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sens il est synonyme à étendue. Quelques personnes ont donné à ce terme une acception bien différente ; ils ont dit qu’un corps étoit de champ à un autre, quand celui-ci étoit placé derriere ; ainsi, selon eux, la draperie d’un bras dans une figure est de champ à ce bras. Il ne paroît pas qu’en parlant ainsi ils ayent eu égard à la direction de la draperie, mais qu’ils ont employé l’expression de champ, soit que le corps qu’ils disoient de champ à un autre, fût ou perpendiculaire, ou incliné, ou parallele à celui-ci. Quoi qu’il en soit, M. de Piles a improuvé cette expression, & il prétend qu’il est mieux de dire cette draperie fait fond à ce bras ; cette terrasse fait fond à cette figure. Le terme de champ se restraint quelquefois à une seule partie d’un tableau, d’une tapisserie, &c. & alors il signifie seulement l’espace occupé par cette partie.

Champ a encore quelqu’autre signification en menuiserie & en charpenterie. Un corps y est dit être de champ, quand sa situation est exactement parallele à l’horison ; parallélisme dont on s’assûre à l’équerre ; alors de champ est opposé à incliné, & le contraire de debout. Un corps qui est de champ est perpendiculaire à un corps qui est vertical.

Autre signification d’être de champ, relative à la situation du corps & à ses dimensions. Un corps qui a moins d’épaisseur que de hauteur, comme une tuile, est dit être placé de champ, quand il est dressé sur son côté le plus étroit ; en ce cas il est opposé à couché, & synonyme à droit. Une tuile droite & une tuile de champ, c’est la même chose. Le terme de champ est encore d’usage en horlogerie. Une roue est placée de champ, quand son plan est perpendiculaire à la partie qu’on regarde comme la base de la machine. Car remarquez bien que dans une montre, par exemple, la roue qu’on appelle de champ ne peut être ainsi appellée que relativement aux plaques qui servent de base à toute la machine. C’est alors un terme relatif ; & si on le définit, eû égard à des choses extérieures à la machine même, la définition deviendra fausse. Ainsi, dans une machine telle que celle que nous venons de citer, celui qui dirit que la roue de champ est celle qui se meut perpendiculairement à l’horison, ne s’appercevroit pas que cette définition n’est vraie que dans la supposition, que quand cette roue est considérée, on a placé la montre horisontalement.

Champ besiale, (Jurispr.) dans la coûtume d’Acqs, est une terre ou lande sans maisons ni bâtimens, commune entre plusieurs co-propriétaires qui y ont chacun des parts certaines contigues les unes aux autres. Voyez la coûtume d’Acqs, tit. xj. art. 2. & le glossaire de Lauriere hoc verbo. (A)

* CHAMPACAM, sub. m. (Bot. exot.) arbre qui croît aux Indes orientales, qui donne deux fois l’année, des fleurs très-odoriférantes, mais qui fait attendre son fruit long-tems. Rai qui en fait mention, n’ajoûte rien de plus sur sa description : quant à l’énumération de ses vertus, elle ne finit point. Nous la supprimons, parce qu’il est assez indifférent d’être instruit des propriétés d’une plante ignorée ; qu’il est étonnant que ces propriétés soient si bien connues, & que la plante le soit si peu ; & qu’il est assez vraissemblable qu’on n’a rien de bien assuré sur un médicament, sur-tout s’il est exotique, quand on en raconte tant de merveilles. Ce qui nous encourage à prononcer si sévérement sur les éloges qu’on fait des substances des pays lointains, c’est la vérité avec laquelle les habitans de ces pays porteroient le même jugement des vertus admirables que nous attribuons aux nôtres. On pourroit bien dire de la plûpart des médicamens exotiques, ce qu’on a coûtume de dire de la plûpart des histoires profanes des tems anciens : voulez-vous savoir quel degré de certitude

il faut leur accorder, voyez quel degré de foi vous devez à celles de votre tems.

