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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/749

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vens ab ingressu ecclesia arceatur, & moriens christianâ careat sepulturâ. Il est bon de remarquer dans ce canon, que par le mot ad minus, le concile montre qu’il souhaite que les fideles ne se bornent point à communier à Pâque, mais qu’ils le fassent plus souvent, pour ramener la pratique des premiers siecles où l’on communioit plus fréquemment : 2°. que le concile laisse à la prudence du confesseur à décider si dans certaines occasions il n’est pas expédient de différer la communion même paschale, eu égard aux dispositions du pénitent ; ce qui prouve que le concile n’a pas eu moins d’attention que les peres à la nécessité de ces dispositions.

Le concile de Trente a renouvellé le même canon, sess. 13. ch. xjx. Mais pour ce qui regarde la communion fréquente, voici comme il s’exprime dans la même session, ch. viij. Paterno affectu admonet sancta synodus per viscera misericordia Dei nostri. . . . . ut panem illum supersubstantialem frequenter fideles percipere possint. Et dans la session 22. ch. vj. Optaret quidem sancta synodus ut in singulis missis fideles adstantes, non solum spirituali affectu, sed sacramentali etiam eucharistia perceptione communicarent, quo ad eos sanctissimi hujus sacrificii fructus uberior perveniret. Tel est le vœu de l’Eglise sur la fréquente communion ; mais ce n’est ni une ordonnance ni un decret formel. Quant aux dispositions à la communion en général, outre que le concile exige l’état de grace ou l’exemption de péché mortel pour ne pas recevoir indignement l’eucharistie, qui, selon le langage de l’école, est un sacrement des vivans & non des morts, il exige encore que pour communier avec fruit, on s’en approche avec des dispositions plus éminentes ; & quant à la communion fréquente, voici ce qu’il enseigne, sess. 13. ch. viij. Hæc sacra mysteria corporis & sanguinis Domini omnes & singuli, ea fidei constantia & firmitate, ea animi devotione ac pietate & cultu credant & venerentur, ut panem illum supersubstantialem frequenter suscipere possint. Il enseigne encore dans la même session, qu’un Chrétien ne doit pas s’approcher de l’eucharistie sans un grand respect & une grande sainteté. Nous verrons bien-tôt ce que les peres & les maîtres de la vie spirituelle entendent par cette sainteté.

La nécessité ou la suffisance des dispositions requises pour la communion fréquente, ont jetté divers théologiens modernes dans des excès & des erreurs bien opposées à la doctrine des peres & à l’esprit de l’Eglise. Les uns uniquement occupés de la grandeur & de la dignité du sacrement, & de la distance infinie qu’il y a entre la majesté de Dieu & la bassesse de l’homme, ont exigé des dispositions si sublimes, que non-seulement les justes, mais les plus grands saints, ne pourroient communier même à Pâque. Telle est la pernicieuse doctrine condamnée dans ces deux propositions par le pape Alexandre VIII. Sacrilegi judicandi sunt, qui jus ad communionem percipiendam prætendunt, antequam condignam de delictis suis pænitentiam egerint. . . . Similiter arcendi sunt à sacrâ communione quibus nondum inest amor Dei purissimus, & omnis mixtionis expers. Les autres oubliant le respect dû à J. C. présent dans l’eucharistie, & uniquement attentifs aux avantages qu’on retire ou qu’on peut retirer de la communion fréquente & même journaliere, n’ont cherché qu’à en faciliter la pratique, en négligeant d’insister ou d’appuyer sur les dispositions que demande un sacrement si auguste. Ils ont donc enseigné que la seule exemption du péché mortel suffit pour communier souvent, très souvent, & même tous les jours : que les dispositions actuelles de respect, d’attention, de desir, & la pureté d’intention, ne sont que de conseil : qu’il est meilleur & plus salutaire de recevoir la communion, & même tous les jours, sans ces dispositions, que

de la différer pendant quelque tems pour les acquérir : que jamais, & dans aucune occasion, il n’est permis à un juste de s’éloigner de la communion par respect : que tout pécheur, coupable même de crimes énormes & multipliés, doit communier aussi-tôt après l’absolution reçûe : qu’il ne faut ni plus de disposition ni plus de perfection pour communier tous les jours, que pour communier rarement : que les confesseurs ne doivent jamais imposer pour pénitence le délai de la communion, quelque court qu’il puisse être ; que les pénitens sont seuls juges par rapport à eux dans cette matiere : que pour communier plus ou moins souvent, ils ne doivent ni demander conseil à leurs directeurs, ni suivre leur avis, surtout s’il tend à les éloigner de la sainte table, ne fût-ce que pour quelque tems : enfin ils taxent d’imprudence les regles des communautés religieuses qui fixent le nombre des communions, quoique ces regles soient approuvées par les souverains pontifes, & autorisées par l’usage constant de tous les ordres religieux.

Comme on a accusé M. Arnauld d’avoir établi le rigorisme dans son livre de la fréquente communion, & qu’on taxe le pere Pichon jésuite de favoriser ouvertement le relâchement dans son ouvrage intitulé l’esprit de Jesus-Christ & de l’Eglise sur la fréquente communion, nous allons donner au lecteur une idée de ces deux fameux écrits.

Le livre de la fréquente communion fut composé par M. Arnauld à cette occasion. Le pere de Saismaisons Jésuite ayant vû, par le moyen d’une de ses pénitentes, une instruction que M. de S. Cyran avoit dressée pour la direction de madame la princesse de Guimené qui se conduisoit par ses avis, crut y trouver des maximes dangereuses, & entreprit aussi-tôt de le refuter par un écrit intitulé, question, s’il est meilleur de communier souvent que rarement. Cette réfutation étant tombée entre les mains de M. Arnauld, il se crut obligé d’y répondre.

Cet ouvrage est divisé en trois parties. Dans la premiere, M. Arnauld traite de la véritable intelligence de l’Ecriture & des peres, que le pere de Saismaisons allegue pour la fréquente communion ; 2°. des conditions d’un bon directeur pour regler les communions ; 3°. si l’on doit porter indifféremment toutes sortes de personnes à communier tous les huit jours ; 4°. de l’indisposition que les péchés véniels peuvent apporter à la fréquente communion. Dans les vingt-sept premiers chapitres ce docteur discute les passages de l’Ecriture & des peres allégués par le Jésuite. Depuis le chapitre xxviij. jusqu’au xxxjv, inclusivement, on expose les qualités prescrites par le pere de Saismaisons même pour un bon directeur. Le troisieme objet remplit les chapitres xxxv. xxxvj. xxxvij. & xxxviij. où l’on combat encore des raisons assez legeres, que le pere de Saismaisons avoit alléguées pour prouver qu’on peut permettre indifféremment la communion à toutes sortes de personnes tous les huit jours. Les deux chapitres suivans sont destinés à prouver, par des témoignages des peres &c par des exemples des saints, qu’on a eu égard aux péchés véniels pour regler les communions.

Dans la seconde partie M. Arnauld examine cette question, s’il est meilleur & plus utile aux ames qui se sentent coupables de péchés mortels, de communier aussi-tôt qu’elles se sont confessées, ou de prendre quelque tems pour se purifier par la pénitence avant que de se présenter au saint autel. Il divise sa reponse en trois points : 1°. il examine les autorités de l’Ecriture, des peres, & des conciles, dont le P. de Saismaisons appuyoit son sentiment : 2°. il examine si ce n’a jamais été la pratique de l’Eglise de faire pénitence plusieurs jours avant que de communier ; & sur ce point il conclut de la discipline de