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plusieurs causes physiques rendent cet espace vuide plus ou moins considérable. Entre les cordages de même grosseur, ceux à trois torons sont commis plus ferré que ceux à quatre, & ceux-ci plus que ceux à six ; ce qui peut faire que les torons seront plus comprimés dans un cas que dans un autre ; & le vuide de l’axe peut encore être changé par la direction des torons, qui dans les cordages à trois est plus approchante de la perpendiculaire à l’axe de la corde, que dans ceux à quatre, & dans ceux-ci que dans ceux à six. Mais une plus grande exactitude seroit superflue. Il suffit de savoir qu’il reste un vuide au centre des cordages, & de connoître à-peu-près de combien il est plus grand dans les cordages à six torons que dans ceux à quatre, & dans ceux-ci que dans ceux à trois, pour comprendre que ce vuide les rend difficiles à commettre, & souvent défectueux, surtout quand les aussieres sont grosses, à cause de la roideur des torons, qui obéissent plus difficilement aux manœuvres du cordier. Il est aisé d’en appercevoir la raison, car puisqu’il y a un vuide à l’axe du cordage, les torons ne se roulent autour de rien qui les soûtienne ; ils ne peuvent donc prendre un arrangement uniforme autour de cet axe vuide, qu’à la faveur d’une pression latérale qu’ils exercent les uns à l’égard des autres : or pour que cet arrangement régulier se conserve, il faut qu’il y ait un parfait équilibre entre les torons, qu’ils soient bien de la même grosseur, dans une tension pareille, également tortillés, sans quoi il y auroit immanquablement quelque toron qui s’approcheroit plus de l’axe de la corde que les autres ; quelquefois même, surtout dans les cordes à cinq & six torons, un d’eux se logeroit au centre de la corde, & alors les autres se rouleroient sur lui : en ce cas ce toron ne feroit que se tordre sur lui-même, pendant que les autres formeroient autour de lui des hélices qui l’envelopperoient. Une corde de cette espece à cinq ou six torons seroit très-mauvaise, puisque quand elle viendroit à être chargée, le toron de l’axe porteroit d’abord tout le poids, qui le feroit rompre ; & alors l’aussiere n’étant plus composée que des quatre ou cinq torons restans, auroit perdu le cinquieme ou le sixieme de sa force, encore les torons restans seroient-ils mal disposés les uns à l’égard des autres, & le plus souvent hors d’état de faire force tous à la fois. C’est pour éviter ces défauts que la plûpart des cordiers remplissent le vuide qui reste entre les torons avec un nombre de fils qui leur servent de point d’appui, & sur lesquels les torons se roulent : ces fils s’appellent l’ame ou la meche de la corde. Voici les précautions que l’on prend pour la bien placer.

Grosseur des meches. On ne met point, & on ne doit point mettre de meche dans les cordages à trois torons, la compression des torons remplissant presque tout le vuide qui seroit dans l’axe. On n’est pas dans l’usage de faire de grosses cordes avec plus de quatre torons, & quelques cordiers ne mettent point non plus de meche dans ces sortes de cordages. Le vuide qui reste dans l’axe n’étant pas à beaucoup près assez considérable pour recevoir un des quatre torons, un habile cordier peut, en y donnant le soin nécessaire, commettre très-bien & sans défaut quatre torons sans remplir le vuide ; néanmoins la plûpart des cordiers, soit qu’ils se méfient de leur adresse, soit pour s’épargner des soins & de l’attention, prétendent qu’on ne peut pas se passer de meche pour ces sortes de cordages ; & ceux qui sont de ce sentiment, sont partagés sur la grosseur qu’il faut donner aux meches : les uns les font fort grosses, d’autres les tiennent plus menues, chacun se fondant sur des tables qu’ils ont héritées de leurs maîtres, & auxquelles ils ont donné leur confiance. Nous avons entre les mains quelques-unes de ces

tables de la plus haute réputation, qui néanmoins ne sont construites sur aucun principe, & qui sont visiblemens défectueuses. Cependant il nous a paru qu’il étoit bien-aisé de fixer quelle grosseur il faut donner aux meches ; car le seul objet qu’on se propose étant de remplir le vuide qui reste dans l’intérieur, pour donner aux torons un point d’appui qui empêche qu’ils n’approchent plus les uns que les autres de l’axe de la corde, il suffit de connoître la proportion du vuide avec les torons, eu égard à leur grosseur & à leur nombre : car il faut augmenter la grosseur des meches proportionnellement à l’augmentation de grosseur des torons, & proportionnellement à celle de leur nombre, évitant toûjours de faire des meches trop grosses, 1°. pour ne point faire une consommation inutile de matiere, 2°. pour ne point augmenter le poids & la grosseur des cordages par une matiere qui est inutile à leur force, 3°. parce que des meches trop grosses seroient extrèmement serrées par les torons, & nous ferons voir dans la suite que c’est un défaut qu’il faut éviter le plus qu’il est possible.

Pour remplir ces différentes vûes, connoissant par ce qui a été dit dans l’article précedent, que pour remplir exactement tout le vuide qui est au centre des quatre torons, il faut les trois onziemes d’un toron, on croiroit qu’il n’y a qu’à se conformer à cette regle pour a voir une meche bien proportionnée ; mais ayant remarqué que les torons se compriment non-seulement aux parties par lesquelles ils se touchent, mais encore à celles qui s’appuient sur la meche, nous avons jugé qu’il suffiroit de faire les meches de la grosseur d’un cercle inscrit entre les quatre torons, tel que le cercle A, fig. 7. la compression des torons & celle de la meche étant plus que suffisantes pour remplir les petits espaces représentés par les triangles curvilignes aaaa, c’est-à-dire que la meche ne doit être que la sixieme partie d’un des torons, parce que le rapport du cercle A au cercle B est comme 1 à 6. Suivant cette regle, dont l’exactitude est fondée sur beaucoup d’expériences, on a tout d’un coup la grosseur des meches pour des cordages à torons de toutes sortes de grosseurs : il faut donner un exemple de son application.

Si on veut commettre une aussiere à quatre torons de onze pouces de grosseur, sachant qu’en employant des fils ordinaires, il en faut cinq cent quatre-vingt, non compris les fils de la meche, on divise cinq cens quatre-vingt par quatre, & on a cent quarante-cinq fils pour chaque toron. On divise ensuite ce nombre de fils par six, & le quotient indique que vingt-quatre à vingt-cinq fils suffisent pour faire la meche de ce cordage, supposé toutefois qu’on veuille mettre une meche dans ces cordages ; car il est à propos de s’en passer. A l’égard des cordages à six torons, pour peu qu’ils soient gros, il n’est pas possible de les commettre sans le secours d’une meche ; mais quoique le vuide de l’axe soit à-peu-près égal à l’aire de deux torons, on sait par bien des épreuves qu’il suffit de faire la meche égale à un cercle inscrit entre les six torons, ou, ce qui est la même chose, égal à un des torons, fig. 8.

Maniere de placer les meches. Il ne suffit pas de savoir de quelle grosseur doivent être les meches, il faut les placer le plus avantageusement qu’il est possible dans l’axe des cordages ; pour cela on fait ordinairement passer cette meche dans un trou de tarriere qui traverse l’axe du toupin, & on l’arrête seulement par un de ses bouts à l’extrémité de la grande manivelle du quarré, de façon qu’elle soit placée entre les quatre torons qui doivent l’envelopper. Moyennant cette précaution, la meche se présente toûjours au milieu des quatre torons, elle se place