Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/1018

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de plusieurs ouvrages, a différentes acceptions ; il se dit ou des ouvrages dans lesquels l’auteur traite ou effleure différens sujets, tels que les essais de Montaigne, ou des ouvrages dans lesquels l’auteur traite un sujet particulier, mais sans prétendre l’approfondir, ni l’épuiser, ni enfin le traiter en forme & avec tout le détail & toute la discussion que la matiere peut exiger. Un grand nombre d’ouvrages modernes portent le titre d’essai ; est-ce modestie de la part des auteurs ? est-ce une justice qu’ils se rendent ? C’est aux lecteurs à en juger. (O)

Essai, (Chimie métallurgique.) examen d’un minéral, dans lequel on a pour but de connoître les différentes substances qui entrent dans sa composition, & la quantité en laquelle elles y sont contenues. Telle est l’acception particuliere de ce nom en Chimie, où on l’employe encore dans un sens plus général, pour designer une expérience faite sur un objet de l’un des trois regnes, soit pour connoître la qualité des matieres dont il est composé, ce qui constitue la Chimie analytique ; soit pour savoir la quantité de chacune d’elles, condition qui caractérise proprement l’essai des minéraux, & le distingue de toute autre opération chimique, à l’exception pourtant de celles de la Métallurgie, avec laquelle il se trouveroit confondu, si l’on n’ajoûtoit à sa définition qu’il se fait sur de très-petites quantités de matieres, & avec un appareil, qui, en même tems qu’il est le plus en petit qu’il se puisse, répond au dessein qu’on a de connoître avec la plus grande exactitude les proportions des substances du corps examiné, au lieu que dans la Métallurgie les travaux se font si en grand qu’il peut en résulter de très-gros bénéfices. Il suit de ce que nous venons d’exposer, que les opérations des essais ne sont autre chose que l’analyse chimique de certains corps, à laquelle on applique le calcul. Leur point de réunion, ou plutôt ces mêmes opérations rassemblées en un corps de doctrine prennent le nom de Docimastique, qui signifie art des essais, art purement chimique, quoiqu’il puisse être isolé par l’exercice, de sa source comme les autres branches qui partent du même tronc, telles que la Teinture, la Peinture en émail, la Métallurgie, &c. il est vrai que la plûpart des auteurs ne l’ont pas toûjours regardé sous ce point de vûe ; c’est un reproche que l’on peut faire en particulier à M. Cramer. Cet illustre artiste, tout éclairé qu’il est, tombe là-dessus dans des contradictions perpétuelles. S’il eût été bien convaincu que la Docimastique n’est qu’une branche de la Chimie, comme il l’avance au commencement de sa préface, il n’eût pas intitulé son livre élemens de l’art des essais, selon la judicieuse remarque de M. Roüelle ; parce que les élémens de cet art doivent être puisés dans la Chimie, & ne sont en effet que cette science elle-même, dont les essais ne different qu’en ce qu’on y employe le calcul, & quelques instrumens particuliers nécessaires à son exactitude. Il ne se fût pas cru obligé de mettre à la tête de son livre une théorie, qui n’en est point une, puisqu’elle ne consiste presque qu’en une description des minéraux, qui appartient à l’Histoire naturelle, dont l’étude doit précéder celle de la Chimie ; d’instrumens, dont le plus grand nombre n’appartient qu’à la Chimie ; d’opérations, dont deux ou trois seulement sont strictement des essais, &c. Il eût supposé, comme il le devoit, que ceux qui vouloient exercer l’art des essais, devoient apporter à cette étude la connoissance préliminaire de l’Histoire naturelle & de la Chimie, sans entrer dans un détail de ces sciences, qui ne peut être d’aucune utilité aux commençans parce qu’il y est trop abstrait, & dont peuvent très-bien se passer ceux qui savent la Chimie, parce qu’ils n’y trouvent presque rien de neuf ; avec ces dispositions il eût

abrégé une bonne partie de ce qu’il appelle sa théorie, & eût pû s’étendre davantage du côté de la pratique, quoiqu’il soit assez complet de ce côté là, & qu’on n’y voie autre chose qu’une espece d’affectation à ne lui vouloir donner pas plus d’étendue qu’à sa théorie. Cependant ces legers défauts sont effacés par mille bonnes choses qui feront toûjours estimer son ouvrage, comme le premier que nous ayons en ce genre.

