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chéneaux, à les réparer dans le besoin ; & comme il est lui-même pavé avec beaucoup de précaution, il conduit les eaux qu’ils peuvent avoir laissés filtrer, dans des tuyaux de descente destinés à leur écoulement. Le second, qui n’est proprement qu’une espece de galerie couverte, interrompue par les butes dans la saillie desquelles il a pratiqué des communications, est un passage pour arriver aux vitraux, pour les ouvrir, & pour les fermer ; & ces vitraux étant placés dans les lunettes de la voûte, la direction de la lumiere est telle qu’elle ne frappe que la croupe des chevaux. Quant aux jours du grenier au foin, ils sont au-dessus de ceux-ci. Enfin le troisieme corridor qui est fermé de toutes parts, est éclairé par des fenêtres percées dans le soubassement de l’édifice ; il communique avec l’écurie par autant d’ouvertures qu’il est de places cloisonnées, & avec le dehors, par des portes distribuées avec symmétrie dans l’ordre des fenêtres pratiquées : ces portes servent à pousser au-dehors les ordures & la poussiere dont on le nettoye, & ces ouvertures, à la distribution du fourrage nécessaire aux chevaux.

En considérant l’intérieur du bâtiment, on voit que M. Soufflot s’est à-peu-près conformé aux mesures que nous avons fixées, relativement à l’espace que doit occuper chaque cheval, & eu égard à l’étendue du terrein qui livre un passage derriere eux, & qui se trouve entre deux ruisseaux, suivans parallelement toute la longueur de l’écurie : chaque place est construite en plate forme. Nous avons, malgré les objections qui nous ont été faites, persévéré dans la préférence que nous donnons aux madriers sur le pavé, de quelque espece qu’il puisse être ; parce que nous ne croyons pas que l’expérience soit d’accord avec les idées de ceux qui prétendent que des chevaux sédentaires sur des planches, souffrent ensuite dans leur marche, & redoutent les terreins durs & pierreux. L’ongle du cheval en effet ne peut jamais que se ressentir du fer dont son contour est inférieurement garni, sur laquelle la masse repose, & qui garantit le pié de l’impression & du heurt direct de tous les corps quelconques qu’il rencontre : la seule partie de ce même ongle qu’il ne défend point, & qui n’est autre chose que la sole, n’est point exposée au contact du pavé ; car il en arriveroit des contusions, telles que celles qui ont lieu lorsque l’animal a cheminé sans fer, & que nous appellons sole battue : ainsi l’usage du plancher nous présente non seulement tous les avantages dont j’ai parlé, & qui ne peuvent être détruits ou balancés par aucun inconvénient, mais celui de garantir l’animal de l’humidité du terrein ; humidité qui perce toûjours, quelle que soit la litiere qu’on puisse faire.

M. Soufflot a appuyé les cloisons qui forment les séparations, d’une part, sur les trumeaux, & de l’autre, sur un pilier semblable à ceux qui servent communément à soûtenir les barres ; il en a élevé la partie, qui répond à la tête du cheval, jusqu’à la hauteur de la traverse supérieure du ratelier. Ce sacrifice de la beauté du coup-d’œil lui a d’autant moins coûté, qu’il importoit à la sûreté des chevaux, qui dès-lors ne sauroient s’entremordre, porter la tête hors de l’intervalle qui leur est assigné, se gratter, se frotter, &c. & il l’a d’ailleurs habilement compensé, puisqu’il met toutes les croupes à la portée de la vûe, en contournant supérieurement ces cloisons en une doucine terminée par la boule des piliers, dans lesquels elles sont engagées.

