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ner quelque chose de plus, puisqu’on n’exige rien au-delà ? Concluons : les PP. assemblés au concile de Trente, ne demandent point d’autre disposition que l’exemption du péché mortel..... La sainteté commandée par Jesus-Christ, par l’apôtre, & par l’Eglise, pour recevoir dignement l’eucharistie, consiste donc précisément à être en état de grace, & exempt de péché mortel. Voilà l’oracle qui a parlé, qui osera dire le contraire » ?

3°. De la distinction de sainteté commandée & de sainteté conseillée ou de bienséance, qui est la clé de tout l’ouvrage & la base du système du P. Pichon. Il est nécessaire de rapporter ici le texte de l’auteur, quoique fort étendu. Il se trouve aux pages 264, 265 & suiv. de son livre.

« L’abbé. Il faut être saint pour communier dignement ; les sacrés mysteres ne se donnent qu’aux saints, sancta sanctis, disoit autrefois le diacre à ceux qui devoient communier.

» Le docteur. Je le dis aussi-bien que vous, & aussi bien que l’Eglise par la bouche du diacre ; mais de quelle sainteté est-il ici question ? Distinguons-en de deux sortes ; sainteté de précepte, ou sainteté conseillée : la sainteté de précepte est absolument nécessaire, & sans elle on communie indignement & sacrilégement : elle consiste dans l’actuelle exemption du péché mortel, & à être par une foi animée de la charité en état de grace. La sainteté de conseil est l’actuelle exemption de péchés véniels, dans une actuelle disposition de ferveur, de dévotion proportionnée aux graces présentes. On a la sainteté commandée quand on est en état de grace ; alors on est juste, on est saint, on est séparé des pécheurs : c’est en ce sens que les apôtres ont appellé les fideles des saints.

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» L’abbé. Quoi, la seule nécessaire & indispensable disposition pour recevoir dignement Jesus-Christ, c’est l’exemption de tout péché mortel ; ensorte qu’étant en état de grace, & possédant Dieu par la charité, je puis communier & espérer que ma communion sera bonne, chrétienne, qu’elle plaira à Dieu, qu’elle augmentera la grace en moi ? cela supposé, tout juste peut donc approcher de ce sacrement ; c’est-là votre sentiment ?

» Le docteur. C’est mon sentiment, parce que c’est celui de Jesus-Christ & celui de l’Eglise ; ni l’un ni l’autre ne demandent rien davantage : c’est-là une vérité catholique qu’on ne peut combattre sans errer dans la foi. Concevez bien ma pensée.

» L’abbé. Je la conçois bien : vous ne parlez que de la sainteté commandée, & vous dites que l’état de grace suffit, & qu’il est nécessairement requis pour communier dignement ; & vous ajoûtez que c’est-là une vérité catholique que l’on ne peut combattre sans errer dans la foi : vos idées sont nettes, & faute de cela je vois bien maintenant que l’on confond tout, que l’on brouille tout ; c’est la ressource des novateurs, que j’ai trop écoutés pour mon malheur.

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» L’abbé. Cela est positif ; j’en conviens : mais ne déguisons rien ; les saints peres sont bien contraires à cette décision ; que d’années de pénitence n’exigeoient-ils pas avant que d’admettre à la communion ?

» Le docteur. Errez-vous toûjours avec vos novateurs ? 1°. Il n’est question ici que des justes, que des ames exemptes de péché, que des Chrétiens en état de grace. 2°. Tous les peres ont toûjours pense que selon Jesus-Christ l’exemption du péché mortel étoit une disposition indispensable pour la fréquente communion ; mais ils ont aussi pensé que cette disposition étoit suffisante. . . . . . . . . .

» Voici donc la vérité catholique décidée par l’Eglise : l’exemption de tout péché mortel dont on a obtenu la remission dans le sacrement de pénitence, c’est la grande sainteté qui nous rend dignes de communier ; tout le reste est conseillé ; tout le reste est une sainteté qui n’est pas commandée pour pouvoir communier. Je me fixe là avec l’Eglise, & je conclus : dès-lors que ma conscience ne me reproche aucun péché mortel, soit à cause de l’innocence de ma vie, soit à cause d’une bonne confession où je me suis purifié, j’ai la grande sainteté commandée, la sainteté nécessaire & suffisante pour communier & bien communier : je ne profanerai donc pas le sacrement ; je n’y recevrai donc pas ma mort, ma condamnation, mon jugement ; ma communion ne sera donc pas indigne ni sacrilége. Si je suis donc assez heureux pour être souvent exempt de fautes mortelles par la demeure du S. Esprit en moi, je puis souvent communier, & communier dignement. Et si par un bonheur encore plus digne d’envie, je suis toûjours exempt de fautes mortelles, je puis toûjours communier, & j’aurai la consolation d’apporter à la communion la grande sainteté commandée par l’Eglise. Voilà ma religion ; c’est l’Eglise qui me l’enseigne.

» L’abbé. Excluez-vous la sainteté conseillée ; & pourvû que l’on soit sans péché mortel, ne demanderiez-vous rien autre chose ? Si cela est, n’est-ce pas donner dans un autre excès, & permettre les communions imparfaites, & même celles que l’on feroit avec des péchés véniels ?

» Le docteur. La sainteté conseillée, ou l’exemption de péché véniel, & d’affection au péché véniel ou à des imperfections, je la conseille aussi, autant que la fragilité humaine en est capable.

» L’abbé. S. François de Sales ordonne que pour communier souvent, & même tous les huit jours, on soit exempt de tout péché véniel, & même de toute affection au péché véniel.

» Le docteur. Jesus-Christ ni l’Eglise ne l’ordonnant pas, ce saint n’avoit garde de le faire ; il étoit trop habile théologien pour cela ; mais il le conseille. Cette affection est une volonté délibérée de persévérer dans ses fautes : or quel Chrétien, communiant en Chrétien, ne tâche pas de se purifier de tout ce qui peut en lui déplaire à Dieu ?

» L’abbé. Dieu me parle par votre bouche, & je me sens animé de plus en plus à communier souvent. Vous exigez avec l’Eglise une préparation sage, digne de Dieu, qui ne desespere point, qui ôte toute inquiétude : vous fixez pour tous une sainteté commandée, une sainteté que tous peuvent aisément avoir : car qui voudroit communier en haïssant Dieu ? Vous conseillez toûjours une sainteté plus parfaite ; vous y exhortez, & vous en donnez le moyen dans la fréquente communion : c’est le vrai esprit de Jesus-Chist & de l’Eglise. »

4°. On a été révolté d’entendre dire au pere Pichon, « qu’on peut donner pour pénitence de communier souvent, puisque selon les saints conciles la fréquente communion est le moyen le plus efficace & le plus abregé de conversion & de sanctification ; qu’un pénitent, quand il est assez heureux pour trouver un directeur qui lui impose pareille pénitence, est sûr d’être conduit par l’esprit de Jesus-Christ & de l’Eglise ; qu’il n’y a que l’enfer, les libertins, les mauvais Chrétiens, les novateurs, qui blâment cette pratique. p. 496. 497. »

En conséquence d’avoir substitué la fréquente communion aux œuvres satisfactoires, voici ses paroles, p. 336. « Vous ne comptez pour pénitence que de vivre dans un desert, de coucher sur la dure, de porter le cilice : ah, messieurs, ce n’est-là que l’ex-