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plus ou moins grands, ou plus ou moins multipliés par où l’eau pourra s’écouler ; de même, en regardant l’électricité fournie par le globe comme constante ou toûjours la même, elle paroîtra plus ou moins forte dans le système de corps électrisés par ce globe, selon qu’ils auront moins ou plus de ces parties aigues par où le fluide électrique pourra s’échapper. Enfin le verre & les autres substances électrisables par frottement, ont la propriété de repousser, si cela se peut dire, le fluide électrique, de façon qu’elles l’empêchent de s’échapper. Ainsi une aigrete partant de la pointe d’un corps électrique quelconque dans une certaine direction, en prendra une autre dès qu’on en approchera du verre, & cette nouvelle direction sera telle que l’aigrete paroîtra comme le fuir. On trouve à la suite des lettres de M. l’abbé Nolet, pag. 255. un fait observé par cet habile physicien, qui confirme pleinement ce que nous venons d’avancer. Il dit dans cet endroit, qu’il parut évident par les aigretes que donnoient à voir les quatre angles d’une tringle de fer recouverte d’un tuyau de verre, & par la vivacité des étincelles qu’on en tiroit, que cette enveloppe rendoit l’électricité bien plus forte qu’à l’ordinaire ; de sorte, continue-t-il, qu’on peut dire que c’est un nouveau moyen de faire prendre ou de conserver aux conducteurs une plus grande vertu.

Ces faits une fois connus, on voit que par rapport aux conducteurs en général, ou lorsqu’on veut simplement transmettre l’électricité d’un corps à un autre, il faut employer les substances les plus électrisables par communication qu’il est possible, comme l’eau, les métaux, &c. L’eau même a cet avantage, que toutes sortes de substances, comme pierres, bois, &c. qui en sont bien imbues, peuvent devenir par-là de fort bons conducteurs, quelque peu électrisables par communication qu’elles soient d’ailleurs ; parce qu’alors elles ne forment plus, pour ainsi dire, que des especes de supports contenant des filets d’eau qui transmettent le fluide électrique : il faut aussi que les conducteurs soient cylindriques, cette forme étant de toutes celles qu’on peut leur donner celle qui a le moins de parties angulaires ; qu’ils n’ayent en aucun endroit de ces parties aigues, quelque petites qu’elles soient, par où le fluide électrique puisse se dissiper ; & ainsi qu’ils soient fort lisses, ce fluide s’échappant souvent par les plus petites éminences ou rugosités ; enfin pour mieux empêcher l’électricité de se dissiper, & la rendre en même tems plus forte, il est à propos de recouvrir les conducteurs de tuyaux de verre ou de rubans de soie bien roulés les uns par-dessus les autres, sur-tout lorsque ces conducteurs passent dans des endroits où ils ne sont pas assez éloignés des corps qui peuvent leur dérober l’électricité.

Il se présente ici naturellement plusieurs questions. On demandera si quel que soit le volume de ces conducteurs, la quantité du fluide électrique transmise sera la même ; si pareillement la force de l’électricité n’augmentera ou ne diminuera pas quelle que soit leur longueur ; enfin si cette force sera la même dans un conducteur fort long, à la partie la plus éloignée du globe, selon le cours de l’électricité, qu’à celle qui en est plus près selon le même cours. Nous répondrons, quant à la premiere question, que le volume est ici indifférent, la quantité d’électricité transmise étant toûjours la même, de quelque grosseur que soit le conducteur, comme nous l’avons prouvé M. le chevalier d’Arcy & moi, dans un mémoire inséré dans le volume de l’Académie de l’année 1749 ; en effet on s’en assurera facilement en transmettant alternativement l’électricité à deux corps, tantôt par une barre de fer, & tantôt par un fil-de-fer fort délié ; car on verra alors que ces deux corps seront électrisés au même degré, soit qu’ils reçoivent l’électricité par la

barre, soit qu’ils la reçoivent par le fil-de-fer, ce qui, pour le dire en passant, prouve que le fluide électrique a la propriété de tous les autres fluides qui se répandent toûjours également, quels que soient les canaux de communication, c’est-à-dire que dans plusieurs réservoirs qui communiquent ensemble, l’eau, par exemple, est toûjours de niveau de quelque grosseur que soient les tuyaux de communication. De ce principe de fait on tire la réponse à la troisieme question ; savoir, que l’électricité ne peut être plus forte à une extrémité du conducteur qu’à l’autre, puisque si cela étoit, elle ne se distribueroit pas également, ce qui seroit contraire à ce principe : enfin par rapport à la seconde question, nous répondrons que par toutes les expériences que l’on a faites, on n’a pas remarqué que l’électricité diminuât quelle que fût la longueur du conducteur, quoiqu’on en ait employé qui avoient plus de 1300 piés. Il y a plus : selon ce que dit M. le Monnier le medecin, pag. 463 des mémoires de l’Académie de 1746. plus les corps électrisés ont d’étendue en longueur, plus l’électricité paroît forte. Quoi qu’il en soit, il est constant qu’à quelque distance qu’on ait transmis l’électricité jusqu’ici (& cette transmission s’est toûjours faite dans un tems inassignable), on n’a pas remarqué que sa force en fût diminuée.

Passons à ce qu’on appelle particulierement le conducteur. Ce que nous venons de dire des conducteurs en général, par rapport à leur figure & à la substance dont ils doivent être formés, étant également appliquable à ceux dont il est actuellement question, il s’ensuit qu’ils doivent être comme les premiers, de métal ou revêtus d’une substance métallique, de figure cylindrique, & aussi lisses qu’il est possible. Nous n’ajoûterions rien à leur égard, si ce n’est que devant servir à différentes expériences, il est à-propos de parler de la grandeur qu’ils doivent avoir pour acquérir & conserver beaucoup d’électricité.

C’est un principe de fait, que plus ces sortes de conducteurs sont grands, plus les étincelles qu’on en tire sont fortes ; car il est essentiel de remarquer que quoique la quantité d’électricité transmise par un corps soit la même, qu’il soit grand ou qu’il soit petit, l’attraction, la repulsion, & tous les phénomenes de l’électricité paroissent cependant plus considérables dans le grand que dans le petit. Mais ces phénomenes augmentent-ils selon l’augmentation de la masse du conducteur, ou simplement selon l’augmentation de sa surface ? ou, en d’autres mots, l’intensité de l’électricité dans les corps augmente-t-elle dans la raison de leurs masses ou dans celle de leurs surfaces ? C’est une question qui a déjà beaucoup exercé les Physiciens, & sur laquelle ils sont fort partagés. Les uns, comme M. l’abbé Nolet, pensent que l’électricité augmente avec les masses, non pas à la vérité dans la raison directe de ces masses, mais cependant dans une plus grande raison que celle qui devroit resulter de la simple augmentation des surfaces ; enfin qu’une plus grande masse est susceptible d’acquérir plus d’électricité qu’une plus petite : les autres, comme M. le Monnier le medecin, pensent qu’elle augmente seulement comme les surfaces, & c’est ce qui a paru resulter aussi d’un grand nombre d’expériences que nous avons faites M. d’Arcy & moi, rapportées dans le mémoire déjà cité ; voyez là-dessus l’article Électricité. Quoi qu’il en soit, il est toûjours mieux d’avoir un grand conducteur cylindrique, comme nous l’avons dit ; & quand même il seroit creux, pourvû qu’il ait une certaine épaisseur, les étincelles que l’on en tirera seront très-belles & très-fortes.

En Allemagne, en Hollande, & en Angleterre, on se sert ordinairement pour conducteur d’un canon de fusil : mais de pareils conducteurs ne paroissent pas