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met ; ce qui leur fournit une facilité merveilleuse de guetter leur proie. De cette maniere, cet animal voit la nuit, parce que sa prunelle est susceptible d’une extrême dilatation, par laquelle son œil rassemble une grande quantité de cette foible lumiere, & cette grande quantité supplée à sa force.

Il paroît que l’éclat, le brillant, la splendeur qu’on remarque dans les yeux du chat, vient d’une espece de velours qui tapisse le fond de l’œil, ou du brillant de la rétine, à l’endroit où elle entoure le nerf optique.

Mais ce qui arrive à l’œil du chat plongé dans l’eau est d’une explication plus difficile, & a été autrefois, dans l’académie des sciences, le sujet d’une grande dispute : voici le fait.

Personne n’ignore que l’iris est cette membrane de l’œil qui lui donne les différentes couleurs qu’il a en différens sujets ; c’est une espece d’anneau circulaire dont le milieu, qui est vuide, est la prunelle, par où les rayons entrent dans l’œil. Quand l’œil est exposé à une grande lumiere, la prunelle se retrécit sensiblement, c’est-à-dire que l’iris s’élargit & s’étend : au contraire, dans l’obscurité, la prunelle se dilate, ou ce qui est la même chose, l’iris se resserre.

Or, on a découvert que si on plonge un chat dans l’eau, & que l’on tourne alors sa tête, de sorte que ses yeux soient directement exposés à une grande lumiere, il arrive, 1° que malgré la grande lumiere la prunelle de l’animal ne se retrécit point, & qu’au contraire elle se dilate ; & dès qu’on retire de l’eau l’animal vivant, sa prunelle se resserre : 2° que l’on apperçoit distinctement dans l’eau le fond des yeux de cet animal, qu’il est bien certain qu’on ne peut voir à l’air.

Pour expliquer le premier phénomene, M. Meri prétendit que le mouvement arrêté des esprits animaux empêchoit le resserrement de la prunelle du chat dans l’eau, & que le second phénomene arrivoit par la quantité de rayons plus grande que reçoit un œil, parce que sa cornée est applanie.

L’ouverture de la prunelle est plus grande dans l’eau, selon M. Meri, parce les fibres de l’iris sont moins remplies d’esprits animaux. L’œil dans l’eau est plus éclairé, parce que la cornée étant applanie & humectée par ce liquide, elle est pénétrable à la lumiere dans toutes ses parties.

M. de la Hire explique les deux phénomenes d’une façon toute différente.

1°. Il prétend au contraire, que le retrécissement de la prunelle est produit par le ressort des fibres de l’iris qui les allonge ; & que sa dilatation est causée par le raccourcissement de ces mêmes fibres. 2°. Qu’il n’entre pas plus de lumiere dans les yeux, quand ils sont dans l’eau, que lorsqu’ils sont dans l’air exposés à ses rayons, & que par conséquent ils ne doivent pas causer de retrécissement à l’iris. 3°. Que le chat plongé dans l’eau, étant fort inquiet & fort attentif à tout ce qui se passe autour de lui, cette attention & cette crainte tiennent sa prunelle plus ouverte ; car M. de la Hire suppose que le mouvement de l’iris, qui est presque toûjours nécessaire, & n’a rapport qu’au plus ou moins de clarté, est en partie volontaire dans certaines occasions. 4°. M. de la Hire tâche de démontrer ensuite, que les réfractions qui se font dans l’eau élevent le fond de l’œil du chat, & rapprochent cet objet des yeux du spectateur. 5°. Que la prunelle de l’animal étant plus ouverte, & par conséquent le fond de son œil plus éclairé, il n’est pas étonnant qu’on l’apperçoive. 6°. Qu’un objet est d’autant mieux vû, que dans le tems qu’on le regarde il vient à l’œil moins de lumiere étrangere : or quand on regarde dans l’eau la surface de l’œil, on voit beaucoup moins de rayons

étrangers que quand on le regarde à l’air, & par conséquent le fond de l’œil du chat en peut être mieux apperçû.

