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pas tant ; mais elle demande plus de tems, & n’est guere commode dans les départs en grand, parce qu’il faut beaucoup de place & un grand nombre de vaisseaux : ainsi elle n’a son utilité que dans les petits départs. Il faut pour cette précipitation des vaisseaux de verre, ce sont les meilleurs ; ou des terrines de grais bien cuites & presque vitrifiées : celles d’un grais poreux ou tendre ne résistent pas long-tems, & sont bientôt percées. On remplit ces vaisseaux d’eau douce, de maniere cependant qu’il y ait de la place pour une septieme partie, qui est l’eau-forte chargée d’argent, qu’on doit y verser aussi. Dès que ces deux liqueurs y sont, on y suspend avec une ficelle des lames de cuivre rouge qui ne soient ni sales ni grasses : on les laisse en repos dans le même endroit, jusqu’à ce que tout l’argent soit précipité, ce qui n’arrive qu’au bout de sept à huit jours, sur-tout quand on ménage le cuivre, & qu’on ne veut pas y en mettre beaucoup à la fois. Il est bon aussi de profiter du petit avantage qui peut résulter de la chaleur de la dissolution d’argent, en la versant toute chaude dans l’eau des terrines, laquelle par ce moyen prendra un degré de chaleur incapable de les casser. Mais il faut avoir attention de verser cette eau-forte presque bouillante, au milieu de l’eau, & non vers les bords du vaisseau, parce que la grande chaleur le feroit casser. Cette chaleur douce accélerera un peu la précipitation de l’argent sur les lames du cuivre.

On essaie par les grains de sel, si tout l’argent est précipité, comme on l’a enseigné ci-devant ; & si la précipitation est achevée, on décante l’eau des terrines. Quant à la chaux d’argent qui reste attachée aux lames de cuivre, on la fait tomber dans l’eau douce avec une gratte-bosse, ou avec une brosse de poil de sanglier fort court ; puis on les lave avec l’eau verte de la précipitation. En cas qu’on ne pût pas en détacher tout l’argent, on les garde pour une autre opération.

On met toute la chaux d’argent qu’on a précipitée par l’une ou l’autre méthode, dans une bassine de cuivre de capacité proportionnée ; on y verse de l’eau commune, & on la fait bouillir pour en enlever toute l’acidité. Le chauderon ou bassine de cuivre dont on s’est servi pour la précipitation à chaud, peut être employé à l’édulcoration d’environ cent marcs d’argent. Quand la chaux à resté assez longtems dans l’eau bouillante, on ôte le vaisseau du feu, pour la laisser déposer, puis on verse l’eau par inclinaison : on répete trois ou quatre fois la même chose, en changeant d’eau à chaque fois, afin d’enlever toute l’acidité du dissolvant. Plus on a soin de laver cette chaux pour l’adoucir, plus elle devient légere ; ainsi vers la fin des lotions on ne doit pas se presser de décanter l’eau, que cette chaux ne soit bien déposée. Ces lotions étant finies, on met la bassine de côté, afin que le peu d’eau qui reste se rassemble, & que l’argent soit mieux égoutté. On fait des pelotes de cette chaux, & l’on met sur un filtre ce qui en reste de trop humide. Ce filtre se fait, comme on sait, avec des plumes à écrire, qu’on rassemble en forme de cone avec un fil d’archal, & on le garnit de papier à filtrer. Comme la matiere que l’on met dessus est pesante, on place le filtre dans un entonnoir de verre ; on met de petits brins de bouleau ou de paille entre deux, afin que l’eau filtre mieux. Cet entonnoir étant ainsi préparé, on le pose sur un vaisseau de verre ou de terre. Si l’on a beaucoup d’argent à dessécher de cette maniere, on peut ôter de celui qui est au milieu du filtre, pour faire place à d’autre ; mais il faut prendre garde d’endommager le papier. Lorsque l’eau du filtre est écoulée, on met aussi cette chaux d’argent en pelotes, & on les fait sécher au soleil ou dans un lieu chaud. Si l’on veut

