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Cela fait, on marche les capades au bassin ; pour cet effet, on a une feutriere. La feutriere qu’on voit fig. 9. est un morceau de bonne toile de ménage, d’environ cinq piés de long, sur trois & demi à quatre de large ; on la mouille uniment avec un goupillon, après l’avoir étendue sur le bassin, afin de la rendre molle & douce ; mais il ne faut pas qu’elle soit trop humectée, sans quoi l’étoffe des capades prendroit à la feutriere, & seroit déchirée ; on pose la capade sur la feutriere, la tête vers le bord supérieur ; on la couvre exactement d’un papier un peu humecté & non ferme ; on met une autre capade sur ce papier qui la sépare de la premiere ; ces deux capades sont tête sur tête, arrête sur arrête. On ramene ensuite le bas de la feutriere sur les deux capades ; on la plie en trois plis égaux selon sa hauteur ; on la plie encore en trois plis égaux selon sa largeur, & l’on marche les capades renfermées dans la feutriere ainsi pliées ; c’est-à-dire qu’on applique les mains dessus, & qu’on les presse par-tout par petites secousses : après quoi, des trois derniers plis, on met en-dehors celui qui étoit en-dedans, & en-dedans celui qui étoit en-dehors, on acheve de replier, & on remarche. Toutes ces opérations tendent à augmenter peu-à-peu la consistence ; ce marcher des capades est le commencement de ce qu’on appelle le bastissage. Le bassin sur lequel cela se fait est une grande table de bois qu’on voit fig. 2. autrefois concave dans le milieu, maintenant tout-à-fait plane ; cette cavité étoit enduite de plâtre, on y metroit du feu, on la couvroit d’une plaque de fer, & l’on marchoit sur la plaque ; mais on ne marche plus guere à feu. Ce que nous venons de dire des deux capades se pratique exactement sur les deux autres ; on les enferme de même dans la feutriere séparées par un papier, & on les marche de même.

Après que les capades ont été marchées deux à deux, comme nous venons de le prescrire, on ouvre la feutriere, on enleve une des capades avec le papier qui la séparoit de l’autre qu’on laisse sur la feutriere, & qu’on couvre d’un papier gris qui a à-peu-près la forme d’une hyperbole qui n’auroit pas tout-à-fait tant d’amplitude que la capade sur la même hauteur. On pose le sommet de ce papier hyperbolique, qu’on appelle un lambeau, à deux bons doigts de la tête de la capade qui est sur la feutriere ; on mouille un peu le sommet du lambeau & la tête de la capade, & on couche sur le lambeau l’excédent de la tête de la capade sur le sommet de ce papier ; on couche pareillement l’excédent des deux aîles de la capade sur les côtés du lambeau, d’où il s’ensuit évidemment qu’il s’est formé deux plis au moins à la capade en quelqu’endroit, l’un à droite & l’autre à gauche du sommet du lambeau. Il faut effacer ces plis, & faire ensorte que le lambeau soit embrassé exactement sur toute sa circonférence, par l’excédent de la capade sur lui, sans qu’il y ait de plis nulle part : pour cet effet, on pose le dessous des doigts de la main gauche sur le bord gauche de la capade, en appuyant un peu, pour tenir tout en respect, & l’on détire doucement le pli de ce côté, avec les doigts de la droite, jusqu’à ce qu’on l’ait fait évanouir ; on en fait autant au pli du côté droit, en tenant tout en respect avec le dessous du bout des doigts de la droite, & détirant l’étoffe qui prête, avec les doigts de la gauche. Quand ces plis sont bien effacés, on prend l’autre capade, que j’appellerai b, & on la pose sur le lambeau que la premiere, que j’appellerai a, tient embrassé ; on retourne tout cet appareil ; on couche les bords excédens de la capade b, sur la capade a, ensorte que cette capade a soit embrassée par-tout par la capade b, comme la capade b embrasse le lambeau qui les sépare. On efface les plis de cette capade b, comme on a effacé

ceux de la capade a ; mais le lambeau n’ayant pas à beaucoup près autant d’amplitude que les capades qui le renferment, il reste ordinairement à droite & à gauche, au-bas des capades, au bord de leurs arrêtes, deux petites places que le lambeau ne couvre point, & où les capades se toucheroient & se prendroient, si on n’y inséroit deux petits morceaux de papier qui servent, pour ainsi dire, de supplément au lambeau. Aussi a-t-on cette attention ; il faut bien se ressouvenir que tout cet appareil est placé sur la feutriere, la tête des capades étant à une petite distance de son bord supérieur.