On vient de voir en peu de mots les raisons de MM. Meri & de la Hire, dans leur contestation sur le chat plongé dans l’eau ; contestation qui partagea les académiciens, & qui a fourni de part & d’autre plusieurs mémoires également instructifs & curieux, qu’on peut lire dans le recueil de l’academie, années 1704, 1709, 1710, & 1712.

La structure des ongles des chats & des tigres, espece de chats sauvages, est d’une artifice trop particulier pour la passer sous silence. Les ongles longs & pointus de ces animaux se cachent & se serrent si proprement dans leurs pattes, qu’ils n’en touchent point la terre, & qu’ils marchent sans les user & sans les émousser, ne les faisant sortir que quand ils s’en veulent servir pour frapper & pour déchirer. Ces ongles ont un ligament qui par son ressort les fait sortir, quand le muscle qui est en-dedans ne tire point ; cet ongle est caché dans les entre-deux du bout des doigts, & ne sort dehors pour agriffer, que lorsque le muscle, qui sert d’antagoniste au ligament, agit : le muscle extenseur des doigts sert aussi à tenir l’ongle redressé, & le ligament fortifie son action. Les chats font agir leurs ongles, pour attaquer ou se défendre, & ne marchent dessus que quand ils en ont un besoin particulier pour s’empêcher de glisser.

Leur talon, comme celui des singes, des lions, des chiens, n’étant pas éloigné du reste du pié, ils peuvent s’asseoir aisément, ou plûtôt s’accroupir.

On demande pourquoi les chats, & plusieurs animaux du même genre, comme les fouines, putois, renards, tigres, &c. quand ils tombent d’un lieu élevé, tombent ordinairement sur leurs pattes, quoiqu’ils les eussent d’abord en en-haut, & qu’ils dussent par conséquent tomber sur la tête ?

Il est bien sûr qu’ils ne pourroient pas par eux-mêmes se renverser ainsi en l’air, où ils n’ont aucun point fixe pour s’appuyer ; mais la crainte dont ils sont saisis leur fait courber l’épine du dos, de maniere que leurs entrailles sont poussées en en-haut ; ils allongent en même tems la tête & les jambes vers le lieu d’où ils sont tombés, comme pour le retrouver, ce qui donne à ces parties une plus grande action de levier. Ainsi leur centre de gravité vient à être différent du centre de figure, & placé au-dessus ; d’où il s’ensuit, par la démonstration de M. Parent, que ces animaux doivent faire un demi-tour en l’air, & retourner leurs pattes en-bas, ce qui leur sauve presque toûjours la vie.

La plus fine connoissance de la méchanique ne feroit pas mieux en cette occasion, dit l’historien de l’académie, que ce que fait un sentiment de peur, confus & aveugle. Hist. de l’acad. 1700.

Autre question de Physique : d’où vient qu’on voit luire le dos d’un chat, lorsqu’on le frotte à contrepoil ? C’est que les corps composés ou remplis de parties sulphureuses, luisent, quand ces parties sulphureuses sont agitées par le mouvement vital, le frottement, le choc, ou quelqu’autre cause mouvante. Au reste, ce phenomene n’est pas particulier au chat ; il en est de même du dos d’une vache, d’un veau, du col du cheval, &c. & cela paroît sur-tout quand on les frotte dans le tems de la gelée. Voyez Electricité.

On sait que les chats sont de différentes couleurs ; les uns blancs, les autres noirs, les autres gris, &c. de deux couleurs, comme blancs & noirs, blancs & gris, noirs & roux : même de trois couleurs, noirs, roux, & blancs, que l’on nomme par cette raison tricolors. J’ai oüi dire qu’il n’y avoit aucun chat mâle de trois couleurs. Il s’en trouve encore quelques-