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trois ans & demi qu’on commencera à les dresser. On leur mettra d’abord une selle légere & aisée ; on les laissera sellés pendant deux ou trois heures chaque jour ; on les accoûtumera de même à recevoir un bridon dans la bouche, & à se laisser lever les piés sur lesquels on frappera quelques coups, comme pour les ferrer. S’ils sont destinés aux carrosses ou au trait, on leur mettra un harnois & un bridon ; dans les commencemens il ne faut point de bride, ni pour les uns, ni pour les autres. On les fera troter ensuite à la longe avec un caveçon sur le nez sur un terrein uni, sans être montés, & seulement avec la selle & le harnois sur le corps. Lorsque le cheval de selle tournera facilement & viendra volontiers auprès de celui qui tient la longe, on le montera & on le descendra dans la même place, & sans le faire marcher, jusqu’à ce qu’il ait quatre ans. Avant cet âge, il n’est pas encore assez fort pour le poids du cavalier. A quatre ans on le montera pour le faire marcher au pas, au trot, & toûjours à petites reprises.

Quand le cheval de carrosse sera accoûtumé au harnois, on l’attelera avec un autre cheval fait, en lui mettant une bride, & on le conduira avec une longe passée dans la bride jusqu’à ce qu’il commence à être sage au trait ; alors le cocher essayera de le faire reculer, ayant pour aide un homme devant, qui le poussera en arriere avec douceur, & même lui donnera de petits coups. Tout cela se fera avant que les chevaux ayent changé de nourriture ; car quand une fois ils sont engrainés, ou au grain ou à la paille, ils deviennent plus difficiles à dresser.

Monter un cheval. Nous commandons aux chevaux par le mors & par l’éperon : le mors rend les mouvemens plus précis, l’éperon les rend plus vîtes. La bouche est si sensible dans le cheval, que la moindre pression du mors l’avertit & le détermine : la grande sensibilité de cet organe veut être ménagée ; quand on en abuse, on la détruit. On ne parle point au cheval au manege : tirer la bride, & donner de l’éperon en même tems, c’est produire deux effets contraires, dont la combinaison est de cabrer le cheval. Quand un cheval est bien dressé, la moindre pression des cuisses, le moindre mouvement du mors, suffisent pour le diriger, l’éperon devient presque inutile.

Les anciens surent très-bien se faire entendre à leurs chevaux, sans la bride & sans l’éperon, quand ils les monterent ; ce qui n’arriva que tard. Il n’y a presque pas un seul vestige d’équitation dans Homere : on ne voit dans les bas-reliefs, du moins pour la plûpart, ni bride ni éperon, il n’est point parlé d’étriers dans les auteurs Grecs & Latins. Un Grec, du tems de Xénophon, pour monter à cheval, prenoit de la main droite la criniere avec les renes ; & quand li étoit trop pesant, un écuyer l’aidoit à monter, à la mode des Perses. Les Perses avoient appris aux chevaux à s’accroupir. Les Romains s’apprenoient à monter sur des chevaux de bois ; ils montoient à droite, à gauche, sans armes d’abord, puis armés. L’usage de ferrer les chevaux est ancien, mais il fut peu fréquent jadis ; les mules & les mulets l’ont été de tout tems. Le luxe fut porté sous Néron jusqu’à ferrer les chevaux d’argent & d’or. Il paroît qu’on ne les ferroit pas chez les Grecs, puisque Xénophon prescrit la maniere dont on durcira la corne aux chevaux : cependant il est parlé d’un fer à cheval dans Homere, liv. II. iliad. vers 151.

Les chevaux bridés à la Romaine ont un mors sans renes. Les Romains montoient aussi à nud, sans bride & sans selle. Les Massagetes couvroient de fer la poitrine de leurs chevaux. Les Numides couroient à nud, & étoient obéis de leurs chevaux comme nous le sommes de nos chiens. Les Perses les couvroient aussi de fer au front & à la poitrine. Les chevaux de

course étoient estimés au tems d’Homere & des jeux olympiques, comme une grande richesse : ils ne l’étoient pas moins des Romains ; on gravoit sur des pierres, on exécutoit en marbre ceux qui s’étoient signalés par leur vîtesse, ou qui se faisoient remarquer par l’élégance de leurs formes : on leur érigeoit des sépulcres, où leurs noms & leurs pays étoient inscrits ; on les marquoit à la cuisse : les Grecs avoient deux lettres destinées à cet usage, le coppa, & le san ; le coppa étoit fait comme notre Q, & les chevaux ainsi marqués s’appelloient coppariæ : le san étoit le sigma „, mais ils le marquoient comme notre grand C, & les chevaux marqués du san s’appelloient samphoræ. On a vû plus haut que c’étoit aussi l’usage de nos jours en quelques contrées de marquer les chevaux.

On donne à la tête du cheval, par le moyen de la bride, un air avantageux ; on la place comme elle doit être ; & le signe le plus leger fait prendre sur le champ au cheval ses différentes allures, qu’on s’applique à perfectionner.

Monter à cheval. Pour monter à cheval, il faut s’approcher assez près de l’épaule du cheval, raccourcir les renes avec la main droite jusqu’au point d’appuyer le mors sur la barre, saisir alors une poignée de la criniere avec les renes de la main gauche, porter la main droite à l’endroit où l’étriviere joint l’étrier, pour tourner l’étrier du bon côté afin d’y passer le pié gauche ; porter ensuite la main droite au trousquin de la selle, élever le corps, & passer la jambe droite, de façon qu’en passant elle chasse la main droite, sans tomber à coup sur la selle.

Descendre de cheval. Pour descendre de cheval, il faut se soulever sur la selle, en appuyant la main droite sur la bâte droite du devant de la selle, dégager auparavant le pié de l’étrier, passer ensuite la jambe par-dessus la croupe, en la faisant suivre par la main droite qui s’appuiera sur le trousquin de la selle, comme on avoit fait en montant, & donnera la facilité de poser doucement le pié droit par terre. Au reste il paroît utile d’avoir un cheval de bois sur lequel on mette une selle pareille à celles dont on se sert ordinairement, & d’apprendre sur ce cheval à monter & descendre dans les regles : on y placera aussi facilement le corps, les cuisses & les jambes du cavalier, dans la meilleure situation où elles puissent être : ce cheval ne remuant ni ne dérangeant le cavalier, il restera dans la meilleure attitude aussi longtems qu’il lui sera possible, & en prendra ainsi plus aisément l’habitude. S’il s’agissoit d’instruire un régiment de cavalerie, il faudroit absolument choisir un certain nombre de cavaliers qui auroient le plus de disposition & d’intelligence, & après leur avoir appris, leur ordonner de montrer aux autres ; observant dans les commencemens que cet exercice s’exécutât devant soi, afin de s’assûrer que ceux qu’on a instruits rendent bien aux autres ce qu’ils ont appris.

Se tenir à cheval, ou posture du corps à cheval : Dans la posture du corps à cheval, il faut le considérer comme divisé en trois parties ; le tronc, les cuisses, & les jambes.

Il faut que le tronc soit assis perpendiculairement sur le cheval, de maniere que la ligne qui tomberoit du derriere de la tête tout le long des reins soit perpendiculaire au cheval. Comme il faut prendre cette position sans avoir égard aux cuisses, le moyen de savoir si on l’a bien prise, c’est de soulever les deux cuisses en même tems ; si l’on exécute aisément ce mouvement, on peut en inférer que le tronc est bien assis.

On laisse descendre les cuisses aussi bas qu’elles peuvent aller, sans déranger l’assiette du tronc. Il ne faut pas s’opiniâtrer à les faire descendre à tous