Avant Agricola, la docimastique dont Kiesling attribue l’invention au travail des mines, n’avoit existé que dans les laboratoires. Personne n’en avoit rien écrit ; les auteurs ne faisoient que la nommer : ainsi elle ne se communiquoit pour lors que par l’expérience, & elle passoit du maître à l’eleve sans que personne songeât à la transmettre autrement ; sans doute faute de modele à suivre dans ce genre. C’est lui qui le premier en a saisi l’esprit, & à qui l’on a l’obligation d’avoir comme tiré du chaos ce qu’on peut appeller la base de la Métallurgie. Auparavant, ceux qui cultivoient les essais étoient les mêmes qui exerçoient la Métallurgie, comme cela se pratique encore presque par-tout : car une fonderie ne va jamais sans un laboratoire d’essais ; & l’on connoissoit seulement si une roche contenoit une matiere métallique ou non, si elle recéloit plusieurs métaux, ou s’il n’y en avoit que pour un seul, & quelle en étoit à-peu-près la quantité ; on savoit séparer les parties qui contenoient le métal, d’avec celles qui n’en donnoient point ; & parmi celles-là, on distinguoit les plus riches : sans quoi l’on auroit risqué de dépenser inutilement des sommes immenses pour mettre sur pié les travaux de Métallurgie. Les Artistes occupés de cette science aujourd’hui, ne different nullement de ceux qui existoient du tems d’Agricola, M. Cramer leur fait le même reproche que cet auteur, & attribue à cette négligence l’ignorance où l’on est sur la nature de la plûpart des minéraux. Mais comment donner le goût des belles connoissances à des gens dont l’intérêt est l’unique mobile, & qui n’en ont d’ailleurs nulle idée, ou à qui le défaut d’éducation interdit cette acquisition ?

Les auteurs qui sont venus après Agricola, ont perfectionné ce qu’il n’avoit pour ainsi dire qu’ébauché. On est principalement redevable du degré de perfection où cet art a été porté de nos jours par MM. Cramer & Gellert son traducteur allemand, à Lazare Ercker, Modestin Fachs, à Shindler que l’illustre Stahl appelle ingénieux à juste titre, à Stahl lui-même, à Juncker, à Kiessing, & à Schlutter. On ne fait aucune mention des autres qui ont écrit sur cette matiere, quoiqu’en assez grand nombre ; parce qu’ils n’ont rien ajoûté à ceux qui les avoient précédés, ainsi que le remarque M. Cramer. Voyez Docimasie. Ercker étoit premier essayeur de l’empire d’Allemagne ; Modestin Fachs étoit essayeur des minéraux du prince d’Anhalt en Saxe : son ouvrage a été imprimé à Léipsick en 1567, & a eu plusieurs éditions. L’ouvrage de Shindler porte pour titre, traité des essais : celui de Kiesling est intitulé, relatio practica de arte procatoriâ mineralium & metallorum, Léipsick 1742 : il n’a fait que mettre en ordre & augmenter les leçons de Jean Schmieder professeur dans le laboratoire de sa majesté polonoise, après les avoir confirmées de ses propres expériences. L’ouvrage de Gellest a pour titre, chimie métallurgique, Léipsick 1750 ; il est scrupuleusement divisé, comme celui de M. Cramer, en deux parties, la premiere théorique, & la seconde pratique. Quant au livre de Schlutter, dont la traduction françoise vient d’être publiée par M. Hellot, il est entre les mains de tout le monde, ainsi que celui de M. Cramer dont j’ai donné la traduction depuis quelque tems. Le traité de Stahl se trouve dans ses opuscules : ce-