ne coupeuse, afin qu’il n’y en ait point de perdu : l’autre, c’est de ne point enlever de pieces de la peau ; ces pieces s’appellent chiquettes : ce sont des ordures qui gâtent dans la suite l’ouvrage ; & les défauts qu’elles y occasionnent font des duretés sensibles aux doigts auxquelles on a conservé le même nom de chiquettes. Il faut que la coupe se fasse très-vîte, car les habiles peuvent couper une pesée en deux jours ou deux jours & demi. A mesure que les coupeuses travaillent, elles enlevent le poil coupé & le mettent proprement dans un panier.
On distingue le poil en gros & en fin, avant que la peau soit arrachée ; & quand on la coupe, on distingue le fin en trois sortes, le blanc, le beau noir, & l’anglois. Le blanc est celui de dessous le ventre, qui se trouve placé sur les deux extrémités de la peau, lorsque l’animal en est dépouillé ; car pour le dépouiller, on ouvre l’animal sous le ventre, & on fend sa peau de la tête à la queue. Le beau noir est le poil placé sur le milieu de la peau, & qui couvre le dos de l’animal : & l’anglois est celui qui est entre le blanc & le noir, & qui revêt proprement les flancs du castor. On s’en tient communément à deux divisions, le blanc & le noir : mais la coupeuse aura l’attention de séparer ces trois sortes de poils, si on le lui demande. Le blanc se fabriquera en chapeaux blancs, quoiqu’on en puisse pourtant faire des chapeaux noirs. Quant au noir, on n’en peut faire que des chapeaux noirs ; non plus que de l’anglois dont on se sert pour les chapeaux les plus beaux, parce que ce poil est le plus long, ou qu’on le vend quelquefois aux Faiseurs de bas au métier, qui le font filer & en fabriquent des bas moitié soie & moitié castor. Il sert encore pour les chapeaux qu’on appelle à plumet ; on en fait le plumet ou ce poil qui en tient lieu, en s’élevant d’un bon doigt au-dessus des bords du chapeau.
Il y a deux especes de peau de castor, l’une qu’on appelle castor gras, & l’autre castor sec. Le gras est celui qui a servi d’habit, & qu’on a porté sur la peau ; plus il a été porté, meilleur il est pour le Chapelier ; il a reçu de la transpiration une qualité particuliere. On mêle le poil du castor gras avec le poil du castor sec ; le premier donne du liant & du corps au second : on met ordinairement une cinquieme partie de gras sur quatre parties de sec ; aussi ne donne-t-on aux ventes du castor qu’un ballot de gras sur cinq ballots de sec. Mais, dire-t-on, comment fabriquer le poil de castor au défaut de gras ? le voici. On prend le poil le plus court & le plus mauvais du sec, on en remplit un sac ; on met ce sac de poil bouillir à gros bouillons dans de l’eau pendant 12 heures observant d’entretenir dans le vaisseau toûjours assez d’eau, pour que le poil & le sac ne soient point brûlés. Au bout de ce tems, on tire le sac de la chaudiere, on prend le poil, on le tord, & on l’égoutte en le pressant avec les mains ; on l’étend sur une claie, on l’expose à l’air, ou on le fait sécher dans une étuve. On employe ce poil ainsi préparé, quand on manque de gras ; on en met plus qu’on n’auroit mis de gras : ce qui ne supplée pourtant pas à la qualité.
Les peaux de castor sec coupées se vendent aux Boisseliers qui en font des cribles communs, & aux marchands de colle-forte, ou aux Bourreliers-Bâtiers, qui en couvrent des bas communs pour les chevaux. Celles de castor gras servent aux Bahutiers, qui en revêtent des coffres.
Voilà tout ce qui concerne la préparation du poil de castor. Quant à la vigogne, on l’épluche. L’éplucher, c’est en ôter les poils grossiers, les nœuds, les ordures, &c. ce qui se fait à la main. On distingue deux sortes de vigogne, la fine qu’on appelle carmeline, & la commune.
