Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans une déclaration du 12 Octobre 1602, ensorte néanmoins que les acquéreurs puissent retirer le denier vingt du prix de leur acquisition, & ne soient point chargés au-delà.

Jurisdiction du domaine. La forme de l’administration du domaine ne pourroit long-tems subsister, si elle n’étoit soûtenue par les lois établies pour sa conservation, & par les juges spécialement chargés d’y veiller, ce qui forme la jurisdiction du domaine.

On a exposé plusieurs des lois du domaine dans le détail des priviléges qui le concernent, & ce n’est point ici le lieu d’en faire une plus longue énumeration : mais on ne peut se dispenser de donner une idée des juges auxquels cette jurisdiction a été confiée.

On a mis au rang des priviléges les plus essentiels du domaine, le droit de ne pouvoir être soûmis à la justice des seigneurs particuliers, de n’être confié qu’aux juges royaux, & même d’avoir ses causes attribuées à certains juges royaux à l’exclusion de tous autres, soit en premiere instance, soit par appel.

Les thrésoriers de France connoissoient d’abord seuls des affaires domaniales dans toute l’étendue du royaume : mais le domaine s’étant augmenté par les différens duchés & autres seigneuries qui furent unies à la couronne, les thrésoriers de France souvent occupés près de la personne du roi, & ne pouvant toûjours vaquer par eux-mêmes à l’expédition des affaires contentieuses, en commettoient le soin à des personnes versées au fait de judicature, qui faisoient la fonction de conseillers, sans néanmoins en prendre le titre. On en voit dès 1356, d’abord au nombre de quatre, ensuite de six : le premier de ces juges commis par les thrésoriers de France étoit ordinairement un évêque ou autre grand seigneur. En 1380 l’évêque de Langres présidoit en qualité de conseiller super facto domanii regis : les jugemens & commissions émanés de ce juge étoient intitulés, les conseillers & thrésoriers au thrésor, comme on le voit par un ancien livre des causes par eux expédiées en 1379, & par le compte des changeurs du thrésor.

Comme il étoit peu convenable que la connoissance du domaine de la couronne fût confiée à des personnes privées & sans caractere, le roi, en 1388, donna deux adjoints aux thrésoriers de France, qui étoient alors au nombre de trois, & ordonna que deux d’entr’eux vaqueroient au fait de la distribution & gouvernement des deniers, & les trois autres à l’expédition des causes du domaine ; ensorte que l’on distingua depuis ce tems le thrésorier de France sur le fait des finances ou de la direction, & le thrésorier de France sur le fait de la justice.

Il y eut plusieurs changemens dans leur nombre jusqu’en 1412, qui sont peu importans à connoître. En cette année, sur les remontrances des états du royaume, il fut établi par le roi un clerc conseiller du thrésor, pour juger avec les thrésoriers de France les affaires contentieuses du domaine. Depuis ce tems les thrésoriers de France observerent entr’eux exactement de tenir deux séances différentes, l’une pour les affaires de finance ou de direction, que l’on ne traitoit plus qu’en la chambre de la finance, appellée depuis le bureau des finances ; l’autre pour les affaires contentieuses, qui se tenoit en une chambre appellée chambre de la justice, depuis chambre du thrésor.

Les registres les plus anciens de ces chambres font mention des officiers des deux chambres, & des dépenses faites pour les menues nécessités de l’une & de l’autre : on y trouve que le 3 Février 1413, un procureur s’étant présenté en la chambre des finances, pour demander aux thrésoriers de France la

main-levée de biens qu’ils avoient fait saisir sur un particulier, les thrésoriers de France répondirent qu’ils iroient incessamment tenir l’audience en la chambre de la justice, & qu’ils y feroient droit sur sa requête.

Le 25 Mars de la même année le roi créa un second conseiller du thrésor, reçu le 17 Avril suivant. Ses provisions portent qu’il est créé pour tenir l’auditoire & siége judiciaire au thrésor. Dans le procès-verbal de réception d’un autre conseiller, le 23 Avril 1417, il est dit qu’il fut installé au bureau de la justice & auditoire du thrésor, pour tenir & exercer le fait de la justice pour & au nom des thrésoriers de France.

En l’année 1446 le roi créa un troisieme office de conseiller du thrésor. Un quatrieme office fut créé le 4 Août 1463 ; & un cinquieme office le fut de même le 26 Septembre 1477. Enfin, par une déclaration du 13 Août 1496, le nombre des conseillers du thrésor fut fixé aux cinq qui étoient alors subsistans, & c’est à cette époque que l’on doit considérer l’établissement stable & permanent de la chambre du thrésor, depuis appellée chambre du domaine. Le nombre des officiers de cette chambre fut dans la suite porté à dix, par la création de trois nouveaux offices de conseillers du thrésor, par un édit du mois de Février 1543, & par celle postérieure d’un lieutenant général & d’un lieutenant particulier.

Pour connoître l’étendue de la jurisdiction de la chambre du thrésor, il faut considérer ses époques différentes depuis la déclaration du 13 Août 1496, que l’on peut regarder comme son premier âge. Par cette déclaration, la chambre du thrésor avoit le droit de connoître des affaires domaniales de tout le royaume. Tel étoit son territoire ; elle étoit l’unique tribunal où l’on pût porter ces sortes de contestations : mais comme les thrésoriers de France avoient exercé la jurisdiction du thrésor, & que cette jurisdiction étoit un démembrement de la leur, ils conserverent la prérogative de venir prendre place dans cette chambre, & d’y présider.

Le roi François I. parut donner atteinte à l’étendue de la jurisdiction de la chambre du thrésor par l’édit de Crémieu, de l’année 1536, qui est le commencement du second âge de cette chambre : cet édit renferme deux clauses qu’il est nécessaire d’observer : la premiere, l’attribution aux baillis & sénéchaux des causes du domaine : la seconde, la prévention qu’on y réserve dans son entier à la chambre du thrésor ; ainsi par cet édit la chambre du thrésor partage ses fonctions, & a des concurrens, mais conserve son territoire en entier : on ne borne point son étendue, & si on ne lui laisse point cette prévention & cette concurrence, elle est dépouillée entierement, on ne lui laisse aucune jurisdiction, ce qui est contraire aux termes de l’édit, qui l’a reservé en son entier. Par rapport aux thrésoriers de France, on n’en fait nulle mention dans cet édit : ils demeurent dans leur ancien état ; ils conservent leur séance d’honneur dans la jurisdiction du thrésor.

Le concours donné aux baillis & sénéchaux par l’édit de 1536, fut modéré par un édit du mois de Février 1543, qui est le commencement du troisieme âge de la chambre du thrésor. Cet édit rendit à cette chambre une partie de sa jurisdiction, en lui attribuant la privative dans l’étendue de dix bailliages, & lui conservant la prévention dans le reste du royaume.

Tel étoit l’état auquel les thrésoriers de France établis en corps de bureaux sous le titre de bureaux des finances, par un édit du mois de Juillet 1577, ont trouvé la chambre du thrésor lors de cet établissement. Il n’y eut aucun changement à cet égard jusqu’en l’année 1627. Par un édit donné au mois