Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/709

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les autres dans l’Occident. L’Italie se consola de cette perte par la récolte des soies qu’elle entreprit, avec succès, de faire dans ses terres dès l’an 1130, par la conservation du commerce de Cafa, du Levant, & d’Alexandrie, qui entretinrent sa navigation. Mais la Flandre devint le centre des échanges de l’Europe. A mesure que la communication augmentoit entre ces divers états, les vûes s’étendoient, le Commerce prenoit partout de nouvelles forces.

En 1164 la ville de Bremen s’associa avec quelques autres, pour se soûtenir mutuellement dans le commerce qu’elles faisoient en Livonie. La forme & les premiers succès de cette association promirent tant d’avantages, que toutes les villes de l’Allemagne qui faisoient quelque commerce voulurent y être aggrégées. En 1206 on en comptoit soixante-deux, depuis Nerva en Livonie jusqu’au Rhin, sous le nom de villes Anséatiques. Voyez Hanse.

Plusieurs villes des Pays-Bas, de France, d’Angleterre, de Portugal, d’Espagne, & d’Italie, s’y incorporerent. La hanse Teutonique fit alors presque tout le commerce extérieur de l’Europe.

Celui de l’intérieur dans la plûpart des états avoit été jusque-là entre les mains d’un peuple errant, pour qui l’on poussoit la haine jusqu’à l’inhumanité. Les Juifs tour-à-tour bannis & rappellés, suivant les besoins des princes, eurent recours à l’invention des lettres de change des 1181, pour soustraire leurs richesses à la cupidité & aux recherches. Voy. Lettre de change.

Cette nouvelle représentation de la mesure commune des marchandises, en facilita les échanges : depuis elle forma une nouvelle branche de Commerce. Voyez Change.

Tandis que la Hanse se rendoit formidable aux princes mêmes, les comtes de Flandre, en 1301, effarouchoient l’industrie par la révocation de ses franchises. Les ducs de Brabant l’attirerent par les moyens qu’y avoit employés Baudouin le jeune en Flandre, & la perdirent par la même imprudence dont les successeurs de ce comte avoient donné l’exemple. En 1404, après la sédition de Louvain, les ouvriers se répandirent en Hollande & en Angleterre ; d’autres ouvriers de Flandre les y suivirent : tels furent les commencemens des célebres manufactures de la Grande-Bretagne.

La maniere de saler les harengs, inventée en 1400, soûtint encore quelque tems à Bruges & à l’Ecluse le commerce & les manufactures de Flandre, à la faveur d’une grande navigation.

Pendant le cours de ce siecle, Amsterdam & Anvers s’éleverent par le Commerce. En 1420 les Portugais, à l’aide de la boussole déjà perfectionnée (Voyez Boussole), firent de grands établissemens sur les côtes occidentales de l’Afrique. Les navigateurs de Dieppe y avoient entretenu quelque commerce dès l’an 1364 ; mais les guerres des Anglois nous firent perdre le fruit de cette découverte. La France un peu plus tranquille en 1480, vit s’établir à Tours une manufacture de soieries ; & sans les guerres d’Italie, suivies d’autres malheurs plus grands encore, il est vraissemblable que la nation auroit dès ce tems acquis dans le Commerce le rang que lui méritoient son industrie & la fertilité de ses provinces.

Bruges par sa prospérité continuoit d’effacer toutes les autres villes commerçantes de l’occident de l’Europe : sa révolte contre son prince en 1487 en fut le terme ; sa ruine fut le sceau de la grandeur d’Anvers & d’Amsterdam ; mais Anvers l’emporta par son heureuse situation.

La fin de ce siecle fut célebre par deux grands évenemens qui changerent la face du Commerce. A cette cinquieme époque son histoire devint une partie de celle des états.

En 1487 Barthelemi Diaz capitaine Portugais doubla le cap de Bonne-Espérance, & s’ouvrit la route des Indes orientales. Après lui Vasco de Gama parcourut en conquérant les presqu’iles en-deçà & au-delà du Gange : Lisbonne fut le magasin exclusif des épiceries & des riches productions de ces contrées, qu’elle distribuoit dans Anvers.

L’Egypte qui bornoit sa navigation aux premieres côtes de la mer des Indes, ne fut pas en état de soûtenir la concurrence des Portugais ; la diminution de son commerce entraîna la chûte de celui des Italiens.

En 1492 Christophle Colomb Génois découvrit l’Amérique pour le roi de Castille, dont les sujets coururent en foule conquérir les thrésors de ce nouveau monde.

Les Espagnols, comme les premiers à habiter l’Amérique, y eurent les plus riches & les plus amples possessions.

Dès 1501 le naufrage d’Alvarès Cabra capitaine Portugais, sur les côtes du Bresil, valut à sa patrie la possession de ce vaste pays & de ses mines.

Ces deux nations négligerent les Arts & la culture d’Europe, pour moissonner l’or & l’argent dans ces nouvelles provinces ; persuadées que propriétaires des métaux qui sont la mesure de toute chose, elles seroient les maîtresses du monde. Elles ont appris depuis que ce qui est la mesure des denrées appartient nécessairement à celui qui vend ces denrées.

Les François ne tarderent pas à faire des découvertes dans la partie septentrionale. En 1504 nos navigateurs découvrirent le grand banc de Terre-neuve ; & pendant le cours de ce siecle, les Basques, les Bretons, & les Normands, prirent possession de plusieurs pays au nom de nos rois. La France déchirée dans son sein par les guerres de religion, fut sourde à tout autre sentiment qu’à celui de sa douleur.

La liberté de conscience & les franchises dont joüissoient les Pays-Bas, & sur-tout la ville d’Anvers, y avoient attiré un nombre infini de François & d’Allemands, qui dans cette terre étrangere n’eurent de ressource que le Commerce. Il étoit immense dans ces provinces, lorsque Philippe II. le troubla par l’établissement de nouveaux impôts & de l’inquisition.

La révolte fut générale ; sept provinces se réunirent pour défendre la liberté, & dès 1579 s’érigerent en république fédérative.

Tandis que l’Espagne faisoit la guerre à ses sujets, son prince envahit en 1580 la succession du Portugal & de ses possessions. Ce qui sembloit accroître les forces de cette monarchie, fut depuis le salut de ses ennemis.

La nécessité cependant avoit forcé les Hollandois, resserrés dans un territoire stérile & en proie aux horreurs de la guerre, de se procurer leurs besoins avec œconomie. La pêche les nourrissoit, & leur avoit ouvert une navigation considérable du nord au midi de l’Europe, même en Espagne sous pavillon étranger, lorsque deux évenemens nouveaux concoururent à élever leur commerce.

Les Espagnols prirent Anvers en 1584, & fermerent l’Escaut pour détourner le Commerce en faveur des autres villes de Flandre. Leur politique ne réussit qu’à leurs ennemis ; la Hollande profita seule de la pêche, de la navigation, des manufactures de toile & de laine : celles de soie passerent en Angleterre, où il n’y en avoit point encore.

L’abaissement de la hanse Teutonique fut le second évenement dont les Hollandois profiterent. Depuis l’expédition qu’elle fit en 1428 contre Erik roi de Danemark, sa puissance déclina imperceptiblement. Les princes virent avec quelque jalousie