ou applique un qualificatif à un sujet, de quelque maniere que cette application se fasse.
J’ai dit sur-tout à quelque mode fini ; car l’infinitif est souvent pris pour un nom, je veux lire : & lors même qu’il est verbe, il forme un sens partiel avec un nom, & ce sens est exprimé par une énonciation qui est ou le sujet d’une proposition logique, ou le terme de l’action d’un verbe, ce qui est très-ordinaire en latin. Voici des exemples de l’un & de l’autre ; & premierement d’une énonciation, qui est le sujet d’une proposition logique. Ovide fait dire au noyer, qu’il est bien fâcheux pour lui de porter des fruits, nocet esse feracem ; mot à mot, être fertile est nuisible à moi, où vous voyez que ces mots, être fertile, font un sens total qui est le sujet de est nuisible, nocet. Et de même, magna ars est, non apparere artem ; mot à mot, l’art ne point paroître est un grand art : c’est un grand art de cacher l’art, de travailler de façon qu’on ne reconnoisse pas la peine que l’ouvrier a eue ; il faut qu’il semble que les choses se soient faites ainsi naturellement. Dans un autre sens cacher l’art, c’est ne pas donner lieu de se défier de quelque artifice ; ainsi l’art ne point paroître, voilà le sujet dont on dit que c’est un grand art. Te duci ad mortem, Catilina, jam pridem oportebat. (Cic. primo Catil.) mot à mot, toi être mené à la mort, est ce qu’on auroit dû faire il y a long-tems. Toi être mené à la mort, voilà le sujet : & quelques lignes après Cicéron ajoûte, interfectum te esse Catilina convenit : toi être tué Catilina convient à la république : toi être tué, voilà le sujet ; convient à la république, c’est l’attribut. Hominem esse solum, non est bonum hominem esse solum ; voilà le sujet, non est bonum, c’est l’attribut.
2°. Ce sens formé par un nom avec un infinitif, est aussi fort souvent le terme de l’action d’un verbe : cupio me esse clementem : Cic. prim. Catil. sub initio. Cupio, je desire : & quoi ? me esse clementem, moi être indulgent : où vous voyez que me esse clementem fait un sens total qui est le terme de l’action de cupio. Cupio hoc nempe, me esse clementem. Il y a en latin un très-grand nombre d’exemples de ce sens total, formé par un nom avec un infinitif ; sens, qui étant équivalent à un nom, peut également être ou le sujet d’une proposition, ou le terme de l’action d’un verbe.
Ces sortes d’énonciations qui déterminent un verbe, & qui en font une application, comme quand on dit je veux être sage ; être sage, détermine je veux : ces sortes d’énonciations, dis-je, ou de déterminations ne se font pas seulement par des infinitifs, elles se font aussi quelquefois par des propositions même, comme quand on dit, je ne sai qui a fait cela ; & en latin nescio quis fecit, nescio uter, &c.
Il y a donc des propositions ou énonciations qui ne servent qu’à expliquer ou à déterminer un mot d’une proposition précédente : mais avant que de parler de ces sortes de propositions, & de quitter la période, il ne sera pas inutile de faire les observations suivantes.
Chaque phrase ou assemblage de mots qui forme un sens partiel dans une période, & qui a une certaine étendue, est appellée membre de la période, χῶλον. Si le sens est énoncé en peu de mots, on l’appelle incise, χόμμα, segmen, incisum. Si tous les sens particuliers qui composent la période sont ainsi énoncés en peu de mots ; c’est le style coupé : c’est ce que Cicéron appelle incisim dicere, parler par incise. C’est ainsi, comme nous l’avons déjà vû, que M. Fléchier a dit : Turenne est mort ; la victoire s’arrête ; la fortune chancelle : tout le camp demeure immobile : voilà quatre propositions qui ne sont regardées que comme des incises, parce qu’elles sont courtes ; le style périodique employe des phrases plus longues.
Ainsi une période peut être composée, ou seulement de membres, ce qui arrive lorsque chaque membre a une certaine étendue ; ou seulement d’incises, lorsque chaque sens particulier est énoncé en peu de mots ; ou enfin une période est composée de membres & d’incises.
III. Proposition explicative, proposition déterminative. La proposition explicative est différente de la déterminative, en ce que celle qui ne sert qu’à expliquer un mot, laisse le mot dans toute sa valeur sans aucune restriction ; elle ne sert qu’à faire remarquer quelque propriété, quelque qualité de l’objet : par exemple, l’homme, qui est un animal raisonnable, devroit s’attacher à regler ses passions ; qui est un animal raisonnable, c’est une proposition explicative qui ne restreint point l’étendue du mot d’homme. L’on pourroit dire également, l’homme devroit s’attacher à regler ses passions : cette proposition explicative fait seulement remarquer en l’homme une propriété, qui est une raison qui devroit le porter à regler ses passions.
Mais si je dis, l’homme qui m’est venu voir ce matin, ou l’homme que nous venons de rencontrer, ou dont vous m’avez parlé, est fort savant ; ces trois propositions sont déterminatives ; chacune d’elles restreint la signification d’homme à un seul individu de l’espece humaine ; & je ne puis pas dire simplement l’homme est fort savant, parce que l’homme seroit pris alors dans toute son étendue, c’est-à-dire qu’il seroit dit de tous les individus de l’espece humaine. Les hommes qui sont créés pour aimer Dieu, ne doivent point s’attacher aux bagatelles ; qui sont créés pour aimer Dieu, voilà une proposition explicative, qui ne restreint point l’étendue du mot d’hommes. Les hommes qui sont complaisans se font aimer ; qui sont complaisans, c’est une proposition déterminative, qui restreint l’étendue d’hommes à ceux qui sont complaisans ; ensorte que l’attribut se font aimer n’est pas dit de tous les hommes, mais seulement de ceux qui sont complaisans.
Ces énonciations ou propositions, qui ne sont qu’explicatives ou déterminatives, sont communément liées aux mots qu’elles expliquent ou à ceux qu’elles déterminent par qui, ou par que, ou par dont, duquel, &c.
Elles sont liées par qui, lorsque ce mot est le sujet de la proposition explicative ou déterminative ; celui qui craint le Seigneur, &c. les jeunes gens qui étudient, &c.
Elles sont liées par que ; ce qui arrive en deux manieres.
1°. Ce mot que est souvent le terme de l’action du verbe qui suit : par exemple, le livre que je lis ; que est le terme de l’action de lire. C’est ainsi que dont, duquel, desquels, à qui, auquel, auxquels, servent aussi à lier les propositions, selon les rapports que ces pronoms relatifs ont avec les mots qui suivent.
2°. Ce mot que est encore souvent le représentatif de la proposition déterminative qui va suivre un verbe : je dis que ; que est d’abord le terme de l’action je dis, dico quod ; la proposition qui le suit est l’explication de que ; je dis que les gens de bien sont estimés. Ainsi il y a des propositions qui servent à expliquer ou à déterminer quelque mot avec lequel elles entrent ensuite dans la composition d’une période.
IV. Proposition principale, proposition incidente. Un mot n’a de rapport grammatical avec un autre mot, que dans la même proposition : il est donc essentiel de rapporter chaque mot à la proposition particuliere dont il fait partie, sur-tout quand le rapport des mots se trouve interrompu par quelque proposition incidente, ou par quelqu’incise ou sens détaché.
La proposition incidente est celle qui se trouve entre le sujet personnel & l’attribut d’une autre pro-