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ici dans son article : nous nous en tiendrons uniquement à sa description anatomique, que nous extrairons des mémoires de l’académie des Sciences, les seules sources sur lesquelles on puisse compter, & avec d’autant plus de raison, qu’on trouve réuni dans un seul des anciens volumes de cette académie, la description de cinq de ces animaux.

La civette a environ deux piés & demi de long, sa queue est de quinze pouces plus ou moins ; ses jambes sont courtes, principalement celles de devant, qui n’avoient depuis le ventre jusqu’en-bas, que cinq pouces ; les pattes, tant celles de devant que celles de derriere, avoient chacune cinq doigts, dont le plus petit tenoit lieu de pouce, comme à l’ours : mais ce petit doigt à peine posoit à terre, & n’y rouchoit que de l’ongle. Outre ces cinq doigts, il y avoit un ergot garni d’un ongle comme les doigts. La plante du pié étoit munie d’une peau douce au roucher.

Le poil étoit court sur la tête & aux pattes, mais ayant jusqu’à quatre pouces & demi sur le dos, où il est le plus long. Ce long poil qui étoit dur, rude, & droit, étoit entremêlé d’un autre plus court, plus doux, & frisé comme de la laine.

L’ouverture qui conduit au réceptacle où s’amasse la matiere odorante, qu’on appelle vulgairement civette, étoit au-dessous de l’anus : cette ouverture étoit longue de trois pouces ; & quand on la dilatoit, elle avoit plus d’un pouce & demi de large : elle étoit l’entrée d’une cavité, qui servoit comme de vestibule pour réceptacle de la matiere odorante.

Ce vestibule étoit garni par les bords d’un poil tourné de dehors en-dedans, ensorte que la matiere odorante n’en pouvoit sortir qu’à contre-poil. Dans le fond de ce vestibule qui pouvoit contenir un petit œuf de poule, il y avoit deux autres ouvertures à droite & à gauche d’un pouce de diametre, qui pénétroient chacune dans un sac de sept à huit lignes de diametre.

La peau du dedans de ces sacs étoit inégale comme celle d’un oison, garnie de petits poils clair semés, & percée de plusieurs petits trous : ces trous répondoient à des glandes de la grosseur d’un petit pois, serrées les unes contre les autres, & liées par des membranes & par des vaisseaux, qui étoient les rameaux des arteres & des veines hypogastriques & honteuses.

C’est dans ces sacs que s’amasse la matiere odorante, que les Arabes appellent zibet, qui signifie écume. En effet, cette matiere étoit écumeuse ; & cela se reconnoissoit, en ce que peu de tems après elle perdoit la blancheur qu’elle avoit en sortant : ce qui arrive à toutes les liqueurs, lesquelles blanchissent toûjours quand elles écument, de quelque couleur qu’elles soient d’ailleurs. La petite ouverture qui paroissoit au-dessous de la grande, étoit l’entrée des parties de la génération.

La forme des poches où s’amasse la matiere odorante, se voyoit mieux renversée que dans leur situation naturelle. Les glandes de ces sacs étoient du nombre des conglomerées. Au milieu de chaque glande, il y avoit une cavité oblongue pleine de suc odorant sort blanc, qu’elle recevoit par autant de petits trous qu’il y avoit de grains qui composoient la glande ; & cette cavité se retrécissoit, & formoit un petit col ou conduit qui perçoit la peau dont le dedans des poches étoit revêtu, & qui y distilloit la matiere odorante.

Ces sacs paroissoient recouverts de fibres charnues ramassées ensemble, mais venant d’endroits éloignés & différens ; de sorte qu’ayant égard à leur différente origine, on pouvoit compter jusqu’à dix muscles. L’usage de ces muscles est d’exprimer & faire sortir la matiere odorante, quand il s’en est

amassé une certaine quantité. Les veines & arteres hypogastriques & épigastriques fournissent le sang qui produit cette matiere dans les glandes dont les sacs sont tapissés.

L’odeur de cette matiere se conserve, & ne devient point mauvaise par le tems ; mais il paroît que l’odeur de la civette n’est pas seulement dans la liqueur qui s’amasse dans les poches, car elle est aussi répandue par tout son corps, & son poil en est tellement parfumé, que la main qui l’a touchée, conserve long-tems une odeur fort agréable. C’est ce qui a fait croire à plusieurs Naturalistes, que le parfum de la civette n’est autre chose que sa sueur ; ensorte qu’ils ont pensé qu’on l’amassoit en faisant courir ces animaux dans une cage. Quoique cette sueur sorte indifféremment de tout le corps de l’animal, cependant la liqueur odorante s’amasse véritablement dans les sacs, s’y forme, & s’y perfectionne.

Dans la derniere civette disséquée par MM. de l’académie, ils examinerent la structure des mammelles dont nous n’avons pas encore parlé. Cette civette avoit quatre mammelons, dont deux étoient situés au milieu du ventre à côté du nombril, & les deux autres au bas de la poitrine. La grosseur des uns & des autres, étoit d’une ligne & demie, & la longueur de deux lignes. Sous chacun de ces mammelons, il y avoit plusieurs conduits communiquant les uns avec les autres, & enfermés dans les intégumens communs. Ces conduits sembloient destinés à porter le lait aux mammelons, quoiqu’ils ne sortissent d’aucunes glandes qui fussent visibles ; mais cela n’est pas étonnant, car ces animaux qui n’alaitent & n’engendrent point dans ces pays-ci, doivent avoir ces glandes assez petites pour être imperceptibles.

Dans ces cinq civettes il y avoit quelques jeux de la nature. Par exemple dans l’une d’elles, le crystallin étoit d’une dureté extraordinaire ; ce qui peut servir à expliquer ce que Pline (liv. XXXVII. chap. x.) dit des yeux de l’hyene, qu’on en tire des pierres précieuses appellées hyenia. Cette particularité jointe à quelques autres, serviroit-elle à justifier l’opinion de Belon, qui a prétendu que la civette & l’hyene des anciens ne sont point des animaux différens ? Il y a quelques raisons pour appuyer son sentiment ; car les deux principales marques que les anciens donnent à leurs hyenes, se trouvent dans la civette, le poil hérissé le long du dos, & une ouverture particuliere sous la queue, outre les deux qu’ont les femelles de tous les autres animaux. Mais d’un autre côté, l’hyene des anciens est plus grande que la civette, son poil fort différent ; & ce qui est plus fort que tout, ils ne disent point qu’elle eût aucune odeur, caractere qui la distingue presque de tous les autres animaux.

A ce détail très-instructif sur la civette, il ne nous reste à ajoûter que quelques nouvelles particularités décrites par M. Morand, sur le sac où cet animal porte son parfum. Mém. de l’acad. 1728. pag. 403.

Ce sac, comme on l’a vû, est situé entre l’anus & le sexe de l’animal, à-peu-près comme celui où les castors portent leur castoreum. Il pend extérieurement entre les cuisses de la civette, & est assez grand. En gros, c’est une cavité enfermée dans une enveloppe épaisse, & qui a une longue ouverture en-dehors de la figure d’une vulve.

Toute l’épaisseur de l’enveloppe est formée par une infinité de petits grains, qui sont les glandes où se filtre la liqueur odorante. En regardant mieux ces grains avec le microscope, M. Morand a découvert qu’ils étoient accompagnés d’une infinité de follicules ou petites bourses, qui contenoient de la liqueur déjà filtrée. Ces follicules peuvent être aisément formés, ou par la desunion des deux lames d’une membrane, ou par l’extension des extrémités des vaisseaux sanguins. Mais ce qui est beaucoup plus sin-