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puits si profonds, ces mines ne sont point si exposées aux eaux, & on peut les travailler pendant beaucoup plus long-tems : celle qui est marquée Pl. II. fig. 1. est de cette espece. Lorsque la couche de charbon de terre descend presque perpendiculairement à l’horison, les Anglois la nomment hanging coal. Les mines de cette espece fournissent un charbon plus gras, plus dur, & plus compact que les autres ; mais on ne peut pas les travailler pendant fort long-tems, parce qu’il est très-difficile de se garantir des eaux lorsqu’on est parvenu à une certaine profondeur. La fig. 3. Planc. I. représente une mine de cette espece. Souvent il arrive qu’il y a plusieurs couches de charbon les unes sur les autres ; cependant elles sont séparées par des lits de terre & de pierre intermédiaires : c’est ordinairement la principale couche qui est la plus enfoncée en terre ; on néglige celles qui sont au-dessus, parce qu’elles n’ont quelquefois que cinq ou six pouces d’épaisseur, attendu qu’elles ne dédommageroient point des frais ; & l’on continue à descendre jusqu’à ce qu’on soit parvenu à la couche principale, comme on peut voir dans la fig. 2. de la Planche I. & Planche II. fig. 1.

Quand on s’est assûré de la présence d’une mine de charbon ; pour la travailler, on commence par faire à la surface de la terre une ouverture que l’on nomme puits ou bure ; on fait passer ce puits perpendiculairement au-travers de tous les lits de terre ou de pierre qui couvrent le charbon de terre : il est ordinairement entre deux couches de roc ou de pierre, dont celle qui est en-dessus s’appelle le toict de la mine, & celle qui est en-dessous le sol ; la roche supérieure est feuilletée comme de l’ardoise & d’une couleur claire, l’inférieure est d’une couleur plus foncée. La profondeur des bures varie à proportion du plus ou du moins d’inclinaison de la mine : ordinairement on en perce deux, l’une sert à enlever les eaux, & l’autre le charbon ; elles servent aussi à donner de l’air aux ouvriers, & à fournir une issue aux vapeurs & exhalaisons dangereuses qui ont coûtume d’infecter ces sortes de mines. La bure qui sert à tirer le charbon se nomme bure à charbon, l’autre se nomme bure à pompe : cette derniere est ordinairement étayée depuis le haut jusqu’en bas de poutres ou de madriers qui empêchent les terres de s’ébouler : on peut quelquefois suppléer à cette derniere espece de bure d’une façon moins coûteuse & beaucoup plus avantageuse ; c’est en conduisant une galerie soûterraine qui aille en pente depuis l’endroit le plus bas de la couche de charbon, c’est ce qu’on appelle un percement ; on lui donne pour lors une issue au pié de la montagne où l’on a creusé. Cette galerie est garnie en maçonnerie, c’est par-là que les eaux ont la facilité de s’écouler ; cela épargne les pompes, le travail des hommes, beaucoup de machines ; l’on peut en voir un exemple dans la figure ; mais souvent les circonstances rendent la chose impraticable, & alors on est obligé d’avoir recours aux pompes dont les tuyaux doivent être de plomb, ou ce qui vaut encore mieux de bois d’aune, que l’on a soin de bien goudronner ou d’enduire avec de l’huile cuite, sans quoi les eaux qui sont très-corrosives & très-vitrioliques, les détruiroient en très-peu de tems.

Le principal inconvénient auquel les mines de charbon sont sujettes, est celui qui est causé par des vapeurs & exhalaisons pernicieuses & suffocantes qui y regnent très-fréquemment, sur-tout pendant les grandes chaleurs de l’été ; elles sont pour lors si abondantes, qu’elles obligent quelquefois les ouvriers de cesser entierement leurs travaux. Ces vapeurs sont de deux especes ; la premiere que les Anglois nomment bad air, mauvais air, & qui en Francois s’appelle pousse ou moufette, ressemble à un brouillard épais ; elle a la propriété d’éteindre peu-à-peu

