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d’Auguste & de ses successeurs, ne furent faits que pour connoître leur puissance, & cimenter leur tyrannie. Mais que d’avantages naîtroient d’un dénombrement général des terres & des hommes, dans lequel on se proposeroit pour but d’étendre le commerce d’un état, le progrès des manufactures, la population, la circulation des richesses, d’établir une juste distribution des impôts, en un mot d’augmenter l’aisance & le bonheur des particuliers ! Que de connoissances différentes seroient acquises à la suite d’un dénombrement fait dans une si belle vûe ? que d’erreurs disparoîtroient ? que de vérités utiles prendroient leur place ?

Il résulte au moins de ce détail, que la critique & l’étude de l’histoire profane, outre leur utilité particuliere, donnent des lumieres à la Théologie pour l’intelligence de l’Ecriture-sainte ; & il est important de le remarquer, afin de ranimer, s’il est possible, le goût de l’érudition prêt à s’éteindre dans un siecle dominé par la paresse, & par l’attachement aux choses frivoles qui ne coûtent ni soin ni peine. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Dénombrement, (Jurisp.) appellé par Dumolin renovatio feudi, est une déclaration par écrit que le vassal donne à son seigneur, du fief & de toutes ses dépendances, qu’il tient de lui en foi & hommage.

On l’appelle aussi aveu, & quelquefois aveu & dénombrement, comme si ces termes étoient absolument synonymes ; cependant le terme de dénombrement ajoûte quelque chose à celui d’aveu, lequel semble se rapporter principalement à la reconnoissance générale qui est au commencement de l’acte : au lieu que le terme de dénombrement se rapporte singulierement au détail qui est fait ensuite des dépendances du fief.

L’objet pour lequel on oblige le vassal de donner un denombrement, est que la foi & hommage suffiroit bien pour conserver la mouvance en général ; mais sans l’aveu on n’en connoitroit point les droits, & il pourroit s’en perdre plusieurs.

Le dénombrement doit être donné par le vassal, c’est-à-dire par le propriétaire du fief servant, & non par l’usufruitier.

Si le fief servant appartient par indivis à plusieurs personnes, ils doivent tous donner ensemble leur aveu ; & supposé que quelqu’un d’eux eût négligé de le faire, un autre peut donner son aveu pour la totalité, afin de ne pas souffrir de la négligence de son co propriétaire.

Si le fief servant est partagé, chacun des propriétaires donne son aveu séparément.

Le tuteur qui a obtenu souffrance pour ses mineurs, doit donner son dénombrement quarante jours après ; & les mineurs à leur majorité n’en doivent pas d’autre : il suffit qu’ils ratifient celui de tuteur.

Le mari peut donner seul son aveu pour un fief de la communauté ; mais si c’est un propre de la femme, il faut qu’elle signe l’aveu, autorisée à cet effet par son mari.

Le gardien n’est pas obligé de donner un aveu, parce qu’il n’est qu’usufruitier.

L’aveu & le dénombrement est dû au seigneur dominant à toutes les mutations de vassal. Il n’en est pas dû aux mutations de seigneur ; si le nouveau seigneur en veut avoir un, il le peut demander : mais en ce cas l’acte est à ses dépens.

La foi & hommage doit toûjours précéder le dénombrement ; mais l’acte de la foi & hommage peut contenir aussi le dénombrement.

Le vassal n’a que quarante jours pour le fournir, à compter du jour qu’il a été reçû en foi & hommage.

Le seigneur dominant peut saisir le fief servant,

faute de dénombrement : mais cette saisie n’emporte pas perte de fruits.

Quand le vassal n’a point connoissance de ce qui compose son fief, il peut obliger le seigneur de l’aider de ses titres, & de lui donner copie des anciens dénombremens : le tout néanmoins aux frais du vassal.

Le dénombrement doit être donné par écrit.

Il faut qu’il soit sur parchemin timbré dans les pays où l’on se sert de papier timbré.

L’acte doit être passé devant deux notaires, ou un notaire & deux témoins.

Il doit contenir un détail du fief article par article ; marquer le nom du fief, s’il en a un, la paroisse & le lieu où il est situé ; la justice, s’il y en a une ; le chef-lieu ou principal manoir ; les autres bâtimens qui en dépendent ; les terres, prés, bois, vignes, étangs, dixmes, champarts, cens, rentes, servitudes, corvées, arriere-fiefs ; & autres droits, comme de bannalité, de péage, forage, &c.

Le nouveau dénombrement doit être conforme aux anciens autant que faire se peut ; mais si le vassal ne joüit plus de tout ce qui étoit dans les anciens, il n’est pas obligé de le reconnoître.

Le vassal doit signer le dénombrement, ou le faire signer par un sonde de procuration spéciale.

Le seigneur peut se contenter d’un dénombrement sur papier commun & sous seing privé ; l’acte est également obligatoire contre le vassal, mais il n’est pas authentique.

Les anciens aveux ne sont point la plûpart revêtus de tant de formalités que ceux d’aujourd’hui ; ils ne laissent pas d’être valables, pourvû qu’ils soient revêtus des formalités qui étoient usitées lors de la passation de l’acte.

Lorsqu’il s’agit d’établir quelque droit onéreux par le moyen d’un seul aveu, il faut que cet aveu pour être réputé ancien, ait du moins cent ans. Il y a néanmoins quelquefois des aveux moins anciens auxquels on a égard : cela dépend des circonstances & de la prudence du juge.

Il est libre au vassal de ne donner qu’un seul aveu pour plusieurs fiefs, lorsqu’ils relevent tous du même seigneur, & à cause d’une même seigneurie.

Le nouveau dénombrement doit être donné au propriétaire du fief dominant ; s’ils sont plusieurs, on le donne à l’aîné, ou à celui qui a la principale portion.

Le vassal peut l’envoyer par un fondé de procuration spéciale.

Si le seigneur est absent, on donne l’aveu à son procureur-fiscal ; & en cas d’absence de l’un & de l’autre, on dresse procès-verbal.

Il est à-propos que le vassal en remettant son dénombrement en tire une reconnoissance par écrit.

Les aveux & dénombremens dûs au Roi doivent être présentés à la chambre des comptes pour les fiefs qui sont dans l’étendue du bureau des thrésoriers de France de Paris. A l’égard des autres, la chambre en renvoye la vérification aux bureaux du ressort, après quoi ils sont reçûs en la chambre.

Le dénombrement étant présenté, le seigneur doit le recevoir ou le blâmer dans les quarante jours suivans, c’est-à-dire déclarer qu’il en est content, ou bien le débattre & le contredire dans les articles où il est défectueux. Voyez Blame.

On met ordinairement dans les aveux la clause, sauf à augmenter ou diminuer ; & quand elle n’y seroit pas, elle y est toûjours sousentendue : de sorte que le vassal peut en tout tems ajoûter à son aveu ce qu’il a omis. Mais s’il veut le diminuer ou le réformer en quelque point au préjudice du seigneur, & que celui-ci s’y oppose, il faut que le vassal obtienne des lettres de rescision contre son aveu.

Quand le dénombrement est en forme authentique,