aller plus vîte, on les fait sécher dans un creuset à petit feu, puis on fait fondre l’argent au fourneau à vent ; mais il faut en conduire le feu doucement, pour donner le tems à l’argent de rougir avant que de fondre : lorsqu’il est bien fondu, on le coule dans un cone ou dans une lingotiere de fer, chauffés & graissés avec du suif ; aussi-tôt qu’ils sont coulés, on jette dessus du poussier de charbon tamisé. Le marc d’argent fondu, provenant de la chaux précipitée par le cuivre, contient ordinairement depuis sept onces & demie & six grains, jusqu’à sept onces & demie & douze grains de fin. Si l’on veut porter cet argent à un plus haut titre, on y réussit par le raffinage. Voyez Raffinage.

Le départ est proprement fini lorsque l’on a séparé l’or & l’argent, & qu’on a ramassé chacun de ces métaux en culot ou en lingot, comme nous venons de l’enseigner. Il est cependant une opération d’œconomie que le départeur doit savoir exécuter, savoir la reprise du cuivre, qui se fait ordinairement par la précipitation avec le fer. Cette méthode est fort simple ; on n’a qu’à jetter dans des baquets de bois à demi remplis de vieilles ferrailles les moins rouillées qu’il est possible, la dissolution de cuivre décantée de dessus la chaux d’argent, encore chaude si l’on le peut commodément, & à mesure que l’on en a. Cette dissolution de cuivre s’appelle eau seconde ou verte, dans le langage des ouvriers. On doit laisser cette eau verte dans les baquets, jusqu’à ce qu’un morceau de fer poli trempé dedans pendant quelques minutes ne se couvre d’aucune particule de cuivre. Alors on décante cette liqueur qui est une dissolution de fer, on la rejette comme très-inutile, & l’on sépare le cuivre du vieux fer par le moyen de l’eau commune qu’on jette dans le baquet, dans laquelle on lave ce fer en le roulant fortement dans cette eau qu’on verse sur le champ à grands flots en agitant toûjours : on ramasse ensuite le cuivre qu’elle a entraîné & qui s’est déposé par le repos, & on le fond selon l’art.

Dans ces reprises de l’argent & du cuivre toute l’eau-forte est perdue. On trouve dans les Mém. de l’acad. royale des Scienc. ann. 1728, un moyen de la conserver, qui avoit été communiqué à M. Dufay par Antoine Amand, qui consiste à retirer par la distillation une partie de l’eau-forte de l’eau seconde ou de l’eau verte. Mais comme on peut aussi-bien distiller l’eau-forte chargée d’argent, il paroit que c’est multiplier les manœuvres sans nécessité, que de précipiter l’argent par le cuivre pour distiller ensuite la dissolution de ce dernier métal. Et il ne paroît pas que l’avantage d’être exposé à une moindre perte par la fracture des cucurbites qui contiennent une dissolution de cuivre, que si ces vaisseaux étoient chargés d’une dissolution d’argent ; il ne paroît pas, dis-je, que cet avantage soit assez considérable pour que le procédé d’Amand puisse être regardé comme utile, quand même on retireroit plus d’eau-forte de la dissolution du cuivre que de la dissolution d’argent ; ce qui n’est point dit dans la description du procédé. Il paroît donc qu’on doit se borner à profiter de quelque circonstance de manuel, & des commodités de l’appareil, s’il y en a en effet, pour en perfectionner la distillation de la dissolution d’argent. Voyez les mémoires de l’acad. des Sciences, loc. cit. ou le Schlutter de M. Hellot, tome I. pag. 368.

Quoi qu’il en soit, voici comme on s’y prend pour retirer immédiatement une partie de l’eau-forte de la dissolution d’argent, en même tems qu’on retire l’argent. Ce qui suit est tiré de l’ouvrage de Schlutter, qui nous a tant fourni pour cet article.

Cette opération demande beaucoup d’attention, pour éviter que les cucurbites ne se cassent ; parce que l’argent dissout s’étant répandu, il faut le cher-