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payer certains impôts qu’on avoit voulu établir.

Jean XXII. voulant obtenir de Charles IV. dit le Bel, la permission de lever des décimes en France, lui accorda de sa part deux décimes, c’est-à-dire une levée proportionnelle au revenu des ecclésiastiques, qui devoit se faire pendant deux années consécutives.

La mort de Charles IV. étant arrivée en 1328, avant que ces décimes fussent entierement levées, Jean XXII. les confirma en faveur de Philippe VI. dit de Valois, successeur de Charles le Bel ; il lui en accorda encore d’autres vers l’an 1335, à l’occasion de la croisade projettée par Philippe VI. Benoît XII. lui accorda aussi en 1338 les décimes de deux années ; ce sont sans doute ces dernieres, dont il est parlé dans des lettres de ce prince du 5 Novembre 1343, où il regle en quelle monnoie on devoit lui payer les dixiemes ; c’est ainsi qu’il appelle les décimes que le pape lui avoit, dit-il, octroyées dernierement pour la nécessité de ses guerres. Enfin Clément VI. lui accorda encore en 1348, deux décimes pour les nécessités de l’état ; & dans une lettre que ce prince lui écrivit, il marque que les prélats & ceux qui composent son conseil lui ont dit qu’il pouvoit lever des decimes pour les besoins de l’état. Il y a lieu de croire que celles qu’il avoit déjà levées précédemment étoient aussi chacune pour plusieurs années, les historiens disant de ce prince qu’il chargea excessivement le clergé de décimes, pour subvenir à la nécessité de ses affaires.

Il y eut pareillement plusieurs levées de décimes sous le regne du roi Jean.

Il falloit qu’il y en eût déjà d’établies dès 1350 ; puisque dans des lettres de ce prince, du dernier Novembre de cette année, adressées au prieur de S. Martin des Champs, il est parlé des collecteurs & sous-collecteurs des décimes du pays de Languedoc.

Innocent V I. lui accorda en 1353 les décimes de deux années. Ces levées sont appellées dixiemes dans des lettres du roi Jean, de même que dans celles de Philippe VI.

Les trois états assemblés à Paris au mois de Mars 1355, ayant octroyé au même prince une aide pour la guerre contre les Anglois, il donna dans le même tems son ordonnance, portant que les gens d’église payeroient cette aide selon la valeur de leurs revenus, sauf que l’on n’estimeroit point leurs biens meubles ; que les revenus de leurs bénéfices seroient prisés selon le taux du dixieme ; que s’ils avoient rentes ou revenus de patrimoine ou autres que d’église, on en estimeroit la juste valeur comme pour les autres personnes ; que l’on auroit égard à la valeur de leurs revenus jusqu’à cinq mille livres, & non plus ; que pour le premier cent ils payeroient quatre livres, & pour chaque autre cent, 40 sols.

Que l’aide seroit payée de même par toutes sortes de religieux, hospitaliers, ou autres quelconques, excepté les mendians ; sauf que les religieux cloîtrés ne payeroient rien, mais seulement que les chefs des églises payeroient ainsi que ceux qui avoient rentes, revenus, ou qui auroient office ou administration.

Enfin, que toutes personnes d’église payeroient ce subside, & ne s’en pourroient exempter pour quelque privilége que ce fût ; de même qu’il payoit les dixiemes, que l’aide seroit ainsi payée par les religieux & nonnains qui auroient du moins dix livres de rente, & que ceux dont le revenu seroit au-dessous ne payeroient rien.

L’instruction qui fut envoyée pour la perception de cette aide, marque, par rapport aux gens d’église, que toutes personnes de cette qualité, exempts & non exempts, hospitaliers & autres quelconques ayant temporalité, payeroient pour cette année aux

termes ordonnés, un dixieme & demi de leurs revenus, selon le taux auquel leurs bénéfices étoient taxés au dixieme ; & pour les bénéfices non taxés, qu’ils payeroient de même suivant l’estimation ; & que les gens d’église qui auroient des rentes à vie, à volonté, ou à héritage, payeroient pareillement une dixieme & demie pour cette année.

Une partie des habitans du Limousin & des pays voisins ayant pareillement octroyé au roi Jean une aide pour les délivrer des ennemis qui étoient dans leur pays, le roi fit à ce sujet une ordonnance au mois de Juillet 1355, portant entr’autres choses que les gens d’église avoient avisé que tout homme d’église payeroit pour cette aide, une fois, telle somme qu’il avoit coûtume de payer pour une année à cause du dixieme ; & il est dit que c’étoit libéralement & pour charité en aumosne, sans compulsion & de leur bon gré ; ce qui annonce bien que les ecclésiastiques payoient sans que l’on fût obligé d’user contr’eux de contraintes, mais il ne s’ensuit pas de-là qu’ils ne fussent pas obligés de payer.

Le roi Jean fit encore une autre ordonnance au mois de Mai 1356, en conséquence d’une assemblée des états pour l’établissement de deux subsides qui devoient être payés consécutivement : elle porte que ces deux subsides seront payés par toutes sortes de personnes, gens d’église & autres, excepté les gens d’église payans dixieme : il paroît par-là que l’on qualifioit de dixiemes ou décimes les levées qui étoient faites sur le clergé du consentement du pape ; au lieu que les levées qui étoient faites de l’autorité seule du roi, tant sur le clergé que sur le reste du peuple, étoient seulement qualifiées d’aides ou subsides, lorsqu’elles n’étoient pas employées à des guerres saintes.

Il y eut plusieurs de ces aides levées sur le clergé pendant la captivité du roi Jean.

Le dauphin Charles régent du royaume, fit une ordonnance à Compiegne le 3 Mai 1358, en conséquence d’une assemblée des trois états du royaume de France de la Languedoil, portant établissement d’une aide pour la délivrance du roi & la défense du royaume ; au moyen de quoi toutes autres aides, impositions, dixiemes, & autres octroyés au roi ou au dauphin pour le fait de la guerre, devoient cesser, excepté ce qui pouvoit être dû des dixiemes octroyés par le pape sur les prélats & autres gens d’église, avant l’assemblée de Paris faite au mois de Février 1356, qui se leveroit par les ordinaires selon la forme des bulles sur ce faites.

Il est dit par la même ordonnance, que les gens d’église exempts & non exempts, hospitaliers, & autres de quelqu’état, condition ou religion qu’ils fussent, avoient octroyé au roi un plein & entier dixieme de tous leurs bénéfices taxés ; que quant aux bénéfices non taxés, les ordinaires y pourvoiroient de subside convenable, & le feroient lever par leur main, excepté toutefois les hospitaliers qui payeroient le dixieme entier de toutes leurs possessions & revenus, encore qu’ils ne fussent pas taxés.

Les trois états d’Artois, du Boulonnois, & du comté de Saint-Pol, octroyerent aussi en 1362 une aide pour la délivrance du roi Jean & de ses ôtages : ils en accorderent encore une autre pour la même cause en 1365. Les ecclésiastiques payoient ces aides de même que les précédentes ; en effet, Charles V. par une ordonnance du 27 Août 1365, leur accorda le privilége de ne pouvoir être contraints au payement de leur contingent que par les bras de l’Eglise ; mais il met cette restriction, à moins qu’il n’y eût négligence notable de la part des bras de l’Eglise, auquel cas il se réserve d’y pourvoir de remede convenable, avec le moins de dommage que faire se pourra.