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Les conséquences que nous venons de tirer des expériences précédentes, font connoître en général les lois que la nature observe dans les phénomenes de l’électricité, & dans la distribution qui se fait de la matiere électrique dans les différens corps ; on peut les regarder comme autant de principes, qui servent à expliquer la plus grande partie des effets surprenans de cette matiere, & à rendre raison de toutes les précautions qu’il faut prendre pour le succès des expériences : c’est pourquoi nous avons jugé à propos de faire précéder l’examen que nous allons faire des autres propriétés de cette matiere.

Le premier effet qui nous manifeste dans un corps la présence de la matiere électrique, est l’attraction des petits corps legers qu’on lui présente : les corps naturellement électriques peuvent attirer de tous les points de leur surface ; mais ils n’attirent guere que ceux qui ont été frotés, & leur attraction est toûjours dirigée suivant la ligne la plus courte : c’est ce qu’il est aisé de voir, en frotant un globe de verre, & en le plaçant au milieu d’un grand cercle de fer, garni dans sa circonférence de plusieurs brins de fil égaux, & plus courts que le rayon du cercle : tous ces fils qui devroient pendre parallelement par l’effet de leur gravité, seront dirigés vers le centre du globe, s’il a été froté sur son équateur, ou bien vers le centre de tout autre cercle parallele, que l’on aura froté ; comme s’ils étoient devenus des rayons de ces cercles. Un tube de verre, un bâton de cire d’Espagne, un morceau d’ambre, n’attirent jamais que par l e côté par lequel ils ont été frotés.

Mais les corps qui sont électrisés par communication attirent sensiblement de tous les points de leur surface. & il paroît autant qu’on en peut faire l’estimation par les effets, que leur force attractive est également répandue dans tous leurs points. On voit néanmoins que la matiere électrique se détermine plus facilement vers les angles & aux parties saillantes des barres qu’on électrise, qu’au milieu des surfaces planes : ainsi un globe de métal attire également de tous les points de sa superficie, & il en est de même d’un parallelepipede ; cependant l’attraction sera toûjours plus sensible aux angles de ce dernier corps, qu’au milieu d’une de ses longues surfaces : mais cette variété dans la force attractive ne dépend, suivant toute apparence, que de la figure ; car un tuyau de fer-blanc conique paroît attirer bien plus fortement par la circonférence de son plus grand cercle, que par sa pointe.

Le mouvement par lequel les corps legers tendent vers les corps électriques, est toûjours réciproque ; celui qui est le plus mobile, va constamment vers celui qui est fixe, & toûjours par le plus court chemin : s’ils sont mobiles tous les deux, ils s’avanceront l’un vers l’autre ; on va voir dans les expériences suivantes des exemples de ces différens mouvemens.

1°. Présentez un tube électrique à de petites feuilles d’or posées sur une plaque de cuivre polie, elles voleront aussi-tôt vers le tube.

2°. Suspendez un tube électrique par deux cordons de soie, de la longueur d’une aulne, & présentez-lui une feuille d’or, que vous tiendrez entre vos doigts, le tube s’avancera vers la feuille.

3°. Si une personne électrisée, & montée sur un pain de résine, tient dans sa main la plaque de cuivre poli, sur laquelle soient posées les feuilles d’or ; & qu’une autre personne, qui n’est point électrique, approche le doigt au-dessus de la plaque, on verra aussi-tôt les feuilles d’or, qui étoient devenues électriques par communication, se porter vers le doigt de la personne qui n’est point électrisée.

4°. Enfin si l’on suspend deux boules de papier doré, à six pouces de distance l’une de l’autre, la

premiere par un fil de soie de deux à trois piés, & l’autre par un fil d’argent très-fin & de même largeur ; & si on approche le tube de la boule qui est suspendue par de la soie pour l’électriser, ces deux boules s’avanceront l’une vers l’autre avec une égale vîtesse, quoiqu’il n’y en ait qu’une seule d’électrisée.

Tous les corps legers, excepté la flamme, sont attirés par les corps électriques, mais non pas tous avec la même force : les feuilles d’or, d’argent, de cuivre battu, & en général toutes les particules métalliques, amincies & rendues legeres, paroissent, toutes choses égales, être attirées plus vivement que les autres corps. Mais la matiere, & même la figure des corps sous lesquels on pose ces parties minces des métaux, apporte une grande différence dans les effets sensibles d’attraction ; ces supports doivent être parfaitement non électriques : & à cet égard, rien ne convient mieux que des plaques de métal poli ; ainsi, toutes choses égales, les feuilles d’or seront attirées bien plus vivement de dessus une plaque de cuivre poli, que l’on tiendra à la main, que de dessus une glace de même grandeur. L’élévation du support doit être proportionnée à l’étendue du corps électrique, & il est toûjours plus avantageux que ces supports soient élevés de deux ou trois piés de terre ; car on aura toûjours beaucoup plus de peine à attirer avec le tube, des feuilles d’or posées à terre sur une plaque de cuivre, que si cette même plaque étoit tenue à la main, ou portée par un guéridon de métal, d’un pié ou deux d’élévation. Par la même raison, si la tablette du guéridon est d’une très-petite surface, si elle est un peu convexe, les feuilles d’or seront encore mieux attirées, que si cette surface étoit large, ou qu’elle eût des rebords un peu élevés. L’expérience suivante va faire voir combien il est avantageux que les corps legers soient isolés, pour qu’ils soient attirés de plus loin. Si on met des feuilles d’or au milieu d’une plaque de cuivre d’un pié quarré, qui forme la tablette supérieure d’un guéridon de métal, & qu’on examine jusqu’à quelle distance on est obligé d’en approcher le tube électrique, pour qu’elles soient attirées ; on verra que cette distance sera toûjours beaucoup plus petite, que lorsque ces feuilles d’or seront posées sur un des angles de la plaque : & quand les feuilles d’or sont au milieu, si l’on pose autour d’elles un anneau de métal de cinq à six pouces de diametre, & d’un pouce ou deux d’épaisseur ; on aura beau approcher le tube électrique, on ne pourra jamais les attirer. La même chose arrivera, si au lieu de l’anneau on met d’équerre à droite & à gauche, à quatre ou cinq pouces de distance de ces feuilles, deux autres plaques quarrées de quatre pouces de hauteur environ (voyez la figure 80) ; jamais le tube ne pourra attirer les feuilles, à moins qu’on ne l’approche d’elles à la distance d’un demi-pouce : mais si pendant qu’on le présente à la distance d’un pié, quelqu’un ôte subitement l’anneau, ou les deux plaques posées d’équerre, les feuilles d’or voleront aussi-tôt vers le tube. Les conditions les plus favorables pour qu’un corps leger soit attiré, sont donc, 1°. qu’il soit parfaitement non électrique.

2°. Qu’il soit d’un très-petit volume.

3°. Qu’il soit supporté par un corps non électrique, presque terminé en pointe, & suffisamment élevé.

4°. Enfin, qu’il n’y ait point dans son voisinage d’autre corps non électrique plus près que lui du tube, qui puisse en détourner les émanations.

A l’attraction succede ordinairement la répulsion, c’est-à-dire, que lorsqu’une feuille d’or a été attirée par un tube, elle en est aussi-tôt repoussée, & s’en éloigne. Cette répulsion n’est guere sensible, quand