Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/736

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ploi, ou par une clause que les deniers ou autres meubles que l’on veut excepter de la communauté demeureront propres aux conjoints.

La stipulation de propre simplement, ne conserveroit le mobilier stipulé propre qu’au conjoint seulement : pour transmettre le même droit à ses enfans, il faut ajoûter propre à lui & aux siens ; & si on veut étendre l’effet de la clause aux collatéraux du conjoint, il faut encore ajoûter de son côté & ligne.

La pratique d’un office entre en la communauté comme les autres meubles ; & les offices, comme les autres immeubles, excepté néanmoins les offices de la maison du Roi & des gouvernemens, qui n’entrent point en communauté, suivant l’édit du mois de Janvier 1678.

Les rentes foncieres entrent pareillement en la communauté, comme les autres immeubles ; à l’égard des rentes constituées, elles y entrent comme meubles ou immeubles, suivant que la coûtume du domicile du créancier leur donne l’une ou l’autre qualité.

Les immeubles, soit propres ou acquêts, que les conjoints possédoient au tems du mariage, & ceux qui leur sont échûs depuis par succession directe ou collatérale, même par legs ou donation directe, qui sont tous biens propres, n’entrent point en communauté, à moins qu’il n’y eût clause contraire dans le contrat de mariage : il en est de même des biens qui ont été échangés contre des propres, & de ceux qui sont échus à un des conjoints par licitation, les uns & les autres étant propres.

Pour ce qui est des fruits des propres & acquêts, ils entrent de droit en la communauté, aussi bien que les fruits des conquêts immeubles.

Tous biens meubles ou immeubles acquis pendant le mariage sont censés acquis des deniers de la communauté, & communs entre les conjoints, soit que l’acquisition soit faite par eux conjointement ou pour eux deux, soit qu’elle ait été faite au nom d’un des conjoints seulement.

Le mari est le maître de la communauté, c’est pourquoi la femme ne peut passer aucun acte, même en sa présence, ni ester en jugement, sans être autorisée de lui, ou par justice au refus du mari, s’il y a lieu de le faire.

En qualité de maître de la communauté, le mari peut non-seulement faire seul tous actes d’administration, comme recevoir & donner quittance, faire des baux ; mais il peut aussi disposer seul entre vifs des meubles & immeubles de la communauté, soit par obligation, aliénation, ou donation, & autrement, etiam perdendo, pourvû que ce soit à personne capable & sans fraude.

La femme, pendant la vie de son mari, n’a qu’un droit éventuel sur la communauté, pour partager ce qui se trouvera au jour de la dissolution ; ainsi elle ne peut disposer d’aucun des effets de la communauté, & si elle le fait conjointement avec son mari, c’est proprement lui seul qui dispose, puisqu’il est seul maître de la communauté.

Elle ne peut, par la même raison, empêcher son mari de vendre ou aliéner les biens de la communauté, mais seulement, s’il y a dissipation de la part du mari, demander en justice sa séparation de biens, dont l’effet est de dissoudre la communauté pour l’avenir.

La femme ne peut pas non plus obliger la communauté par aucune emplette ou emprunt, si ce n’est lorsqu’elle est factrice de son mari, ou qu’au vû & au sçu de son mari elle fait un commerce séparé, auquel cas elle oblige son mari & la communauté.

Autrefois les réparations civiles ou confiscations prononcées contre le mari, se prenoient sur toute la communauté indistinctement ; mais suivant des lettres

du 26 Décembre 1431, données par Henri VI. roi d’Angleterre, & soi disant roi de France, il fut accordé en faveur des bourgeois de Paris, que la moitié de la femme en la communauté, ne seroit pas sujette aux confiscations prononcées contre le mari.

Quelques coûtumes, comme celle de Bretagne, donnoient seulement une provision à la femme sur les biens confisqués : Dumolin s’éleva fort contre cet abus ; & c’est peut-être ce qui a donné lieu à l’arrêt de 1532, qui a jugé que la confiscation du mari ne préjudicie pas aux conventions de la femme, ni même à son droit en la communauté.

La confiscation prononcée contre la femme ne comprend que ses propres, & non sa part en la communauté, qui demeure au mari par non-décroissement : à l’égard des amendes & réparations civiles & des dépens prononcés contre la femme, même en matiere civile, lorsqu’elle n’a point été autorisée par son mari, ces condamnations ne peuvent s’exécuter sur la part de la femme en la communauté qu’après la dissolution.

Pour ce qui est des charges de la communauté, il faut distinguer les dettes créées avant le mariage, de celles qui sont créées depuis.

Les dettes immobiliaires créées avant le mariage, ne sont point une charge de communauté ; chacun des conjoints est tenu d’acquitter celles qui le concernent.

A l’égard des dettes mobiliaires, aussi créées avant le mariage, elles sont à la charge de la communauté, à moins qu’on n’ait stipulé le contraire ; cette clause n’empêche pas néanmoins le créancier de se pourvoir contre le mari, & sur les biens de la communauté, quand même ce seroit une dette personnelle de la femme, son effet est seulement d’obliger celui des conjoints, dont la dette a été payée des deniers de la communauté, d’en faire raison à l’autre ou à ses héritiers lors de la dissolution de la communauté.

Quant aux dettes contractées depuis le mariage, soit mobiliaires ou immobiliaires, elles sont toutes à la charge de la communauté : si la femme n’y a pas parlé, elle n’y est obligée qu’en cas d’acceptation à la communauté, & elle ne peut être tenue que jusqu’à concurrence de ce qu’elle ou ses héritiers amendent de la communauté, pourvû qu’après le décès du prémourant il soit fait loyal inventaire ; à la différence du mari qui est toûjours tenu solidairement des dettes de communauté envers les créanciers, sauf son recours contre les héritiers de sa femme, pour la part dont ils en sont tenus.

Si la femme s’est obligée avec son mari, elle n’a plus le privilége de n’être tenue qu’infra vires ; elle doit remplir son obligation, sauf son recours contre les héritiers de son mari, pour ce qu’elle a été obligée de payer au-delà de la part qu’elle devoit supporter des dettes.

Les frais de la derniere maladie du prédécédé sont une dette de communauté ; mais les frais funéraires ne se prennent que sur la part du prédécédé & sur ses biens personnels : le deuil de la veuve est aussi à la charge de la communauté, soit qu’elle accepte ou qu’elle renonce.

Les dettes immobiliaires des successions échues aux conjoints pendant le mariage, ne sont point à la charge de la communauté ; & à l’égard des dettes mobiliaires, la communauté n’en est tenue qu’à proportion des meubles dont elle amende de la même succession.

La communauté finit par la mort naturelle ou civile d’un des conjoints, & par la séparation.

La mort civile du mari dissout tellement la communauté, que le partage en peut être aussi-tôt demandé par la femme ; au lieu que la mort civile de