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blics, patrimoniaux & personnels ; pour quelles causes on peut s’en exempter : des ambassadeurs, de l’administration des deniers & autres choses appartenantes aux villes ; des decrets faits par les décurions & autres officiers municipaux ; des ouvrages publics, des foires & marchés, des pollicitations ; des matieres extraordinaires, dont la connoissance appartenoit aux présidens des provinces ; des proxenetes ou entremetteurs, des dénombremens pour lever les impôts. Les deux derniers titres sont l’un de verborum significatione, l’autre de regulis juris antiqui.

Outre cette premiere division que Justinien fit du digeste en cinquante livres, il en fit encore une autre en sept parties, composée chacune de plusieurs livres. Quelques-uns ont pensé que ce fut pour rapporter au même objet tout ce qui en dépend ; mais Justinien lui-même annonce que cette division eut pour principe la considération qui étoit alors attachée au nombre septenaire.

La premiere partie, qui fut désignée par le mot grec πρῶτα, comprit les quatre premiers livres, qui traitent des principes du droit des juges, des jugemens des personnes qui sont en procès, & des restitutions en entier.

La seconde, intitulée de judiciis, fut composée du cinquieme livre & des suivans, jusques & compris le onzieme.

La troisieme, intitulée de rebus, fut composée des huit livres qui traitent des choses ; savoir le douzieme & suivans, jusqu’à la fin du dix-neuvieme.

La quatrieme, intitulée de pignoribus, comprenoit aussi huit livres ; savoir le vingtieme & suivans, jusques & compris le vingt-septieme.

La cinquieme partie appellée de testamentis, étoit composée de neuf livres, à commencer par le vingt-huitieme, & finissant par le trente-sixieme.

La sixieme, de bonorum possessionibus, commençoit par le trente-septieme livre, & finissoit par le quarante-quatrieme.

Enfin la septieme & derniere, intitulée de speculationibus, étoit composée des six derniers livres.

Il y a une troisieme division du digeste en trois parties, mais qui n’est ni de Justinien ni de Tribonien ; on l’attribue communément au jurisconsulte Bulgare, qui vivoit dans le douzieme siecle, & à quelques autres docteurs ses contemporains. D’autres prétendent que cette division n’est venue que d’un libraire, qui la fit sans autre objet que celui de partager la matiere en trois tomes à-peu-près égaux.

Quoi qu’il en soit, la premiere partie, suivant cette division, est intitulée digestum vetus, ou le digeste ancien : elle a été ainsi appellée, comme ayant été rédigée ou imprimée la premiere ; elle comprend depuis le commencement du premier livre, jusqu’à la fin du second titre du vingt-quatrieme livre.

La seconde partie s’appelle digestum infortiatum, le digeste infortiat, ou l’infortiat simplement. Ce nom bisarre paroît lui avoir été donné, à cause que cette partie étant celle du milieu, semble être fortifiée & soûtenue par la premiere & la troisieme, ou parce que cette seconde partie contient les matieres les plus importantes, notamment les successions, les testamens & les legs ; elle commence au troisieme titre du vingt-quatrieme livre, & finit avec le livre trente-huitieme.

La troisieme. partie, qui commence au trente-neuvieme livre, & va jusqu’à la fin de l’ouvrage, s’appelle digestum novum, digeste nouveau, c’est-à-dire le dernier rédigé ou imprimé.

Nous parlerons dans un moment des autres arrangemens que quelques jurisconsultes modernes ont faits du digeste, après avoir rendu compte de ce qui

s’est passé précédemment par rapport à cet ouvrage.

Quelque soin que l’on ait pris pour le rendre exact, il n’a pas laissé de s’y glisser quelques fautes. Cujas, l’un des auteurs qui ont pensé le plus favorablement de la compilation du digeste en général, y a trouvé plusieurs choses à reprendre, qu’il a relevées dans ses observations, liv. I. ch. xxij. & liv. VI. ch. xiij. & dans le liv. VIII. chap. xxxvij. il a remarqué les endroits où il se trouve encore quelques vestiges des dissensions des anciens jurisconsultes. Antoninus Faber dans ses conjectures, & quelques autres auteurs, ont été jusqu’à taxer Tribonien d’infidélité. Ils ont prétendu que Tribonien vendoit la justice, & accommodoit les lois selon les intérêts de ses amis. Ce reproche amer inventé par Suidas, paroît sans fondement. Du reste Cujas & Mornac ont rendu justice à la capacité de Tribonien auteur de la compilation du digeste.

D’autres ont aussi fait un reproche à Justinien, ou plûtôt à Tribonien, d’avoir supprimé les écrits des anciens jurisconsultes dont il se servit pour composer le digeste ; mais quel intérêt auroit-il eu de le faire ? Si l’on avoit conservé cette multitude de volumes qu’il a fallu compiler & concilier, on reconnoîtroit sans doute encore mieux le merite du digeste. Justinien, loin de paroître jaloux de la gloire des anciens jurisconsultes, & de vouloir s’approprier leurs décisions, a fait honneur à chacun d’eux de ce qui lui appartenoit, & rien ne prouve que leurs écrits ayent été supprimés par son ordre ni de son tems. Il y a apparence que l’on commença à en négliger la plus grande partie, lorsque Théodose le jeune donna la préférence aux ouvrages de Papinien & de quelques autres ; que la rédaction du digeste fit oublier le surplus, comme inutile ; enfin que tous ces écrits se sont perdus par le malheur des tems, & par les courses des Goths & autres barbares qui ont plusieurs fois saccagé & pillé Rome & toute l’Italie, l’Allemagne, les Gaules & Constantinople.

De tous les ouvrages des anciens jurisconsultes, il ne nous reste que les institutes de Caius, des fragmens d’Ulpien, & des sentences de Julius Paulus. Ce furent ceux qu’Anien choisit, comme les meilleurs, lorsque le roi Alaric le chargea d’introduire le droit romain dans ses états. Voyez Code.

Peu de tems après la mort de Justinien, les compilations des lois faites par ordre de cet empereur, furent négligées dans l’orient : l’empereur Basile & ses successeurs firent une autre compilation de lois sous le nom de basiliques.

Dans l’occident, singulierement dans la partie des Gaules où l’on suivoit le droit écrit, on ne connoissoit que le code Théodosien, les institutes de Caïus, & l’édit perpétuel.

Le digeste qui avoit été perdu & oublié pendant plusieurs siecles, fut retrouvé par hasard en Italie en 1130, lorsque l’empereur Lothaire II. qui étoit venu au secours du pape Innocent II. prit la ville d’Amalfi, ville de la Pouille. Dans le pillage de cette ville, des soldats trouverent un livre qui étoit depuis long-tems oublié dans la poussiere, & auquel sans doute ils ne firent attention qu’à cause que la couverture en étoit peinte de plusieurs couleurs : c’étoient les pandectes de Justinien. Quelques-uns ont crû que ce manuscrit étoit celui de Justinien, ou du moins celui de Tribonien ; d’autres, que c’étoit l’ouvrage de quelque magistrat romain qui avoit été gouverneur de cette ville : mais tout cela est avancé au hasard. M. Terrasson en son histoire de la Jurispr. rom. croit plûtôt que cet exemplaire des pandectes fut apporté à Amalfi par quelqu’Homme de lettres de ce pays-là, qui avoit voyagé en Grece.

Politien & Juste-Lipse ont pensé que ce manuscrit