les lampes & les charbons ardens que l’on y expose, de la même maniere qu’il arrive dans le récipient de la machine pneumatique lorsqu’on en a pompé l’air : c’est par ces effets que les mineurs reconnoissent la présence de cette vapeur ; aussi c’est une maxime parmi eux, qu’il faut avoir l’œil autant à sa lumiere qu’à son ouvrage. Lorsqu’ils s’apperçoivent que la lumiere de leurs lampes s’affoiblit, le parti le plus sûr pour eux est de se faire tirer promptement hors des soûterrains quand ils peuvent en avoir le tems. La façon d’agir de cette vapeur est d’appesantir & d’endormir ; mais cet effet est quelquefois si prompt, que des ouvriers qui en ont été atteints sont tombés de l’échelle en descendant dans la mine sans avoir le tems de crier à l’aide : quand on les secourt à tems, ils peuvent en rechapper, si on les porte au grand air ; au commencement on ne leur voit donner aucun signe de vie. Mais le remede le plus efficace, c’est d’enlever avec une bêche un morceau de gason : on couche le malade sur le ventre, de façon que sa bouche porte sur le trou qu’on a fait en terre, & l’on pose sur sa tête le morceau de gason qu’on en a enlevé ; par-là il revient peu-à-peu, & se réveille comme d’un sommeil doux & tranquille, pourvû cependant qu’il n’ait point été trop long-tems exposé à la vapeur dangereuse. C’est suivant M. Triewald, le remede le plus certain ; il dit en avoir fait l’expérience avec succès : cependant il reste souvent pendant plusieurs jours des pesanteurs de tête au malade. Voyez les Mémoires de l’acad. roy. de Stokholm, année 1740. Il y a encore une maniere de secourir ceux qui ont eu le malheur d’être frappés de cette exhalaison dangereuse ; c’est de leur faire avaler promptement de l’eau tiede mêlée avec de l’esprit-de-vin : ce mêlange leur procure un vomissement très-abondant de matieres noires. Mais ce remede ne guérit point toûjours radicalement ; il reste souvent aux malades une toux convulsive pour le reste de leurs jours.

M. Triewald conjecture que les funestes effets de cette vapeur, viennent des particules acides sulphureuses dont elle est composée, qui détruisent l’élasticité de l’air, qui d’ailleurs est dans un état de stagnation au fond des mines, faute d’une circulation suffisante : aussi remarque-t-on que ces vapeurs s’y amassent en plus grande abondance, lorsqu’on a été quelques jours sans y travailler ; pour lors les ouvriers ne se hasardent point d’y entrer sans avoir fait descendre par une des bures une chandelle allumée jusqu’au fond du puits ; si elle demeure allumée, ils vont se mettre au travail sans crainte ; si elle s’éteint, il y auroit de la témérité à s’y exposer : ils sont donc obligés d’attendre que cette vapeur soit dissipée.

Outre la vapeur que nous venons de décrire, il y en a encore une autre qui présente des effets aussi terribles & des phénomenes encore plus singuliers que la précédente. Les Anglois la nomment wild fire, feu sauvage ; peut-être à cause qu’elle ressemble à ce qu’on appelle feux follets. Dans les mines qui sont entre Mons, Namur, & Charleroi, on la nomme terou, & feu brisou dans quelques autres provinces. Cette vapeur sort avec bruit & avec une espece de sifflement par les fentes des soûterrains où l’on travaille, elle se rend même sensible & se montre sous la forme de toiles d’araignées ou de ces fils blancs qu’on voit voltiger vers la fin de l’été, & que vulgairement on appelle cheveux de la Vierge. Lorsque l’air circule librement dans les soûterrains & qu’il a assez de jeu, on n’y fait point beaucoup d’attention ; mais lorsque cette vapeur ou matiere n’est point assez divisée par l’air, elle s’allume aux lampes des ouvriers, & produit des effets semblables à ceux du tonnerre ou de la poudre à canon. Quand les mines de charbon sont sujettes à des vapeurs de cette espece, il est très-dangereux pour les ouvriers