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Chanoines forains, forenses, sont ceux qui ne desservent pas en personne la chanoinie dont ils sont pourvûs. Il y avoit autrefois beaucoup de ces chanoines forains qui avoient des vicaires qui faisoient l’office pour eux. On peut encore mettre dans cette classe certains chapitres qui ont une place de chanoine dans la cathédrale, qu’ils font desservir par un vicaire perpétuel, tels que ceux de S. Victor, de S. Martin-des-champs, de S. Denis-de-la-chartre, de S. Marcel, qui prennent le titre de hauts vicaires. C’est sans doute aussi de-là que dans certaines églises il y a une bourse foraine différente de la bourse commune du chapitre.

Chanoines héréditaires, sont des laïcs auxquels quelques églises cathédrales ou collégiales ont déféré le titre & les honneurs de chanoine honoraire, ou plûtôt de chanoine ad honores.

C’est ainsi que dans le cérémonial Romain l’empereur est reçu chanoine de S. Pierre de Rome.

Le Roi, par le droit de sa couronne, est le premier chanoine honoraire héréditaire des églises de S. Hilaire de Poitiers, de S. Julien du Mans, de S. Martin de Tours, d’Angers, de Lyon, & de Châlons. Lorsqu’il y fait son entrée, on lui présente l’aumusse & le surplis.

Quelques seigneurs particuliers ont aussi le titre de chanoine héréditaire dans certaines églises.

Les ducs de Berri sont chanoines honoraires de S. Jean de Lyon.

Just, baron de Tournon, étoit chanoine héréditaire de l’église de S. Just de Lyon.

Le sire de Thoire & de Villars l’étoit de S. Jean de Lyon.

Hervé, baron de Donzy, l’étoit de S. Martin de Tours ; les comtes de Nevers ses enfans & descendans y ont succédé. Voyez le tr. de la noblesse, par de la Roque, p. 69.

Les comtes de Châtelus prennent aussi le titre de premier chanoine héréditaire de l’église cathédrale d’Auxerre. L’origine de ce droit est de l’an 1423, où Claude de Beauvoir, seigneur de Châtelus, chassa des brigands qui occupoient Cravan ville appartenante au chapitre d’Auxerre : il y soûtint ensuite le siége pendant cinq semaines, fit une sortie, aida à défaire les assiégeans, fit prisonnier le connétable d’Ecosse leur général, & remit la ville au chapitre sans aucun dédommagement : en reconnoissance de quoi le chapitre lui accorda, pour lui & sa postérité, la dignité de premier chanoine héréditaire. Le comte de Châtelus en prit possession : après le serment prêté, il vint à la porte du chœur, pendant tierce, en habit militaire, botté, éperonné, revêtu d’un surplis, ayant un baudrier avec l’épée dessus, ganté des deux mains, l’aumusse sur le bras gauche, sur le poing un faucon, à la main droite un chapeau bordé garni d’une plume blanche ; il fut placé à droite dans les hautes chaires, entre le pénitencier & le soûchantre : 84 ans auparavant, son pere avoit été reçu en la même dignité.

Les seigneurs de Chailly, proche Fontainebleau, ont aussi un droit à-peu-près semblable, qui vient de ce qu’en 1475, Jean seigneur de Chailly donna au chapitre de Notre-Dame de Melun toutes les dixmes qu’il avoit à Chailly ; en reconnoissance de quoi, les chanoines de Melun s’obligerent de donner à ce seigneur, & à ses successeurs seigneurs de Chailly, toutes & quantes fois qu’ils seront en la ville de Melun., la distribution de pain, telle & semblable comme à l’un des chanoines de cette église, à toûjours, perpétuellement, & c. Par une suite de cet accord, les seigneurs de Chailly sont en possession de prendre place dans la troisieme chaire haute, à droite du chœur de Notre-Dame de Melun. Ils ont occupé cette place en différentes occasions, & les nou-

veaux seigneurs y ont été installés la premiere fois

par le chapitre ; entr’autres, Georges d’Esquidy, auquel, du consentement du chapitre, le chantre fit le 20 Mai 1718 prendre séance dans cette place, revêtu de l’aumusse, pour, lorsqu’il assisteroit au service divin, lui donner la distribution portée par ses titres ; & le chapitre fit chanter l’antienne sub tuum præsidium, & jouer de l’orgue. Extrait du procès-verbal.

Chanoines honoraires, sont de plusieurs sortes ; il y en a de laïcs & d’ecclésiastiques ; savoir,

1°. Des laïcs, qui sont chanoines honoraires & héréditaires dans certaines églises : on pourroit plûtôt les appeller chanoines ad honores. Voyez ci-dev. Chanoines héréditaires.

2°. Il y a des ecclésiastiques qui par leur dignité sont chanoines honoraires nés de certaines églises, quoique leur dignité soit étrangere au chapitre. Par exemple, dans l’église noble de Brioude, les évêques du Puy & de Mende, avec leurs abbés, sont comtes nés de Brioude ; ce sont des chanoines honoraires.

3°. On peut en quelque sorte regarder comme chanoines honoraires, certaines églises & monasteres qui ont une place de chanoine dans quelqu’autre eglise cathédrale ou collégiale, comme les chanoines réguliers de S. Victor de Paris, qui ont droit d’entrée & de fonction dans l’église métropolitaine de Paris, & dans l’église collégiale de S. Cloud, parce qu’une prébende de ces chapitres est unie à leur maison. Voyez ci-devant Chanoines forains.

4°. Les chanoines ad effectum sont encore une autre sorte de chanoines honoraires. Voyez ci-dev. Chanoines ad effectum.

5°. On voit encore quelquefois des chanoines honoraires d’une autre espece, lorsqu’un chapitre confere ce titre à quelque personne distinguée dans l’église par sa naissance, sa dignité, ou par sa piété, sans que cette personne ait jamais été titulaire d’une prébende : c’est une aggrégation spirituelle que les chapitres ne font que pour de grandes considérations. Le cardinal de Fustemberg, quelques années avant sa mort, fut ainsi nommé chanoine honoraire de S. Martin de Tours.

6°. L’espece la plus commune des chanoines honoraires est celle des vétérans, qui ont servi vingt ans & plus leur église, & qui s’étant démis du titre de leur bénéfice, conservent le titre de chanoine honoraire, avec rang, séance, entrée au chœur, & même quelques droits utiles. C’est une récompense qu’il est juste d’accorder à ceux qui ont long-tems servi l’église, & qui continuent à édifier en assistant encore, autant qu’ils peuvent, au service divin. Lettre de M. Cochet de S. Vallier, sur le traité des droits des chapitres. Voyez aussi Chanoines jubilaires.

Chanoines jubilaires ou jubilés, sont ceux qui desservent leurs prébendes depuis 50 ans : ils sont toûjours réputés présens, & joüissent des distributions manuelles. Dans l’église cathédrale de Metz, on est jubilaire au bout de quarante ans.

Chanoines laics, sont pour la plûpart des chanoines honoraires & héréditaires, dont on a parlé ci-devant aux mots Chanoines héréditaires & Chanoines honoraires. Il y a cependant quelques exemples singuliers de chanoines titulaires qui sont laïcs, & même mariés. A Tirlemont en Flandre, il y a une église-collégiale de chanoines fondés par un comte de Barlemont, qui doivent être mariés : ils portent l’habit ecclésiastique, mais ne sont point engagés dans les ordres : les canonicats valent environ 400 liv. monnoie de France. Le doyen doit être ecclésiastique, & non marié.

Chanoines majeurs, sont ceux qui ont les