Cela bien observé, on prend la feutriere par son bord supérieur, & on en couche sur la tête des capades, la partie dont elle les excede, & qui est à-peu-près de quatre doigts ; on prend ensuite le bord inférieur de la feutriere, & on le ramene jusqu’en haut de cet appareil, ensorte que l’appareil des capades & du lambeau soit entierement renfermé dans cette grande toile, & que le tout ait à-peu-près la forme quarrée de la fig. 24, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Après quoi prenez l’angle 1, portez le point 1 au point 10, & formez le pli 9, 2. Prenez l’angle 4 ; portez le point 4 au point 11, & formez le pli 5, 3. Prenez l’angle 6 ; portez le point 6 au point 15, & formez le pli 7, 16, qui prolongé passeroit par l’angle 4. Prenez l’angle 15 ; portez-le au point 14, & formez le pli 13, 12 parallele au pli 9, 2.

Il est évident qu’après ces opérations tout votre appareil aura la figure extérieure 2, 9, 8, 7, 16, 3, 2. Faites trois plis égaux entr’eux & paralleles au pli 7, 16, ensorte que le bord du premier pli tombe sur le pli 9, 2, & que la ligne 17, 14, si on la tiroit, fût partagée en quatre parties égales par le moyen des plis qui la couperoient perpendiculairement en trois endroits. Voilà ce qu’on appelle former ses croisées.

Ces croisées formées, poser vos deux mains dessus & marchez. Cela fait, dépliez & formez les mêmes croisées, mais en commençant par l’angle 4, ensorte que toutes les croisées soient toutes jettées du côté de cet angle, comme on les voit jettées dans la fig. du côté de l’angle 1. Posez vos mains sur ces nouvelles croisées & marcher ; cela s’appelle marcher sur les côtés.

Dépliez & ne laissez que les deux plis 9, 2 ; & 3, 5. Prenez le bord 8, 7, 6, & formez, les uns sur les autres, trois plis paralleles à 8, 7, 6, ensorte que le dernier de ces trois plis tombe sur 2, 3, & que tout l’espace 8, 9, 2, 3, 5, 6, 7, 8, soit partagé en quatre bandes paralleles & de même hauteur. Appliquez vos mains & marchez. Cela s’appelle marcher sur l’arrête.

Dépliez & ne laissez que les deux plis 9, 2 & 3, 5. Prenez le bord 2, 3, & formez les uns sur les autres trois plis paralleles à 2, 3, ensorte que le dernier tombe sur 8, 7, 6, & que tout l’espace 2, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 2, soit partagé en quatre bandes paralleles & de même hauteur. Appliquez vos mains & marchez. Cela s’appelle marcher sur la tête ; & l’opération entiere, suivre ses croisées.

Quand on a suivi ces croisées, on déplie premierement les trois grands plis paralleles, puis les deux angles 192, 345 ; on abaisse la feutriere ; on ouvre les capades ; on ôte le lambeau d’entre elles, avec les deux papiers des côtés, on les décroise. Pour entendre ce que signifie ce mot décroiser, dont nous nous servirons souvent, il faut se rappeller que l’assemblage des deux capades a à-peu-près la forme d’un cone, sur les deux côtés duquel ces capades commencent à se lier par des portions dont elles sont repliées l’une sur l’autre : or décroiser, c’est déplier ce cone, & le plier ensuite de maniere que ce qui occupoit les côtés occupe le milieu, & que ce qui,