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dont le troisieme enferme le second, le second le premier, & le premier la bûche plantée en terre verticalement, fendue par son autre bout en quatre, & armée par ce bout de deux bûches formant quatre angles droits, & ces angles contenant chacun une bûche inclinée ; 2°. sur ces planchers un second étage de bûches pareillement inclinées, ensorte que ce second étage moins étendu que le premier, continue la figure conique que le premier affectoit par l’inclinaison de ses bûches.

Lorsque le fourneau aura été conduit jusque-là, on ôtera les chevilles qui contiennent les bûches du troisieme plancher, pour servir dans la construction d’un autre fourneau, & on jettera tout autour de ce plancher du petit bois de chemise à deux mains ; on prendra une échelle un peu convexe, on l’appliquera contre les étages, & on montera au-dessus du second ; on donnera quelques coups à la bûche pointue, placée au centre du second étage, afin de l’ébranler ; on la tirera un peu, on couvrira toute la surface supérieure & plane de ce second étage de bois de chemise, ensorte que cet amas de bois de chemise remplisse bien exactement tous les interstices que les buches laissent entr’elles, & achevent de former le cone.

Alors le fourneau sera fini, quant à l’arrangement du bois ; & le Bûcheron amassera de l’herbe & en jonchera l’extrémité supérieure de son fourneau d’abord, & ensuite la plus grande partie de sa surface. Il tracera un chemin autour, il en bêchera la terre, il ramassera cette terre par tas, il la brisera & divisera le plus qu’il pourra ; cela lui servira de frasin, car il n’en a pas encore, puisque nous supposons qu’il établit une charbonniere nouvelle. Le frasin n’est autre chose que de la poussiere de charbon mêlée avec quelque menue braise & de la terre. Les Charbonniers ramassent cette matiere autour de leurs fourneaux, & ils s’en servent pour leur donner la derniere façon ou le dernier enduit. Comme elle est assez menue, elle remplit exactement les interstices que les bois laissent entr’eux avant qu’on mette le feu, & les crevasses qui se font devant, après, & pendant la cuisson. Ils trouvent le frasin sur l’aire, quand ils en ont tiré le charbon ; & c’est la poussiere même qui couvroit le fourneau, qui s’est augmentée pendant la cuisson, & qui a servi à étouffer le charbon. Au défaut de frasin, ils font usage de la terre tirée du chemin avec la bêche, comme nous venons de le dire.

Quand la terre sera préparée, on prendra une pelle & on en couvrira le fourneau, à l’exception d’un demi-pié par en-bas, sur-tout le pourtour : c’est par-là que l’air se portera au centre quand on y mettra le feu, & le poussera. La couche ou l’enduit de frasin, ou de terre (quand on manque de frasin) qui habillera le fourneau, n’aura pas plus d’un pouce & demi d’épaisseur.

Quand le fourneau sera couvert, le Charbonnier montera au haut, enlevera la bûche qu’il avoit placée au centre du second étage, & jettera dans le vuide que laissera cette bûche, & qu’on appelle la cheminée, quelques petits bois secs & très-combustibles, & par-dessus, une pelletée de feu ; alors le fourneau s’allumera, & ne s’appellera plus fourneau, mais feu. La fumée sortira très-épaisse par le demi-pié d’en-bas, qu’on aura laissé découvert tout-au-tour du fourneau ; il en sortira aussi par la cheminée. On laissera les choses en cet état, jusqu’à ce qu’on voye la flamme s’élever au-dessus de la cheminée ; alors le Charbonnier prendra une piece de gason, & bouchera la cheminée, mais non si exactement qu’il n’en sorte encore beaucoup de fumée ; il descendra ensuite de dessus son fourneau, & s’il fait un peu de

vent, il apportera des claies, les dressera, & empéchera le vent de hâter le feu.

Le Charbonnier ne pourra quitter son fourneau de deux heures, quand il y aura mis le feu. Il faudra qu’il veille à ce qui se passe, & qu’il soit attentif à jetter du frasin ou de la terre dans les endroits où la fumée lui paroîtra sortir trop épaisse. S’il arrive que l’air qui s’échappe du bois, mêlé avec la fumée, ne trouve pas une issue facile, cet air se mettra à circuler intérieurement, en faisant un bruit sourd & assez violent ; ce bruit finira ordinairement par un éclat, & par une ouverture qu’on appelle aussi cheminée ; mais mieux vent : le Charbonnier bouchera cette ouverture avec de la terre ou du frasin. Au bruit qui se fera intérieurement, & à l’éclat qui le suivra, ceux qui n’auront jamais vû faire de charbon, croiront volontiers que le fourneau s’est entr’ouvert, & est dispersé ; cependant cela n’arrive jamais. Tout l’effet se réduira à un petit passage où l’on remarquera un cours de fumée considérable, que l’ouvrier arrêtera avec une légere pelletée de terre ou de frasin.

L’ouvrier aura encore une autre attention, ce sera de couvrir peu-à-peu le bas de son fourneau, & de retrécir cet espace que nous avons dit qu’il avoit laissé découvert. Quand il aura fait cet ouvrage, il pourra quitter son feu, & s’en aller travailler à la construction d’un autre fourneau. Il suffira que d’heure en heure, ou de demi-heure en demi-heure, il vienne modérer les torrens de fumée, & qu’il accoure quand il sera averti & appellé par les bruits des vents, ce qui arrivera de tems en tems. Il faudra, pour que le feu brûle également, que la fumée s’exhale également de tout côté, excepté au sommet vers la cheminée, où l’on entretiendra le cours de la fumée plus fort qu’ailleurs.

Il arrivera quelquefois dès le premier jour, sur le soir, que le feu ait été plus vîte dans un endroit que dans un autre, ce que l’on appercevra par les inégalités qui se feront à la surface du côté où le fourneau aura brûlé trop vîte ; alors le Charbonnier prendra le rabot ; le rabot est un morceau de bois plat, taillé comme un segment de cercle, & emmanché dans le milieu de sa surface d’un long morceau de bois ; les deux angles du segment servent à ouvrir le fourneau ; & le côté rectiligne, à étendre la terre ou le frasin sur le fourneau, & à l’unir. Le Charbonnier, avec la corne de cet instrument, découvrira le côté élevé du fourneau, & lui donnera de l’air, jusqu’à ce qu’il paroisse une espece de flamme légere ; si la flamme étoit vive & forte, le bois se consumeroit, & l’on auroit des cendres au lieu de charbon.

La premiere nuit, l’ouvrier ira visiter son feu deux à trois fois, examinera le vent, placera les claies comme il convient, donnera de l’air aux endroits qui en auront besoin, & le supprimera dans ceux où il paroîtra en avoir trop. Le feu n’ira bien, & le fourneau ne sera bien conduit, que quand, par l’attention du Charbonnier à étouffer & à donner de l’air à tems & aux endroits convenables, l’affaissement du fourneau se fera à-peu-près uniformément par-tout.

Le second jour, le travail du Charbonnier ne sera pas considérable ; mais à l’approche de la nuit du deuxieme jour, il ne pourra plus le quitter. La cuisson du charbon s’avancera, & le grand feu ne tardera pas à paroître. On appelle l’apparition du grand feu, le moment où toute la chemise se montre rouge & en feu ; ce sera alors le moment de polir le fourneau ; on regardera le charbon comme cuit ; on prendra le rabot & la pelle ; on rechargera le fourneau de terre & de frasin avec la pelle, & on l’unira avec le côté rectiligne du rabot, en tirant le frasin ou la terre de haut-en-bas, ce qui achevera de fermer la