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On appelle tue-vents ou brise-vents, les claies dont on entoure les fourneaux dans les tems venteux.

Nous avons dit que le charbon de bois étoit trois jours entiers à se faire ; c’est que nous avons supposé le fourneau construit de bois vert ; il ne faut que deux jours & demi au bois sec.

Il est de la derniere importance de bien établir les courans de fumée, avant & pendant la cuisson (ce qui s’exécute avec la pointe d’un fourgon, ou avec la corne du rabot) & de bien polir & rafraîchir après la cuisson.

Le charbon de bois se mesure & se vend au boisseau comble. On appelle charbon en banne celui qui vient par charroi ; & banne, la charrette dans laquelle on le voiture. Voyez l’article Banne.

Il est aisé d’être trompé à la qualité du charbon. Il est bon d’y faire attention quand on l’achete, & l’acheter plûtôt au boisseau qu’en sacs.

Il est défendu de faire du charbon hors les forêts ; il n’est pas permis d’en faire chez soi, quand même on demeureroit dans les forêts.

On n’établit pas de charbonnieres par-tout où l’on veut ; c’est aux officiers des eaux & forêts d’en marquer les places, qu’ils choisissent les plus vuides & les plus éloignées des arbres. Ils en fixent communément le nombre à une par chaque arpent de bois à couper ; & ils peuvent obliger à repeupler les places ravagées par les charbonnieres.

Lorsque le fourneau est découvert, si le propriétaire ne l’enleve pas, mais le laisse sur l’aire, on dit qu’il reste en. meule.

Charbon. (Chimie.) Le charbon en général est formé par la combinaison d’une terre & du principe inflammable, ou du feu ; le mixte qui résulte de cette union est mêlé dans la plûpart des charbons avec quelques parties salines, soit alkalines, soit neutres, qu’il enveloppe ou masque d’une façon singuliere ; car les menstrues naturels de ces sels ne les attaquent pas dans ce mêlange : au moins la prétention de Borrichius, qui assûre en avoir retiré une substance saline par une très-longue décoction avec l’eau distillée, la prétention de ce célebre Chimiste, dis-je, n’est pas encore confirmée. L’huile de charbon est aujourd’hui un être dont l’existence est aussi peu soûtenable, que celle de l’acide du feu, des soufre des métaux, du nitre aërien, &c. C’est parce que l’ivoire brûlé des boutiques n’est porté que jusqu’à l’état charbonneux, que l’eau-forte ne l’attaque point, & non pas parce qu’un certain gluten particulier empêche l’action de ce menstrue, raison qu’en donne le célebre M. Pott, dans le premier ch. de sa Lithogeognosie. (Trad. Franç. p. 15.) ni « parce que ses parties calcaires sont pour ainsi dire enduites d’une terre charbonneuse ». Nouvelle explication du même auteur. (cont. de la Lithogeognosie p. 236.) Il est essentiel d’observer pour l’exactitude logique, dont l’exposition la plus nue des expériences ne peut même se passer, que cette insolubilité de l’ivoire calciné ordinaire ne peut pas être regardée comme distinguant spécifiquement cette substance des autres matieres alkalines ; car de la comparaison d’un charbon à des chaux, ou à des cendres animales, on ne peut rien inférer pour l’analogie ou la différence des matieres comparées. Ce que M. Pott avance, du noir ou du charbon d’ivoire, est également vrai de toutes les terres animales combinées avec le phlogistique sous la forme de charbon ; & au contraire, l’ivoire calciné au blanc, ou réduit en vraie chaux, est dissout assez promptement par l’acide, selon M. Pott lui-même, dans le dernier endroit cité. Nous observerons sur la derniere explication, qu’un Chimiste ne se représente que fort difficilement des parties calcaires enduites d’une terre charbonneuse ; qu’il ne connoît même pas assez ce dernier être, une terre charbonneuse ;

& que la bonne doctrine des combinaisons le conduit au contraire très-naturellement à considérer tout charbon comme un vrai mixte formé par l’union (& non pas par l’enduit) du phlogistique (& non pas d’une terre charbonneuse) à la terre même du corps changé en charbon, ou à celle du débris de ses principes salins ou huileux. M. Pott rapporte à l’endroit déjà cité, de la cont. de sa Lithogeognosie, un fait très-remarquable, & qui a un rapport intime avec la considération qui vient de nous occuper. « Il y a plusieurs substances pierreuses & calcaires, dit ce Chimiste, qui après avoir été calcinées, surtout dans un creuset fermé, ne font plus une effervescence aussi marquée, qu’elles faisoient avant la calcination ». Entre autres causes qui peuvent concourir à ce phénomene, ne peut-on pas très-raisonnablement soupçonner que la principale consiste en ce que la terre calcaire de ces substances, simplement confondue avant la calcination avec quelques matieres inflammables, subit en tout, ou en partie, avec le phlogistique de ces matieres, une combinaison charbonneuse ou presque-charbonneuse ?

Il est très-vraissemblable que l’air entre aussi dans la mixtion charbonneuse ; mais comme on n’a trouvé jusqu’à présent d’autres moyens de détruire cette mixtion dans les vaisseaux fermés, que celui que fournit sa détonation avec le nitre, il seroit fort difficile de vérifier ce soupçon par tous les procédés connus ; il ne paroît pourtant pas impossible de les retourner de façon à pouvoir satisfaire à cet égard la curiosité des Physiciens.

Le charbon parfait brûle sans donner de flamme sensible, a moins qu’on ne l’excite par le vent d’un soufflet, ou qu’il ne soit exposé à un courant rapide d’air dans nos fourneaux à grille. Le sel marin jetté sur des charbons à demi-éteints les ranime. Voyez Flamme & Calcination.

Le charbon détruit par la combustion à l’air libre, ou par la flamme, fournit la cendre dans laquelle on retrouve là plus grande partie de ses principes fixes, sa terre & ses parties salines. Voyez Cendres.

C’est par ces principes fixes, ou par la nature de leurs cendres respectives, que les charbons des trois regnes sont spécifiés ; l’autre principe de la mixtion charbonneuse, le phlogistique, est exactement le même dans les trois regnes.

Le charbon est le corps le plus durable de la nature, le seul sur lequel un seul agent ait prise, savoir le feu, & encore ce destructeur unique a-t-il besoin d’être secondé par l’eau de l’atmosphere, comme nous l’avons déjà remarqué. Les menstrues aqueux, salins, huileux, simples, ou composés, ne peuvent rien sur ce mixte ; cette incorruptibilité absolue a été observée il y a long-tems. C’est sans doute d’après cette observation que les Architectes qui bâtirent le fameux temple d’Ephese, en poserent les fondement sur une couche de charbon de bois, fait historique que les Chimistes n’ont pas manqué de noter ; & qu’au rapport de Maillet, les pauvres Egyptiens qui n’étoient pas en état de faire embaumer leurs corps, de la durée desquels ils étoient si jaloux, les faisoient enterrer dans une couche de charbon. Voyez Embaumement.

Les usages chimiques du charbon sont très-étendus ; d’abord il fournit au Chimiste l’aliment le plus ordinaire & le plus commode du feu qu’il employe dans la plûpart de ses opérations. Ce charbon doit être choisi dur, compact, sonnant, & sec ; il doit être aussi tout charbon parfait, ou ce qui est la même chose, n’être pas mêlé de fumerons ; ce choix importe principalement à la commodité de l’artiste.

Secondement, comme mixte inflammable fixe, il fournit au Chimiste le principe du feu, ou le phlogistique : c’est dans ce mixte qu’il prend ce principe