le dedans de ce sac soit garni de tamis de crin ; on place le chapeau dans cette chausse ou dans le vigogne ; on prend la brosse, on l’asperge ; on a une des pieces qu’on place sur le chapeau ; de maniere que l’arrête en soit débordée d’un bon pouce ; on tape cette piece avec la brosse : si on se sert d’une chausse, il ne faut point de tamis : si on se sert d’un vigogne, on place des tamis sur la piece pour la séparer du vigogne ; on retourne cet appareil sens-dessus-dessous ; on ouvre le chapeau ; on place en-dedans des tamis, de peur que les bords inférieurs de la piece mise ne prennent avec les bords inférieurs de celle qu’on va mettre ; on ferme le chapeau ; on place une seconde piece ; on sépare cette seconde piece par des tamis du vigogne, si c’est d’un vigogne que l’on se sert ; on fait un pli à la tête, tel que celui de la figure 25. on continue de plier le reste en trois autres plis, dans la direction du premier pli 25 ; on prend les maniques, mais non le roulet ; on arrose avec la jatte, & on foule. Il faut dans ce travail que l’eau de la chaudiere soit moins chargée de lie ; on foule chaud & clos sur la tête & sur les côtés ; on examine ensuite si les deux pieces ont bien pris avec le reste de l’étoffe, ce dont on s’appercevra à une espece de gripure ou grenure qui se formera à la surface des pieces. Quand cela est, on ôte du dedans du chapeau les tamis qui empêchoient les bords des pieces de prendre ; puis on décroise, de maniere que ce qui étoit sur les côtés du cone soit dans le milieu, & que ce qui étoit dans le milieu soit sur les côtés ; & que les côtés du cone après le décroisement, partagent chacun chaque piece en deux parties égales, dont une qui est une des aîles d’une piece soit dessus, & l’autre partie ou aîle dessous ; & dont une qui est une des aîles de l’autre piece, soit pareillement dessus, & l’autre partie ou aîle, dessous. On place alors deux autres pieces, comme on a placé les précédentes, les faisant déborder l’arrête du chapeau de la même quantité, leurs aîles sur les aîles des deux premieres ; d’où l’on voit combien il étoit raisonnable de faire à l’arçon ces aîles moins épaisses que le centre, puisque le chapeau doit être égal par tout d’épaisseur, & que dans la fabrique, une aîle de piece se devoit cependant trouver placée sur l’aîle d’une autre piece ; ce qui ne pouvoit donner la même épaisseur, à moins que le centre de la piece ne fût à-peu-près deux fois plus épais que l’extrémité de son aîle. On met des tamis à ces deux pieces, & on les fait prendre comme les deux autres, faisant un pli sur la tête & sur les côtés, foulant à la manique & sans roulet, mais chaud & clos, & arrosant avec la jatte.
Quand on s’est apperçu que ces deux secondes pieces sont prises, on ôte délicatement les tamis pour ne pas offenser les pieces, on décroise sur les points d’intersection des aîles des pieces, c’est-à-dire qu’on amene ces points dans le milieu ; & on en pose deux autres, l’une en-dessus & l’autre en-dessous, de maniere que leur petit axe passe chacun par les deux points d’intersection de deux aîles appliquées l’une sur l’autre ; on met les tamis, on foule fortement, on fait prendre ces deux nouvelles pieces ; & quand elles sont prises, on en place deux autres, après avoir décroisé de maniere que les deux dernieres prises soient amenées sur les côtés du cone, & divisées en deux parties égales par ces côtés, & que les deux qu’on va placer ayent les bouts de leurs aîles sur les bouts des aîles des deux dernieres placées. On suit cet ordre & cette manœuvre jusqu’à ce qu’on en ait placé douze, deux à deux.
