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Cette communication de pieces entre le ministere public & les avocats, se fait de la main à la main sans aucun récepissé, & c’est une suite de la confiance réciproque que les avocats ont mutuellement entr’eux ; en effet ceux qui sont chargés du ministere public ont toûjours été choisis parmi les avocats, & considérés comme membres de l’ordre des avocats.

On appelle aussi communication au ministere public, une brieve exposition que les avocats font verbalement de leurs moyens à celui qui doit porter la parole pour le ministere public, afin que celui-ci soit pleinement instruit de l’affaire : cette communication verbale des moyens n’est point d’obligation de la part des avocats ; en effet, les anciennes ordonnances portent bien que si dans les causes dont les avocats sont chargés, ils trouvent quelque chose qui touche les intérêts du Roi ou du public, de hoc curiam avisabunt ; mais il n’y a aucune ordonnance qui oblige les avocats d’aller au parquet communiquer leurs moyens ; & lorsqu’il est ordonné par quelque jugement que les parties communiqueront au parquet, on n’entend autre chose sinon qu’elles donneront leurs pieces : en un mot il n’y a aucune loi qui oblige les avocats de faire ouverture de leurs moyens ailleurs qu’à l’audience.

Il est vrai qu’ordinairement les avocats, soit par considération personnelle pour ceux qui exercent le ministere public, soit pour l’intérêt même de leurs parties, communiquent leurs moyens en remettant leurs pieces : mais encore une fois cette communication des moyens est volontaire ; & lorsque les avocats se contentent de remettre leurs pieces, on ne peut rien exiger de plus.

L’usage des communications, soit de pieces ou de moyens, au ministere public, est sans doute fort ancien ; on en trouve des exemples dans les registres du châtelet dès l’an 1323, où il est dit que les statuts des Megissiers furent faits après avoir oüi les avocats & procureur du Roi qui en avoient eu communication.

Autrefois les communications des causes se faisoient avec moins d’appareil qu’aujourd’hui. Dans les premiers tems où le parlement de Paris fut rendu sédentaire à Paris, les avocats du Roi qui n’étoient point encore en titre d’office, n’avoient point encore de parquet ou lieu particulier destiné à recevoir ces communications : ils plaidoient eux-mêmes souvent pour les parties dans les causes où le ministere public n’étoit pas intéressé, au moyen de quoi les communications de pieces & de moyens se faisoient debout & en se promenant dans la grand-salle en attendant l’heure de l’audience.

Mais depuis que les ordonnances ont attribué aux avocats du roi, la connoissance de certaines affaires que les avocats vont plaider devant eux, & que l’on a établi pour les gens du roi, dans chaque siége, un parquet ou lieu dans lequel ils s’assemblent pour vaquer à leurs affaires, on a aussi construit dans chaque parquet un siége où les gens du roi se placent avec un bureau devant eux, soit pour entendre les causes dont ils sont juges, soit pour recevoir les communications ; il semble néanmoins que ce siége ait été établi pour juger plûtôt que pour recevoir les communications, cette derniere fonction n’étant point un acte de puissance publique.

Mais comme l’expédition des causes & les communications se font suivant qu’elles se présentent sans distinction, les gens du roi restent ordinairement à leur bureau pour les unes comme pour les autres, si ce n’est en hyver où ils se tiennent debout à la cheminée du parquet, & y entendent également les causes dont ils sont juges & les communications.

Au parlement & dans les autres siéges royaux où les gens du roi ont quelque sorte de jurisdiction, les avocats leur communiquent debout ; mais ils ont

droit de se couvrir, quoiqu’ils ne le fassent pas toûjours : les procureurs qui y plaident ou communiquent, doivent toûjours parler découverts.

Dans les autres siéges inférieurs lorsque ceux qui exercent le ministere public s’asseyent à leur bureau, les avocats qui communiquent y prennent place à côté d’eux.

En tems de vacations c’est un substitut du procureur général qui reçoit les communications au parquet ; mais l’usage est que l’on y observe une parfaite égalité, c’est-à-dire que s’il s’assied au bureau, l’avocat qui communique doit être assis à côté de lui.

On observe aussi une espece de confraternité dans les communications qui se font aux avocats généraux & avocats du roi ; car en parlant aux avocats ils les appellent Messieurs, à la différence des procureurs, que les avocats y qualifient seulement de Maîtres, & que les gens du roi appellent simplement par leur nom.

L’ordonnance de Moulins, article lxj. veut que les requêtes civiles ne soient plaidées qu’après avoir été communiquées aux avocats & procureur généraux, à peine de nullité.

L’ordonnance de 1667, tit. 35. art. xxvij. ordonne la même chose.

L’article suivant veut que lors de la communication au parquet aux avocats & procureur généraux, l’avocat qui communique pour le demandeur en requête civile, représente l’avis des avocats qui ont été consultés sur la requête civile.

L’article xxxjv. met au nombre des ouvertures de requête civile, si ès choses qui concernent le Roi, l’Eglise, le public ou la police, il n’y a point eu de communication aux avocats ou procureur généraux.

Dans quelques tribunaux on communique aussi les causes où il y a des mineurs, ou lorsqu’il s’agit de lettres de rescision. Les arrêts des 7 Septembre 1660, & 26 Février 1661, rapportés au journal des audiences, rendus l’un pour le siége royal de Dreux, l’autre pour la duché-pairie de la Roche-sur-Yon, ont ordonné de communiquer aux gens du roi les causes où il s’agit d’aliénations de biens de mineurs : on les communique aussi au châtelet de Paris, mais non pas au parlement ; ainsi cela dépend de l’usage de chaque siége, les ordonnances ne prescrivant rien à ce sujet.

Au parlement, toutes les causes qui se plaident aux grandes audiences des lundi, mardi & jeudi matin, sont communiquées sans distinction ; ce qui vient apparemment de ce que ces causes étant ordinairement de celles qu’on appelle majeures, le public est toûjours présumé y avoir intérêt.

Dans les instances ou procès appointés dans lesquels le procureur général ou son substitut doit donner des conclusions, on leur communique tout le procès lorsqu’il est sur le point d’être jugé, pour l’examiner & donner leurs conclusions.

L’édit du mois de Janvier 1685, portant réglement pour l’administration de la justice au châtelet, ordonne, article xxjv. que le plus ancien des avocats du Roi résoudra en l’absence ou autre empêchement du procureur du Roi, toutes les conclusions préparatoires & définitives sur les informations & procès criminels, & sur les procès civils qui ont accoûtumé d’être communiqués au procureur du Roi, &c. Il y a eu divers autres réglemens à ce sujet pour les gens du Roi de différens siéges royaux.

En matiere criminelle on communique aux gens du Roi les charges & informations, c’est ce qu’on appelle apprêter les charges aux gens du roi. L’ordonnance de Louis XII. du mois de Mars 1498, art. 98. ordonne aux baillifs, sénéchaux & autres juges avant de donner commission sur les informations, de les communiquer aux avocats & procureur de Sa Majesté, ce qui a été confirmé par plusieurs ordonnances postérieures.