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s’est exécuté des choses fort singulieres en fait d’empoisonnement de bestiaux, de maladies aigues, & de douleurs causées à différentes personnes. Le voici tel qu’il a été décrit par un fameux sorcier nommé Bras-de-fer, au moment qu’il alloit subir son supplice en France. Il fut, dit-on, exécuté à Provins il y a 50 ans : ce que nous n’obligeons personne à croire.

On prend une terrine neuve vernissée, qu’il faut n’avoir ni achetée ni marchandée ; on y met du sang de mouton, de la laine, du poil de différens animaux, & des herbes venimeuses, qu’on mêle ensemble, en faisant plusieurs grimaces & cérémonies superstitieuses, en proférant certaines paroles, & en invoquant les démons. On met ce charme caché dans un endroit voisin de celui auquel on veut nuire, & on l’arrose de vinaigre, suivant l’effet qu’il doit produire. Ce charme dure un certain tems, & ne peut être emporté que par celui qui l’a mis, ou quelque puissance supérieure. Voyez Sorcier. (G)

Charme ; (Medec.) voy. Medecine magique.

Charme, voyez Enchantement.

Charme, s. f. (Hist. nat.) carpinus, genre d’arbre qui porte des chatons composés de plusieurs petites feuilles qui sont attachées en forme d’écailles à un axe, & qui couvrent chacune plusieurs étamines. Les embryons naissent sur le même arbre séparément des fleurs, & se trouvent entre les petites feuilles d’un épi qui devient dans la suite plus grand & plus beau. Alors au lieu d’embryon il y a des fruits osseux, marqués pour l’ordinaire d’un ombilic applati & cannelé. Ils renferment une semence arrondie, & terminée en pointe. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Ce grand arbre est fort commun dans les forêts, mais on en fait peu de cas : dans son état naturel il n’a nulle beauté ; il paroît vieux & chenu dès qu’il a la moitié de son âge, & il devient rarement d’une bonne grosseur. Son tronc court, mal proportionné, est remarquable sur-tout par des especes de cordes qui partent des principales racines, s’étendent le long du tronc, & en interrompent la rondeur. Son écorce blanchâtre, & assez unie, est ordinairement chargée d’une mousse brune qui la dépare. La tête de cet arbre, trop grosse pour le tronc, n’est qu’un amas de branches foibles & confuses, parmi lesquelles la principale tige se trouve confondue ; & la feuille, quoique d’un beau verd, étant petite, ne répond nullement à la grandeur de l’arbre ensorte que si à cette apparence ingrate, on ajoûte sa qualité de résister aux expositions les plus froides, de réussir dans les plus mauvais terreins, & d’être d’un bois rebours & des plus durs ; ne pourroit-on pas considérer le charme entre les arbres, comme on regarde un Lappon parmi les hommes ? Cependant en ramenant cet arbre à un état mitoyen, & en le soûmettant à l’art du jardinier, on a trouvé moyen d’en tirer le plus grand parti pour la variété, l’embellissement, & la décoration des jardins. Mais avant que d’entrer dans le détail de ce qui dépend de l’art, suivons le charme dans la simple nature.

Terrein, exposition. On met cet arbre au nombre de ceux qui par leur utilité tiennent le second rang parmi les arbres fruitiers. En effet il ne laisse pas d’avoir quelques qualités avantageuses : il remplit dans les bois des places, où presque tous les autres arbres se refusent, & il s’accommode de tous les terreins : on le voit dans les lieux froids, montagneux, & stériles ; il vient fort bien dans les terreins pierreux, graveleux, & sur-tout dans la craie, qui paroît être même son terrein naturel ; il se plaît souvent dans les terres dures, glaiseuses, humides ; enfin se trouve-t-il dans une bonne terre, où les autres arbres le gagnent de vîtesse, il vient dessous, & souffre leur ombrage. Quelque part que soit placé

cet arbre, son bois est toûjours de mauvaise essence, son accroissement trop lent, & son branchage menu & court : cela peut être néanmoins compensé par la bonne garniture qu’il fait dans un taillis, où il vient épais & plus serré qu’aucune autre espece d’arbre, & par son tempérament robuste, qui le fait résister aux plus grands froids & aux gelées de printems, même lorsqu’il est en jeune rejetton sur taillis. C’est en cette nature de bois qu’on peut tirer le meilleur parti de cet arbre, qui croît trop lentement, & se couronne trop tôt, pour profiter en futaie. On prétend qu’il faut le couper à quinze ans pour le plus grand profit.

Usages du bois. Le bois du charme est blanc, compacte, intraitable à la fente, & le plus dur de tous les bois après le bouis, l’if, le cormier, &c. cependant de tous les bois durs, le charme est celui qui croît le moins lentement. On débite son bois pour le charronage, & principalement en bois à brûler, mais on ne l’employe jamais en menuiserie qu’au défaut de tout autre bois, moins parce qu’il est difficile à travailler, qu’à cause de son peu de durée, que la vermoulure interrompt bien-tôt. On s’en sert pour faire des essieux, & quelques autres pieces de charonage, dans les endroits où l’orme est rare. On en fait des vis de pressoir, des formes & des sabots, des manches d’outils champêtres, des jougs de bœufs, des rouleaux pour les teinturiers : on l’employe aussi pour faire les menues garnitures des moulins, &c. Du reste ce bois n’est nullement propre à être employé à l’air ; il y pourrit en six ans : mais il est excellent à brûler, & il donne beaucoup de chaleur, qu’on dit être saine. C’est aussi l’un des meilleurs bois pour le charbon, qui conserve longtems un feu vif & brillant, comme celui du charbon de terre ; ce qui le fait rechercher pour les fourneaux de verrerie.

Usages de l’arbre. Des arbres que l’on connoît, le charme est le plus propre de tous à former des palissades, des haies, des portiques, des colonnades, & toutes ces décorations de verdure qui font le premier & le plus grand embellissement d’un jardin bien ordonné. Toutes les formes qu’on donne à cet arbre lui deviennent si propres, qu’il se prête à tout ce qui y a rapport : on peut le transplanter à cet effet, petit ou grand ; il souffre la tonsure en été comme en hyver ; & la souplesse de ses jeunes rameaux favorise la forme qu’on en exige, & qui est completée par leur multiplicité. Pour faire ces plantations, on tire la charmille des pépinieres, ou même des forêts, si l’on se trouve à portée : la premiere se reconnoît aisément à son écorce claire, & à ce qu’elle est bien fournie de racines ; celle au contraire qui a été prise au bois est étiolée, crochue, & mal enracinée.

Multiplication. Le charme peut se multiplier de graine qu’on recueille ordinairement au mois d’Octobre, & qu’il faut semer aussi-tôt dans un terrein frais & à l’ombre, où il en pourra lever une petite partie au printems suivant ; mais le reste ne levera souvent qu’à l’autre printems. Quand ils ont deux ans on les transplante sans les étêter en pépiniere, où on les laisse au moins trois années pour se fortifier & faire du petit plan de charmille, & jusqu’à six ou sept ans pour être propre à planter les grandes palissades de toute hauteur. Mais l’accroissement de cet arbre étant si lent quand on l’éleve de graine, on a trouvé qu’il étoit plus court & plus facile de le multiplier de branches couchées : si on fait cette opération de bonne heure, en automne elles feront suffisamment racine pour être transplantées au bout d’un an ; & dès-lors on pourra les employer en petit plan, sinon on les met en pépinieres, & on les conduit comme les plants venus de graine. Les uns