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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/849

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A mesure cependant que l’argent entre dans un état par cette voie, à mesure que les moyens de subsister se multiplient pour le peuple, le nombre ou la concurrence des consommateurs s’accroît, les denrées doivent être représentées par une plus grande somme : cette augmentation du prix de chaque chose est réelle, & le premier effet des progrès de l’industrie ; mais un cercle heureux de nouvelles concurrences y apporte les tempéramens convenables. Les denrées qui sont l’objet de la consommation deviennent journellement plus abondantes ; & cette abondance modere en partie leur augmentation ; l’autre partie se partage insensiblement entre tous ceux qui font les ouvrages, ou qui en trafiquent, par la diminution de leurs bénéfices ; la diminution de ce bénéfice se trouve enfin compensée elle-même par la diminution de l’intérêt de l’argent : car le nombre des emprunteurs se trouvant plus foible que celui des prêteurs, l’argent perd de son prix, par une convention unanime, comme toutes les autres marchandises. Cette baisse des intérêts est, comme on le voit, l’effet d’un grand commerce : ainsi nous observerons en passant que pour connoître si une nation qui n’a point de mines fait autant de commerce que les autres, en proportion des facilités respectives qu’elles ont pour commercer, il suffit de comparer le taux des intérêts de l’argent dans chacune ; car il est certain que si la concurrence de ces intérêts n’est pas égale, il n’y aura point d’égalité dans la concurrence extérieure des ventes & de la navigation.

Lorsqu’on apperçoit à ces signes évidens un accroissement continuel dans le commerce d’un état, toutes ses parties agissent & se communiquent un mouvement égal ; il joüit de toute la vigueur dont il est susceptible.

Une pareille situation est inséparable d’un grand luxe ; il s’étend sur les diverses classes du peuple, parce qu’elles sont toutes heureuses : mais celui qui produit l’aisance publique, par l’augmentation du travail, n’est jamais à craindre ; sans cesse la concurrence extérieure en arrête l’excès, qui seroit bientôt le terme fatal de tant de prospérités. L’industrie s’ouvre alors de nouvelles routes, elle perfectionne ses méthodes & ses ouvrages ; l’œconomie du tems & des forces multiplie les hommes en quelque façon ; les besoins enfantent les arts, la concurrence les éleve, & la richesse des artistes les rend savans.

Tels sont les effets prodigieux de ce principe de la concurrence, si simple à son premier aspect, comme le sont presque tous ceux du commerce. Celui-ci en particulier me paroît avoir un avantage très rare, c’est de n’être sujet à aucune exception. Cet article est de M. V. D. F.

CONCURRENS, adj. pl. (Hist. & Chron.) dans l’ancienne chronologie, est le nom qu’on donnoit aux jours, qui dans les années tant communes que bissextiles, sont surnuméraires au-delà du nombre de semaines que l’année renferme. Voici ce que c’est. L’année ordinaire a cinquante-deux semaines & un jour, l’année bissextile cinquante-deux semaines & deux jours : or ce jour ou ces deux jours surnuméraires sont nommés concurrens, parce qu’ils concourent pour ainsi dire avec le cycle solaire. Par exemple, la premiere année de ce cycle on compte un concurrent, la seconde deux, la troisieme trois, la quatrieme quatre, la cinquieme six au lieu de cinq (parce que cette année est bissextile), la sixieme sept, la septieme un, &c. & ainsi de suite. Le concurrent 1 répond à la lettre dominicale F, c’est-à-dire à l’année où le premier jour de l’an est un mardi, & ainsi de suite. Ces concurrens s’appellent aussi quelquefois épactes du soleil. On n’en fait plus d’usage depuis l’invention des lettres dominicales. Voy.

sur ce sujet, l’art de vérifier les dates. Paris, 1750. pag. xxx. de la préface. (O)

CONCUSSION. s. f. (Jurisprud.) appellée en droit crimen repetundarum, est l’abus que fait de son pouvoir un homme constitué en dignité, charge, commission, ou emploi public, pour extorquer de l’argent de ceux sur lesquels il a quelque pouvoir.

Il en est parlé dans les titres du digeste & du code, ad legem juliam repetundarum, où l’on peut remarquer entr’autres choses, que celui qui donnoit de l’argent pour être juge au préjudice du serment qu’il avoit fait de n’avoir rien donné, pouvoit être poursuivi comme coupable, aussi bien que celui qui avoit reçu l’argent ; que le juge qui se laissoit corrompre par argent étoit reputé coupable de concussion, aussi bien que celui qui acheteroit des droits litigieux. Il étoit même défendu à tous magistrats d’acquérir aucune chose par achat, donation, ou autrement dans les provinces où ils étoient établis, pendant leur administration, sous peine de concussion.

Cette prohibition d’acquérir faite aux magistrats étoit autrefois usitée parmi nous ; du moins ils ne pouvoient acquérir dans leur jurisdiction sans permission du Roi, comme il paroît par les ordonnances de S. Louis & de Philippe le Bel ; mais cette usage est depuis long-tems aboli, attendu que les magistratures étant parmi nous perpétuelles, & non pas annales, ou triennales comme elles l’étoient chez les Romains, les juges & magistrats seroient interdits de pouvoir jamais acquérir dans leur pays.

Tout ce qui nous est resté de l’ancien usage, est la prohibition aux juges d’acquérir les biens qui se décretent dans leurs siéges.

Il faut encore remarquer que chez les Romains le duc ou gouverneur de province étoit tenu de rendre non-seulement les exactions qu’il avoit faites personnellement, mais aussi ce qui avoit été reçu par ses subalternes & domestiques.

Le crime de concussion n’étoit mis au nombre des crimes publics, que quand il étoit commis par un magistrat ; & lorsqu’il étoit commis par une personne de moindre qualité, ce n’étoit qu’un crime privé ; mais cela n’est point usité parmi nous, ce n’est pas la qualité des personnes qui rend les crimes publics ou privés, mais la nature des crimes.

Les anciennes ordonnances un peu trop indulgentes pour les juges, leur laissoient la liberté de recevoir certaines choses, comme du vin en bouteilles.

Mais l’ordonnance de Moulins, art. 19 & 20. défendit aux juges de rien prendre des parties, sinon ce qui leur est permis par l’ordonnance, & aux procureurs du Roi de rien prendre du tout ; mais cela a été changé pour les derniers.

L’ordonnance de Blois, art. 114. est conçue en termes plus généraux : elle défend à tous officiers royaux & autres, ayant charge & commission de S. M. de quelque état, qualité & condition qu’ils soient, de prendre ni recevoir de ceux qui auront affaire à eux aucuns dons & présens de quelque chose que ce soit sur peine de concussion.

Il y a encore plusieurs autres ordonnances qui défendent à divers officiers toutes sortes d’exactions.

L’accusation pour crime de concussion peut être intentée, non-seulement par celui contre qui le crime a été commis, mais aussi par le ministere public, attendu que le crime est public.

Chez les Romains, il falloit que l’accusation fût intentée dans l’année depuis l’administration finie ; mais parmi nous l’action dure 20 ans comme pour les autres crimes.

On peut agir contre les héritiers du concussionnaire, pour la répétition du gain injuste qu’il a fait.

A l’égard de la peine qui a lieu pour concussion,