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n’est pas vrai ; & quant à la vaillance, on a répondu assez plaisamment qu’en tout cas c’est une arme de nouvel usage ; car, dit Montaigne, « Nous remuons les autres armes, & celle-ci nous remue ; notre main ne la guide pas, c’est elle qui guide notre main, nous ne la tenons pas ». Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Colere, (Medecine.) cette passion irritante nous jette dans des mouvemens violens, en causant un grand desordre dans notre machine.

Nous venons de parler de cette passion en moraliste, nous allons la considérer en medecin.

Telle est sa nature, qu’elle met subitement, quelqu’en soit la cause, tout le système nerveux dans une agitation extraordinaire par la constriction violente qu’elle produit dans les parties musculaires, & qu’elle augmente prodigieusement non-seulement le systole du cœur & de ses vaisseaux contigus, mais encore le ton des parties fibreuses de tout le corps.

Ce mouvement impétueux du sang & de l’altération du fluide nerveux dans les personnes en qui la colere est poussée à son dernier période, se manifeste évidemment par l’augmentation du pouls, la promptitude de la respiration, la soif, la chaleur, le gonflement & la rougeur du visage, la pulsation des arteres de la tête plus forte, plus élevée, sur-tout aux environs des tempes, l’éclat des yeux, le bégayement, la voix enrouée, le parler précipité, la suppression de l’urine, le tremblement des parties extérieures ; enfin une certaine précipitation remarquable dans les fonctions de l’esprit. Ces symptomes se trouvent plus ou moins rassemblés suivant le tempérament & la force de la passion ; & la Physiologie les explique sans peine par la constriction spasmodique de tout le système nerveux.

En conséquence les observations de pratique ont appris que des fievres bilieuses, inflammatoires, la jaunisse, les obstructions du foie, des hémorragies, des diarrhées, des pierres dans la vésicule du fiel ou dans les conduits biliaires en étoient quelquefois la suite. La conspiration singuliere de tous les nerfs en donne la raison. D’abord la constriction violente qui se fait ici dans le genre nerveux, produit la suppression de l’urine, l’obstruction & l’embarras dans l’écoulement de la bile, d’où résulte la formation des pierres de la vésicule du fiel. C’est de cette constriction que provient la jaunisse ; d’un autre côté, les conduits biliaires formés de tuniques musculaires & nerveuses, se trouvant excessivement comprimés par l’influx rapide du liquide spiritueux contenu dans les nerfs, se resserrent, font couler la bile qu’ils contiennent ; & cette bile passe dans le duodenum & dans le ventricule. De-là les envies de vomir, la déjection de matiere bilieuse, & la diarrhée. L’abondance & l’acreté de cette bile causeront la chaleur, la soif, des fievres lentes, bilieuses, inflammatoires, &c.

La colere produisant des spasmes, & augmentant le mouvement des fluides, il est nécessaire qu’il se porte avec impétuosité, ou qu’il s’arrête dans les parties supérieures une trop grande quantité de sang ; d’où il arrivera que ces parties seront trop distendues, & en conséquence le visage s’enflammera, toutes les veines de la tête, celles du front, des tempes, seront gonflées, &c. Il en pourra donc résulter des hémorrhagies, soit par le nez, soit par une rupture de la veine pulmonaire, soit par les veines de l’anus, soit par la matrice. En un mot dans les parties dont les vaisseaux se trouveront les plus foibles ou les plus distendus, l’influx rapide déréglé du liquide spiritueux contenu dans les nerfs, rendra la langue bégayante, la voix enroüée, le parler précipité, le tremblement, la précipitation dans les fonctions de l’esprit.

Enfin quelques observations nous apprennent qu’il y a des personnes qui, à la suite d’une grande colere, ont perdu tour-à-tour l’ouie, la vûe & la parole, & d’autres qui sont tombées pendant plusieurs jours dans un état d’insensibilité. Ces divers accidens dépendent entierement ou de la compression des nerfs du cerveau, ou du flux arrêté des esprits, tantôt sur un organe des sens, tantôt sur l’autre.

C’est pourquoi le medecin travaillera à calmer ces spasmes, cette agitation de tout le système nerveux ; à remettre le sang & les humeurs dans un mouvement uniforme, & à corriger l’acrimonie des fluides. Ainsi les réfrigérans, tels que la liqueur minérale anodyne d’Hoffman, l’esprit de nitre ou l’esprit de vitriol dulcifiés, délayés dans un liquide convenable, deviendront de vrais calmans. Si la bile s’est jettée dans les intestins, il faut l’évacuer doucement par des lénitifs, tels que la magnésie blanche, la poudre de rhubarbe mêlée avec le nitre, les décoctions de tamarins, & autres de cette espece. On corrigera l’acrimonie des fluides par des boissons opposées à cette acrimonie. S’il s’est rompu quelque vaisseau dans le tissu pulmonaire, on diminuera l’impétuosité du sang par la saignée, la dérivation, les demi-bains, les raffraîchissans. Mais l’on évitera dans la méthode curative les cathartiques & les émétiques qui sont funestes dans cet état ; car comme ils n’agissent qu’en irritant les fibres délicates de l’estomac & des intestins, & que ces fibres sont déjà attaquées de constrictions-spasmodiques par la colere ; de tels remedes ne feroient qu’augmenter le mal. Ce seroit bien pis dans les personnes sujettes à des spasmes hypochondriaques, hystériques, & dans celles qui sont déjà tourmentées de cardialgie. Ce n’est point ici que la difficulté pour déterminer des remedes fait une des parties délicates du jugement du medecin, un peu de bon sens lui suffit. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

COLERET, s. m. terme de Pêche ; le filet qui forme le coleret est étroit par les deux bouts, où il n’a au plus que deux piés & demi de haut ; il s’élargit ensuite, de sorte qu’il a quelquefois trois à quatre brasses de chatte dans le milieu. La grandeur des mailles est à la discrétion des pêcheurs, qui se servent de cet engin défendu notamment par l’ordonnance de 1584, tit. lxxxjv. & par celle de 1681, tit. xvj. & xxj. Le bas de ce filet est garni de plommées ou plaques de plomb roulées, pour le faire couler bas & le tenir ouvert. Le haut est garni de flottes de liége, au moyen desquelles & des plommées le filet se trouve étendu. A chacune des extrémités du filet est un bâton sur lequel il est amarré, comme on peut le voir figure de Pêche : de chacune des extrémités de ce bâton, partent des cordes qui se réunissent en une seule, qui a une brasse ou deux de distance, est ployée pour former une grande boucle ou bretelle, que les pêcheurs se passent au cou pour tirer cet instrument à-peu-près comme font les bateliers qui hallent leurs petits bateaux pour remonter les rivieres. Il faut deux hommes, un à chaque bout du filet ; ils se mettent quelquefois dans l’eau jusque sous le menton, afin d’avoir une plus longue marée, cette pêche ne pouvant se faire que de basse mer.

Dans quelques endroits, les paysans indisciplinés & voisins des côtes de la mer, y descendent avec des colerets d’un très-grand volume qu’ils apportent sur des chevaux, & dont ils se servent pour tirer ces grands colerets qui font sur les sables le même mauvais effet que la dreige, lorsqu’on s’en sert près de terre : aussi cette pêche est-elle une des plus nuisibles, puisqu’elle détruit tout ce qu’elle rencontre sur les sables.

Outre ces deux especes de colerets, il y en a une