Ce sont les mêmes ouvriers & ouvrieres qui prépa-
à repasser ; elles dressent le poil en passant le couteau sur la peau à rebrousse poil ; puis avec des ciseaux, elles coupent l’extrémité du long poil & l’égalisent au fin : quand elles ont égalisé tout le gros ou long poil d’une peau, elles en font autant à une autre, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elles en ayent préparé une certaine quantité ; alors, ou d’autres ou les mêmes ouvrieres les reprennent ; & avec le couteau à repasser, elles saisissent entre leur pouce & le tranchant du couteau le poil gros & fin, & arrachent seulement ce dernier : le gros reste attaché à la peau. C’est un fait assez singulier, que quoiqu’on tire également l’un & l’autre, ce soit le fin qui soit arraché. Cet arrachement se fait à rebrousse poil ; la queue de la peau est tournée du côté de l’arracheuse, & la tête est étendue sur ses genoux.
On distingue aussi deux poils de lievre, l’arrête & le roux. L’arrête, c’est le dos ; le roux, ce sont les flancs. Il est à propos d’observer qu’il en est des peaux de lievre, comme de celles de castor ; après avoir égalisé les poils, on secrete les peaux, c’est-à-dire qu’avant que d’arracher, on les frotte avec le carrelet de la même eau-forte coupée, & qu’on les fait aussi sécher à l’étuve. On sépare dans l’arrachement qui suit ces deux opérations, l’arrête & le roux.
Les peaux de lapin se préparent par les repasseuses. Elles commencent par les ouvrir par le ventre, ainsi que les peaux de lievre ; elles les étendent ensuite, & les mouillent un peu du côté de la chair, ce qu’elles font aussi au lievre. Ces peaux étant beaucoup plus minces que celles du castor, il ne faut pas les laisser reposer long-tems, pour qu’elles s’amollissent ; elles se mettent ensuite à les arracher, c’est-à-dire à enlever le gros poil avec le couteau à repasser. Quand le gros poil est arraché, on les secrete, on les seche ; ensuite les coupeuses coupent le fin avec le couteau à couper, précisément comme aux peaux de castor.
Il y a des maîtres qui achetent le poil tout coupé chez des maîtresses coupeuses ; il y en a d’autres qui le font couper chez eux. Celles qui le coupent chez les maîtresses, sont obligées de parer le poil de la peau ; pour cet effet, elles coupent la peau entiere à trois reprises ; à chaque reprise elles ramassent le poil d’une bande avec leur couteau, & le posent sur une planche, & ainsi des deux autres bandes. Quand elles ont placé les trois bandes de poil sur la planche, comme elles étoient sur la peau, elles transportent le poil des extrémités & autres endroits où il est moins bon, en d’autres endroits ; elles en forment un mêlange qui est à-peu-près uniforme, & qui est très-propre à surprendre par l’apparence ; elles entourent le tout des bordages de la peau : on appelle de ce nom le poil des extrémités ou bords de la peau. On enleve ce poil avec des ciseaux ; pour cet effet, on plie la peau comme s’il s’agissoit de l’ourler du côté du poil, & avec les ciseaux on enleve la surface convexe de l’ourlet, & en même tems le poil qui la couvre : il est évident que ce poil doit être mêlé de chiquettes ; elles séparent ensuite ces chiquettes du poil, elles placent ce poil sous celui des bandes tout autour, elles mettent le poil d’une peau entiere sous le poil d’une autre, comme par lits, & elles en remplissent des paniers. Il n’y a point d’autre distinction dans le poil de lapin que l’arrête & les bordages ; encore n’est-ce qu’une distinction de nom, car dans l’usage on employe également tout le poil.
L’année se partage, relativement aux peaux, en deux saisons, l’hyver & l’été. Les peaux d’été ne donnent point d’aussi bonne marchandise que celles d’hyver. Il y a deux conditions de peaux de lievre & de lapin ; celles qui sont blondes sur le dos, grandes & bien fournies, se choisissent entre les autres comme