Quand toutes les pieces sont placées & prises, on leur donne encore dans la chausse ou le vigogne une couple de croisées reglées ; puis on retourne le chapeau, & l’on met en-dedans les pieces qui for-
mais sans roulet ; en tête & sur les côtés, mais non sur l’arrête, ce qui gâteroit le plumet : on continue des croisées jusqu’à ce que le cordon du plumet se dénoüe, c’est-à-dire jusqu’à ce que ce pouce excédant des pieces, ne prenant point de nourriture, se casse & vienne à se séparer du feutre. Quand le cordon est séparé, on examine si la séparation s’en est bien faite ; s’il en reste quelque parcelle, on l’arrache doucement avec les pincettes de foule. Puis on retourne le chapeau, l’on remet le plumet en-dehors, & on le foule bien chaud & bien clos, à la manique & sans roulet. Quand à force de fouler & de travailler il ne reste plus rien du tout de l’excédent des pieces, on suppose que le chapeau est assez foulé ; on le retourne, on l’égoutte avec le roulet, mais doucement ; on le met en coquille, comme s’il étoit sans plumet ; on le pousse, on le met sur la forme, on le dresse, on le ficelle, on exécute tout ce qui suit l’opération, comme s’il étoit sans plumet ; avec cette différence seule, qu’ensuite on le déficelle & qu’on le dresse deux fois. Après le second dressage, on le reficelle, on l’unit à la piece, on abat la ficelle, on acheve de l’unir, on l’arrose d’une jattée, on l’égoutte avec la piece, on prend un carrelet, & on peigne le plumet pour le démêler ; ce qui s’exécute singulierement : on tient le carrelet, on le pose sur le plumet en frappant, puis on n’en releve que la partie qui correspond au bas de la paume de la main : le bout du carrelet reste appliqué sur le plumet vers la tête, ses dents dans cette opération sont tournées du côté du talon de la main, & sa longueur est dans une ligne qui partiroit du centre de la forme pour aller au bord de l’arrête ; on tourne la forme sur elle-même à mesure qu’on peigne, & l’action du peigne est de démêler & dresser les poils du plumet : cela fait, on le porte à l’étuve, il y passe la nuit ; le lendemain on le ponce, sans toucher au plumet ; on l’arrondit : pour cet effet, on repousse avec la main légerement le plumet du côté de la tête, puis on rogne l’arrête tout autour avec des ciseaux, le moins qu’on peut ; on repeigne le plumet sec, précisément comme la premiere fois quand il étoit mouillé ; on l’éleve à la hauteur de l’œil, on regarde entre les poils du plumet s’il n’y en a point de noüés, on sépare à la pincette ceux qui le sont, après quoi on le rend au maître qui en marque à feu, avec un fer, le poids & la qualité, avec les premieres lettres de son nom, qui de relief sur le fer, viennent en creux sur le chapeau.
Les chapeaux vont maintenant passer dans l’attelier des Teinturiers. Mais avant que de les teindre, on les robe ; rober un chapeau, c’est le frotter avec un morceau de peau de chien de mer qu’on tient entre les doigts, & qu’on appuie avec la paume de la main ; pour rober la tête, on met le chapeau sur une forme plus haute, puis on le frotte sur les côtés de la tête, & ensuite sur le plat.
Quand les chapeaux sont robés, les Teinturiers s’en emparent & les assortissent. Assortir, c’est chercher entre les formes celle qui convient à chaque chapeau. Quand ils en ont assorti une certaine quantité, ils amassent & les chapeaux & les formes à côté d’une petite foule toute semblable à celle du Chapelier, qu’on appelle dégorgeage. Voyez Planche III. de Chapelerie, fig. 1. la foule de dégorgeage ; 1, 2, 3, 4, poteaux, dont on verra l’usage ; 5, entrée du dessous de la chaudiere ; 6, 7, bancs ; 8, cheminée. Elle est petite, à quatre seulement, & les bancs en sont plus plats. La chaudiere est pleine d’eau claire, on met le feu dessous ; quand elle est sur le point de bouillir, ils prennent les chapeaux par les aîles & en trempent la tête avec la forme dans la chaudiere, les retournent sur le banc de la foule, abattent les plis avec la main, font entrer la forme de leur mieux,