* CHAMPADA, (Bot. exot.) arbre qui croit au Malaque : il est grand & touffu ; ses branches sont cendrées, noüeuses, & jettent une liqueur gluante & acre comme celle du titimale, quand on y fait une incision. Le fruit naît du tronc & des grosses branches ; il sort d’un bouton qui s’ouvre en feuilles entre lesquelles le fruit naît : il prend jusqu’à quatorze pouces de long, sur autant de circonférence : il a la figure de nos melons ; son écorce est verte ; elle est divisée en petites pentagones au centre desquels il y a un point noir : le pédicule en est gros & ligneux ; il pénetre dans la substance du fruit, & s’y disperse en plusieurs gros filamens qui vont se réunir à la pointe, mais desquels il part comme des châtaignes qu’une pulpe blanchâtre enveloppe : si l’on ouvre l’écorce & qu’on écarte la pulpe spongieuse, les châtaignes se dégagent de leurs compartimens, & demeurent attachées à la queue comme les grains du raisin à la grappe. Cette pulpe est sucrée ; on la suce ; le goût en est assez bon ; mais l’odeur en est forte. Les habitans du pays aiment ce fruit parce qu’il échauffe & entête. On en fait cuire les châtaignes dans de l’eau ; mais elles ne valent pas les nôtres. Voyez Mém. de l’Aced. page 331. tome IX.

* CHAMPAGNE, s. f. (Géog. & Comm.) province de France qui a environ soixante-cinq lieues de longueur, sur quarante-cinq de largeur. Elle est bornée au septentrion par le Hainaut & le Luxembourg ; à l’orient par la Lorraine & la Franche-Comté ; à l’occident par l’Isle de France & le Soissonnois ; au midi par la Bourgogne. Ses rivieres principales sont la Seine, la Marne, la Meuse, l’Aube, & l’Aine : on la divise en haute & basse ; Troyes, Chons, & Reims, se disputent l’honneur d’en être la capitale. Elle comprend la Champagne propre, le Rémois, le Rételois, le Pertois, le Vallage, le Bassigny, le Senonois, & la Brie Champenoise. La partie qui est entre Sésanne & Vitri s’appelle la Champagne pouilleuse : en effet elle est pauvre, & ne produit guere que de l’avoine, du seigle, & du sarrasin : mais les terres du reste de la province sont excellentes ; elles donnent des blés ; ses côteaux sont couverts de vignes, dont il est inutile de loüer les vins. Il y a de bons pâturages, des mines de fer en grand nombre, des forges, des fonderies, quelques papeteries, & des tanneries à l’infini. On fabrique à Reims des étoffes soie & laine, des chapeaux, des couvertures, des toiles, & des cuirs. Il y a des métiers & des manufactures de toutes ces sortes à Rétel, à Mézieres, à Charleville, à Sedan, &c. c’est de cette derniere ville que sont originaires les fameux draps de Pagnon. Les villes de Châlons, de Vitri, de Saint-Dizier, de Chaumont, &c. ne sont pas sans commerce : il se fabrique dans cette derniere de gros draps, & on y passe en mégie beaucoup de peaux de boucs & de chevreaux. Langres a été plus fameuse par sa coutellerie, qu’elle ne l’est aujourd’hui ; le nombre des ouvriers en fer y est cependant encore très-grand. Troyes est considérable par ses manufactures en étoffes de laine, en toiles & basins ; & il n’y a peut-être pas une ville en Champagne dont le commerce soit plus étendu. Les Champenois sont laborieux, & passent pour de bonnes gens. Si le proverbe est vrai, la Champagne est en France, ce que la Béotie étoit dans la Grece : l’une a donné naissance à Pindace, & l’autre à la Fontaine.

Champagne, ou Droit de Champagne, terme de Finances usité anciennement à la chambre des comptes ; c’étoit un droit ou rétribution que les auditeurs des comptes prenoient sur les baux à ferme des domaines de Champagne, pour être payé aux présidens, maîtres & auditeurs. Ce droit étoit de