend ce couteau par son manche & hache le suif en morceaux. Quand il est haché, il le jette dans une grande chaudiere de cuivre posée sur un trepier ; il met le feu sous cette chaudiere ; le suif fond ; il l’écume ; & quand il est fondu, pour le clarifier, il y lâche une petite quantité d’eau qu’on appelle le filet. Il survuide le suif de cette chaudiere à-travers un tamis dans une cuve ; cette cuve a une canelle à trois ou quatre doigts du fond ; le suif peut s’y tenir chaud de lui-même pendant vingt-quatre heures en été, & pendant seize en hyver. Il faut l’entretenir fluide par le moyen du feu, quand on ne peut l’employer tout dans cet intervalle. On l’y laisse reposer trois heures avant que de s’en servir, mais au bout de ce tems on en tire par la canelle dans l’abysme pour les chandelles plongées, dans la burette pour les chandelles moulées.

Travail des chandelles plongées. L’abysme, qu’on appelle aussi moule, est un prisme triangulaire creux,

fixé, comme on voit fig. 3. par un de ses côtés, sur une table ghei, de maniere qu’une des faces de ce prisme est parallele à cette table ; cette face parallele, qui a son couvercle mobile, sert d’ouverture à l’abysme dont le côté ab, est d’environ dix pouces, & le côté as d’environ quinze : il y a à chaque bout une anse. La table sur laquelle l’abysme est fixé a des rebords qui forment tout autour, excepté au côté gh, une rigole qui reçoit le suif fluide qui découle des chandelles tandis qu’on les fabrique, & le renvoye dans un vaisseau placé sous gh. L’ouvrier peut s’asseoir devant ce vaisseau.

Lorsque l’abysme est presque rempli de suif, l’ouvrier prend entre ses doigts deux baguettes chargées de meches ; il tient l’une entre l’index & le doigt du milieu des deux mains, & l’autre entre l’annulaire & le petit doigt. Il en couche les meches sur le suif deux ou trois fois ; les relevant à chaque fois, & les tenant un instant verticales sur l’abysme pour leur donner le tems de prendre suif & d’égoutter. Cette premiere façon s’appelle plingure ; & la maniere de la donner, plinger. Il porte les meches plingées sur son établi, qu’on voit fig. 4. Ce n’est autre chose qu’une grande & forte table sans dessus, de dix à douze piés de long, de cinq à six de haut, & de deux à deux & demi de large ; les quatre piliers des coins 1, 2, 3, 4, en sont entaillés à la partie supérieure ; les entailles 1, 2, 3, 4, sont toutes quatre dans la même direction, & selon la longueur de la table : elles sont destinées à recevoir les bouts des deux barres qu’on y voit placées, & qu’elles contiennent. C’est sur ces barres que l’ouvrier pose ses brochées de chandelles pour s’essuyer. Il y a sous cette table une espece d’auge de la grandeur de la table même, mais dont la profondeur est à peine de trois ou quatre pouces ; il reçoit les gouttes de suif qui tombent du bout des chandelles qui viennent d’être plingées. Le Chandelier plinge tout de suite toutes ses brochées ; observant à mesure qu’il travaille de rafraîchir son abysme avec du suif tiré de la cuve, de l’entretenir à-peu-près plein, de remuer le fond de son abysme avec un bâton qu’on appelle un mouvoir, & d’enlever de ses bords supérieurs, mais sur-tout de celui de devant où il frotte sans cesse l’extrémité de ses chandelles à mesure qu’il travaille, le suif qui s’y fige en assez grande quantité : ce qu’il exécute avec sa truelle.

Lorsque ses brochées sont suffisamment essorées, il les remet ; remettre, c’est donner la seconde façon qui s’appelle remise ; à la remise, les chandelles ne se plongent que deux fois : toutes les autres trempées ou couches suivantes se donnent à trois ; mais il n’y a que les dernieres qui ayent des noms. Lorsqu’on les a multipliées au point que les chandelles ont presque la grosseur qu’on leur desire, & qu’il n’en reste plus que trois à donner, on dit de l’antépénultieme qu’elle les met prêtes, de la pénultieme qu’elle les racheve, & de la derniere qu’elle les collete. Colleter, c’est enfoncer la chandelle dans l’abysme jusqu’à ce que le suif soit monté entre les deux portions de la boucle appellée collet, que la meche forme à l’extrémité de la chandelle, & tienne ces deux portions séparées en s’y figeant.

Lorsque les chandelles sont colletées & froides, on les coupe. Cette opération se fait sur une plaque de cuivre qu’on tient élevée sur un feu modéré, & contre laquelle on applique, quand elle est chaude, le cul d’un grand nombre de chandelles à la fois. Cette partie se fond, s’applatit, & les chandelles sont coupées. Il ne reste plus après cela qu’à les mettre en livres, si on les veut vendre en détail ; ou en caisse, si on veut les envoyer ou les garder.

Il y a des chandelles plongées de quatre, de six,