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ver des autels à Chamos. Il y en a qui croyent que ce Chamos est le même que Moloch : sentiment qui differe beaucoup de l’opinion de Nicétas, qui prétend que l’idole Chamos étoit une figure de Venus.

CHAMOUZAY, (Géog. mod.) petite ville de France en Lorraine.

* CHAMP, s. m. se dit au simple d’un espace de terre cultivée, plus ou moins grand : plusieurs champs forment la piece de terre ; plusieurs pieces forment un territoire. Comme les terres cultivées sont ordinairement hors de l’enceinte des villes, bourgs, & villages, on entend par aller dans les champs, se promener dans les champs, parcourir par exercice les terres cultivées qui sont aux environs des habitations. On dit aller aux champs, pour mener paître les bestiaux ;

Si le Tasse, Virgile, & Ronsard, sont des ânes,
Sans perdre en vains discours le tems que nous perdons,
Allons aux champs comme eux, & mangeons des chardons.

De cette acception du mot champ ou espace de terre, ouvert de tout côté, on en a dérivé un grand nombre d’autres. Exemples.

* Champ, (Hist. anc.) c’étoit un lieu ouvert dans la campagne où les jeunes gens s’assembloient pour y faire leurs exercices, & y célébrer certains spectacles, &c. & où les citoyens tenoient aussi leurs comices, ou les assemblées dans lesquelles il s’agissoit de délibérer de quelque affaire publique. On comptoit à Rome un grand nombre de champs : il y avoit le champ d’Agrippa, le champ Brutien, le Caudetan, le Lanatarius, le Martius, le Pecuarius, le Setarius, le Viminalis, &c. mais par le nom de champ sans addition, on entendoit toûjours le champ de Mars.

Le campus Agonius étoit situé entre la vallée Martia & le cirque de Flaminius : ce n’étoit qu’un marché.

Le champ d’Agrippa étoit dans la septieme région de la ville, entre le capitole & ce qu’on appelle aujourd’hui le collége Romain.

Le champ Brutien ou Brytien étoit dans la quatorzieme région de la ville, au Janicule, près du faubourg Brutianus, à peu de distance des murs de la ville. Il avoit été ainsi nommé des Brutiens, ou comme d’autres le prétendent, d’un Brutus qui l’avoit fait orner.

Le Caudetanus se trouvoit aussi dans la quatorzieme région, & avoit été ainsi nommé d’un petit bouquet de bois, entre lequel on imagina quelque ressemblance avec la forme de la queue d’un cheval.

Le Cælimontanus étoit dans la seconde région ; on en ignore la place, à moins que ce champ n’ait été le même que le campus Martialis.

L’Esquilinus étoit dans la cinquieme région, au haut du mont Esquilin, où l’on étoit dans l’usage d’enterrer la populace & les pauvres : Pantolabum scurram, Nomentanumque nepotem. Le champ Esquilin fut hors de la ville jusqu’au tems de Servius Tullius, sous lequel il y fut réuni : on y éleva dans la suite des édifices, & Mécene finit par en faire ses jardins ; ainsi qu’Horace nous l’apprend dans la satyre Olim truncus eram, &c. où l’on voit encore que c’étoit-là que les magiciens alloient faire leurs incantations nocturnes.

Le Figulinus étoit dans la treizieme région, entre le Tibre & le mont Aventin : il a pris son nom des Potiers qui habitoient ce quartier.

Le campus Floræ, ou champ de Flore étoit dans la neuvieme région : ce fut là qu’on bâtit le théatre de Pompée : on y publioit les lois, les édits, & les reglemens du sénat ; on y célébroit les jeux appellés floralia en l’honneur d’une des affranchies de Pompée, d’où il fut appellé campus Floræ ; ou d’une courtisane de l’ancienne Rome qui avoit amassé assez

d’argent pour fonder des jeux en sa mémoire. Ces jeux furent institués ; mais dans la suite des tems, la gravité romaine offensée de ces fêtes, tâcha d’en abolir la honte, en les perpétuant non à l’honneur de la courtisane, mais de la déesse des fleurs ; cependant les jeux continuerent toûjours à se ressentir de leur premiere institution, par la liberté des actions & des paroles qui y regnoient.

