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qui est un catalogue raisonné des coûtumes par ordre chronologique.

Enfin plusieurs auteurs ont fait divers traités sur certains titres, articles, ou matieres dépendantes des coûtumes.

On a vû que chez les Romains les coûtumes n’étoient point écrites ; elles imitoient néanmoins les lois écrites, les interprétoient, & quelquefois même les corrigeoient & abrogeoient, tant par un non-usage de la loi écrite, que par un usage contraire qui y succédoit, & qui acquéroit force de loi : tels sont les principes que l’on trouve dans les lois 36. & 37. ff. de legibus.

Il n’en est pas tout-à-fait de même parmi nous : on appelle usage toute coûtume qui n’est point écrite, & l’on ne reconnoît de coûtume proprement dite, que celle qui est rédigée par écrit & autorisée par le prince.

L’usage est considéré comme le meilleur interprete des lois ; nous avons même des usages non-écrits qui ont en quelque sorte force de loi : mais tout cela n’a lieu qu’autant qu’ils ne sont point contraires à une loi subsistante.

A l’égard des coûtumes, depuis que l’ordonnance de 1667 a abrogé les enquêtes par turbes, on n’admet plus les parties à la preuve d’une coûtume non-écrite.

Il ne suffit même pas parmi nous, pour la validité d’une coûtume, qu’elle soit rédigée par écrit ; il faut qu’elle l’ait été par l’autorité du prince : car il n’en est pas ici comme anciennement chez les Romains, où le peuple avoit le pouvoir de faire des lois. En France, toute la puissance législative réside en la personne du Roi, & lui seul peut donner force de loi aux coûtumes. Les députés des trois états des provinces ne peuvent s’assembler que par son ordre ; leurs mémoires & cahiers, les dires & observations qu’ils font dans les procès-verbaux de rédaction, ne sont que des avis auxquels les commissaires du Roi ont tel égard que de raison : ce sont les commissaires du Roi qui arrêtent les articles, en vertu du pouvoir qui leur en est donné par les lettres patentes & par leur commission ; & si la difficulté est trop grande & mérite une instruction en forme, ils doivent renvoyer les parties au parlement ; la coûtume subsistant néanmoins par provision, comme il est dit dans les lettres patentes données à Moulins le 2 Septembre 1497, portant commission à Thibault Baillet président au parlement de Paris, & autres, pour faire publier dans chaque bailliage & sénéchaussée, les coûtumes qui étoient arrêtées par les commissaires du Roi.

Lorsque les coûtumes sont arrêtées par les commissaires du Roi, il faut qu’elles soient enregistrées au parlement ; car la loi ne prend son exécution que dû jour de la publicité qu’elle acquiert par l’enregistrement.

Quand une coûtume est ainsi revêtue de l’autorité publique, elle tient lieu de loi pour tous ceux qui lui sont soûmis, soit par rapport à leurs personnes, ou par rapport aux biens qu’ils possedent sous l’empire de cette coûtume.

Toutes personnes, de quelque qualité qu’elles soient, sont soûmises à la coûtume, les mineurs comme les majeurs, les nobles comme les rôturiers, les ecclésiastiques, les hôpitaux, les princes ; le Roi lui-même s’y soûmet, de même qu’aux autres lois.

Le parlement peut déclarer nulles de prétendues coûtumes qui ne sont point revêtues des formalités nécessaires, pour leur donner le caractere de loi ; & il y en a plusieurs exemples assez récents.

Hors ce cas, tous juges sont tenus de juger conformément aux coûtumes.

Le Roi peut y déroger par une ordonnance con-

traire, & n’a pas besoin pour cela du consentement

des états de la province.

Les particuliers peuvent aussi, par leurs conventions & autres dispositions, déroger pour ce qui les concerne, aux dispositions des coûtumes, pourvû qu’elles ne soient que positives ou négatives, & non pas prohibitives.

On appelle disposition positive ou négative d’une coûtume, celle qui regle les choses d’une façon, sans néanmoins défendre de les régler autrement, soit que cette disposition soit conçûe en termes négatifs ou en termes positifs seulement, ou même absolus & impératifs.

Par exemple, l’article 220 de la coûtume de Paris qui porte, que homme & femme conjoints ensemble par mariage, sont communs en biens, &c. est une disposition conçûe en termes simplement positifs, ou même, si l’on veut, absolus & impératifs ; mais il n’est pas défendu par la coûtume d’exclure cette communauté : la disposition n’est pas prohibitive.

L’article 389. de la coûtume de Normandie, qui dit au contraire, que les personnes conjointes par mariage ne sont communs en biens, &c. est conçû en termes négatifs ; néanmoins il n’est pas non plus prohibitif, c’est pourquoi on peut stipuler qu’il y aura communauté.

Les dispositions de coûtumes qu’on appelle prohibitives, sont celles qui défendent de disposer autrement qu’il n’est reglé par la coûtume, soit que la disposition de la coûtume soit conçûe en termes négatifs, ne peut, ou autres termes équipollens.

Par exemple, dans la coûtume de Paris, l’article 292 qui permet de disposer par testament des meubles & acquêts, & du quint des propres, & non plus avant, est prohibitif pour la quotité que l’on peut donner de ses propres.

De même en Normandie, l’article 330 est prohibitif, négatif ; il porte que quelque accord ou convenant qui ait été fait par contrat de mariage, & en faveur d’icelui, les femmes ne peuvent avoir plus grande partie aux conquêts faits par le mari, que ce qui leur appartient par la coûtume, à laquelle les contractans ne peuvent déroger.

C’est une question fort controversée entre les auteurs, de savoir si les coûtumes sont le droit commun de la France, ou si c’est le droit Romain. La plûpart de ceux qui ont traité cette question, en ont parlé selon l’affection qu’ils avoient pour le droit Romain, ou pour le droit coûtumier : quelques auteurs surtout qui étoient originaires des pays de droit écrit, ont marqué trop de prévention pour la loi de leur pays.

Ce n’est pas que le droit Romain ne mérite toûjours beaucoup de considération, comme étant une loi fort sage ; mais par rapport à l’autorité qu’il doit avoir en France, il faut distinguer les tems & les lieux.

Avant la formation de nos coûtumes, le droit Romain a pû être considéré comme une loi générale pour toute la France ; mais depuis qu’il s’est établi des coûtumes dans plusieurs provinces, le droit Romain n’a plus eu le caractere de loi que pour les pays de droit écrit, où l’usage en a été continué.

Il y a bien quelques statuts & coûtumes locales dans les pays de droit écrit, tels que les statuts de Provence, les coûtumes de Toulouse & de Bordeaux ; mais ces coûtumes ne sont que des exceptions au droit Romain, qui forme le droit commun de ces pays.

Il y a mêmes quelques coûtumes, qui quoique qualifiées de générales, telles que celles du duché & du comté de Bourgogne, ne sont pareillement que des exceptions au droit Romain, que l’on doit suivre pour tous les cas qui ne sont pas prévûs dans ces coûtumes, ainsi qu’il est dit dans le préambule.