L’auge est de pierre. Les carnes en sont exactement abattues & arrondies. Le milieu de chacun des piés droits qui la soûtiennent, répond à chaque cloison, & contribue à l’affermir. Il a donné à ce canal, dont la profondeur est telle que celle que j’ai désignée, une legere pente de chaque côté ; & au moyen

d’un réservoir placé dans le milieu de l’écurie, un seul homme peut dans un moment, en tournant un robinet, le remplir d’eau pour abreuver tout un rang de chevaux, & l’en desemplir ensuite, en tournant à chaque extrémité la clé d’un autre robinet, par lequel cette même eau, dont on peut encore profiter de la retraite pour laver exactement l’auge, sera bien-tôt écoulée.

Ici les rateliers ne sont point saillans ; il en est un pour chaque cheval à fleur de mur, & placé entre deux trumeaux qui laissent un enfoncement capable de contenir le fourrage que l’on distribue de dehors.

Pour donner l’intelligence de la maniere dont se fait ce service, j’observerai d’abord que M. Soufflot a creusé dans l’épaisseur des buttes qui sont entre chaque fenêtre, des puits ou couloirs. Les uns partent du corridor supérieur, & renferment les tuyaux de descente des eaux pluviales ; les autres, qui répondent inférieurement au corridor le plus bas, & supérieurement au fenil, par un passage terminé par une mardelle, par-dessus laquelle on jette librement le fourrage, servent à couler également & le foin & l’avoine jusque sur ce même corridor, qui n’en est point embarrassé, puisque les bottes de foin & l’avoine ne sauroient s’y répandre, & n’en sortent qu’autant & à mesure que les palefreniers les en tirent.

Les enfoncemens ou les especes de niches fermées dans l’intérieur de l’écurie par les rateliers, & du côté du corridor, par des portes qui ne s’ouvrent qu’à la hauteur de la traverse supérieure de ces mêmes rateliers, sont le lieu dans lequel chaque portion nécessaire à l’animal est déposée. Un glacis, qui du haut de la paroi postérieure de l’auge incline dans le corridor, laisse échapper au-dehors la poussiere du fourrage, inférieurement soûtenu par un grillage dont la largeur égale la profondeur des niches.

M. Soufflot indique encore un autre moyen. Il masqueroit en quelque façon ces mêmes niches ; la face du mur qui seroit ouverte en coulisse inclinée, & fermée du côté du corridor par un bon volet à double feuillure, descendroit jusque sur la traverse supérieure des rateliers, & le foin par son propre poids glisseroit dans cette coulisse contre leurs fuseaux ; la grille du fond seroit assemblée par charniere avec la traverse inférieure ; & il suffiroit au palefrenier de pouvoir y introduire la tête & les bras pour relever cette même grille contre le ratelier, à l’effet d’enlever toutes les ordures provenant des débris & de la poussiere du foin ou de la paille.

L’empire qu’usurpe l’habitude, la tyrannie qu’exerce l’usage, l’ascendant en un mot des vieilles erreurs sur l’esprit de la plûpart des hommes, sont autant d’obstacles à combattre lorsqu’on a le courage de s’écarter des routes ordinaires ; les innovations même les plus sensées les révoltent & les blessent. Celle-ci tend d’une part à maintenir la propreté de l’écurie, qui n’est par ce moyen semée d’aucun brin de foin, & la propreté des chevaux, dont ni les crins ni le corps ne peuvent être chargés de la poussiere du fourrage, comme quand on les sert de l’intérieur. D’un autre côté, elle obvie à la perte qui se fait de ce même fourrage, lorsqu’on est obligé de le jetter du fenil hors de l’édifice pour le transporter ensuite dans l’écurie, & pour le distribuer encore à chaque cheval ; elle supplée à ces communications dont une sage économie avoit suggeré l’idée, & que nous connoissons vulgairement sous le nom d’abat foin, mais qu’on ne pratique plus dans des constructions bien ordonnées, & qu’on n’apperçoit aujourd’hui que dans les écuries des hôtelleries, des cabarets, & de quelques particuliers ; en un mot elle pare au desagrément qui résulte, pour des personnes que la curiosité peut attirer, de la rencontre de nombre de palefreniers occupés du soin de distribuer chaque