Le campus Horatiorum ; on n’en connoît pas la place : c’étoit peut-être l’endroit du combat des Horaces & des Curiaces.

Le campus Jovis ; c’est, selon quelques-uns, le même que le campus Martius major, où Jupiter vengeur avoit en effet son temple : d’autres, au contraire, veulent que ce fut le campus Martius minor, où il y avoit une statue colossale de Jupiter.

Le Lanatarius étoit dans la douzieme région ; il fut ainsi nommé, à ce qu’on dit, des marchands de laine qui y étoient établis ou qui s’y assembloient.

Le campus Martialis étoit dans la seconde région, sur le mont Cælius. Il fut nommé martialis, de Mars dont on y célébra les equiria, lorsque le champ de Mars fut inondé par le Tibre. C’est actuellement la place de devant l’Eglise de S. Jean de Latran.

Le campus Martius, champ de Mars, qui se nommoit par excellence campus ou campus Martius major, pour le distinguer du campus Martius minor, étoit dans la neuvieme région ; il fut consacré à Mars par Romulus même suivant quelques-uns ; & suivant d’autres, par le peuple après l’expulsion de Tarquin le superbe, qui se l’étoit approprié & qui le faisoit cultiver. Quoi qu’il en soit, ce n’étoit dans les commencemens qu’une prairie où la jeunesse Romaine alloit s’exercer, & où l’on faisoit paître les chevaux ; les Romains en firent dans la suite un des principaux lieux de leurs assemblées, & un des endroits de Rome les plus remarquables par les décorations. Il s’étendoit depuis la porte Flaminia jusqu’au Tibre, & comprenoit ce qu’on appelle aujourd’hui la place Borghese, le Panthéon, les places di Carlo Farnese, di Ponti, di Navone, Nicosea, &c. avec la longue rue di Scrofa, & l’entrée du pont S. Ange. Il étoit hors de la ville ; Jules César eut le dessein de l’y renfermer ; mais Aurélien passe pour l’avoir exécuté, en conduisant les murs de la ville depuis la porte Colline jusqu’au Tibre. Ce champ étoit très-beau par sa situation ; c’étoit le lieu des exercices militaires. On y luttoit ; lorsque les jeunes gens étoient couverts de sueur & de poussiere, ils se jettoient dans le Tibre qui l’arrosoit. C’étoit-là que se tenoient les comices ou assemblées générales du peuple. Plusieurs grands hommes y avoient leurs sépultures. Les statues y étoient si nombreuses, que pour en peindre l’effet, les auteurs ont dit qu’on les eût prises de loin pour une armée. L’empereur Auguste y avoit son tombeau ; il étoit encore remarquable par un obélisque surmonté d’une boule dorée qui servoit de gnomon à un cadran solaire. Cet obélisque, après avoir resté pendant plusieurs siecles enseveli sous les ruines de l’ancienne Rome, & sous les maisons de la Rome nouvelle, fut relevé par les soins de Benoît XIV. aujourd’hui régnant. Ce pontife acheta toutes les maisons qui le couvroient, & le rétablit dans son ancienne splendeur. Le campus Martius comprenoit différens portiques, la villa publica, le Panthéon, les thermes Néroniens, les thermes d’Agrippine, le théatre de Pompée, le cirque Flammien, la colonne d’Antonin, la basilique d’Antonin, le Diribitorium, différens temples, & une infinité de choses remarquables. C’est aujourd’hui un des quartiers de Rome les plus habités.

Le campus Martius minor étoit une partie du campus Martius major, & la même chose que le campus Tiberinus qui avoit été donné au peuple par Caia