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mieres, & que l’habitude réitérée aide à renouveller continuellement les autres.

On vient de regarder jusqu’ici le dessein comme ayant pour but d’imiter les contours & les formes du corps humain, parce que c’est en effet dans l’art de peinture son objet le plus noble, le plus difficile, & que celui qui le remplit se trouve avoir acquis une facilité extrème à imiter les autres objets ; cependant quelques-uns de ces autres objets demandent une attention singuliere.

Les animaux veulent un soin particulier pour être dessinés correctement, & avec la grace & le caractere qui est propre à chacun d’eux ; ce sont des êtres animés sujets à des passions, & capables de mouvemens variés à l’infini : leurs parties different des nôtres dans les formes, dans les jointures, dans les emmanchemens. Il est nécessaire qu’un peintre fasse sur-tout des études d’après les animaux qui se trouvent plus liés avec les actions ordinaires des hommes, ou avec les sujets qu’il a dessein de traiter. Rien de plus ordinaire aux peintres d’histoire que l’obligation de représenter des chevaux ; on trouve cependant assez souvent à desirer sur ce point dans leurs plus beaux ouvrages. Il est à souhaiter que les jeunes artistes apprennent à en connoître bien l’anatomie ; ensuite des réflexions sur les mouvemens des parties qui les composent, leur fourniront assez de lumieres pour ne pas blesser la vraissemblance, & pour ne pas donner lieu de détourner par une critique légere l’attention qu’on doit au sujet qu’ils traitent.

Le paysage est encore une partie essentielle de l’art de dessiner. La liberté que donnent ses formes indéterminées, pourroit faire croire que l’étude de la nature seroit moins nécessaire pour cette partie ; cependant il est si facile de distinguer dans un dessein & dans un tableau un sit pris sur la nature de celui qui est composé d’imagination, qu’on ne peut douter du degré de perfection qu’ajoûte cette vérité qui se fait si bien sentir ; d’ailleurs quelqu’imagination qu’ait un artiste, il est difficile qu’il ne se repete, s’il n’a recours à la nature, cette source inépuisable de variété.

Les draperies, les fleurs, les fruits, tout enfin doit être dessiné, autant qu’on le peut, sur le naturel.

On se sert de differens moyens pour dessiner, qui sont tous bons quand ils remplissent l’objet qu’on s’est proposé. On dessine avec la sanguine, avec la pierre noire, avec la mine de plomb, avec la plume & l’encre de Chine. On se sert pour ombrer du pinceau & de l’estompe : on fait ainsi des desseins plus ou moins rendus, plus ou moins agréables, sur les fonds qu’on croit plus propres à son objet. Les pastels, même de différentes couleurs, servent à indiquer les tons qu’on a remarqués dans la nature. Enfin, l’art de dessiner embrasse une infinité de parties qui seront détaillées dans les articles & sous les noms qui pourront les rappeller ; tels sont l’effet des muscles, la pondération des corps, la justesse de l’action, la proportion des parties, le trait, les passions, les groupes : de même au mot Esquisse nous étendrons davantage ce que nous avons indiqué au commencement de cet article, sur les desseins regardés comme la premiere pensée des artistes. Cet article est de M. Watelet, receveur général des finances, & honoraire de l’académie royale de Peinture.

Dessein, est, en Musique, l’invention du sujet, la disposition de chaque partie, & l’ordonnance du tout.

Ce n’est pas assez que de faire de beaux chants & une bonne harmonie ; il faut lier tout cela à un sujet principal, auquel se rapportent toutes ces parties de l’ouvrage, & par lequel il soit un.

Cette unité doit se montrer dans le chant, dans le

mouvement, dans le caractere, dans l’harmonie, dans la modulation. Il faut que tout cela se rapporte à une idée générale qui le réunisse : la difficulté est d’associer ces préceptes avec la variété, sans laquelle tout devient ennuyeux. Sans doute le musicien, aussi-bien que le poëte & le peintre, peut tout oser en faveur de cette variété charmante, pourvû que sous prétexte de contraster, on ne nous donne pas pour des ouvrages bien dessinés des musiques toutes hachées & cousues de petits morceaux étranglés, & de caracteres si opposés que l’assemblage en fasse un tout monstrueux :

Non ut placidis coeant immitia, non at
Serpentes avibus geminentur, tigribus agni
.

C’est donc dans une distribution bien entendue, dans une juste proportion entre toutes les parties, & dans une sage combinaison des differens préceptes, que consiste la perfection du dessein ; & c’est en cette partie que les Musiciens Italiens ont souvent montré leur goût.

Ce que je dis du dessein général d’un ouvrage ; s’applique aussi en particulier à chaque morceau qui le compose ; ainsi l’on dessine un chœur, une ariette, un duo : pour cela, après avoir imaginé son sujet, on le distribue selon les regles d’une bonne modulation, & selon la modulation convenable, dans toutes les parties où il doit être entendu, avec une telle proportion qu’il ne s’efface point de l’esprit des auditeurs, & qu’il ne se représente pourtant jamais à leur oreille qu’avec les graces de la nouveauté ; c’est une faute de dessein de laisser oublier son sujet ; mais c’en est une plus grande de le poursuivre jusqu’à l’ennui. (S)

Dessein, en Architecture, est une représentation géométrale ou perspective sur le papier, de ce qu’on a projetté.

Dessein an trait, est celui qui est tracé au crayon ou à l’encre, sans aucune ombre.

Dessein lavé, est celui où les ombres sont marquées avec l’encre de la Chine.

Dessein arrêté, est celui qui est cotté pour l’exécution, & sur lequel a été fait le marché signé de l’entrepreneur & du propriétaire.

Le dessein peut être regardé comme le talent le plus essentiel à l’architecte ; c’est par son secours qu’on peut se rendre compte des formes qu’il convient de donner à chaque partie du bâtiment, relativement aux principes de la convenance. Sans le dessein, le génie le plus fécond & le plus ingénieux se trouve arrêté dans ses productions, & la nécessité dans laquelle se trouve le meilleur architecte d’ailleurs d’avoir recours à une main étrangere pour exprimer ses idées, ne sert souvent au contraire qu’à les énerver & produire un composé de parties estimables en elles-mêmes, mais qui faute d’être dessinées par l’architecte, ne produisent dans un bâtiment qu’un ensemble mal assorti.

Le dessein n’intéresse pas seulement l’architecte ; car sous ce nom on comprend en général la figure, l’ornement, l’architecture civile & militaire ; par cette raison on ne croit pas trop avancer de dire qu’il devroit entrer dans le plan de toute éducation ; chez les hommes du premier ordre, pour acquérir du goût, dont le dessein est l’ame ; chez les hommes bien nés pour leurs usages personnels, & chez les artisans pour avancer & se distinguer plus rapidement dans leur profession. Voyez un des discours que j’ai prononcé dans mes leçons publiques, sur la maniere de parvenir à l’étude des Sciences & des Arts, imprimé en 1748 chez Mariette. (P)

Desseins pour faire ornemens ou sur fleurs naturelles, comme sur des roses, giroflées, ou autres fleurs. Prenez du sel armoniac & le broyez avec du vinai-