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ques gouttes d’une huile essentielle de citron, de canelle, de lavande, &c. sur du sucre en poudre ; ou bien on n’a qu’à froter des morceaux de sucre sur la peau d’une orange, d’un citron, &c. par-là le sucre se charge d’une huile essentielle aromatique, & lui donne des entraves qui l’empêchent de se dissiper aussi promptement qu’elle feroit sans cela. C’est-là le moyen qu’employent les Italiens, & sur-tout les Napolitains, pour donner à leurs fleurs artificielles les mêmes odeurs qu’ont les fleurs naturelles. Pour cela ils ne font que cacher un peu d’eleo-saccharum dans le calice de la fleur artificielle ; cependant à la fin la partie aromatique se dissipe.

Dans la Pharmacie on connoît l’eleo-saccharum carminativum, qui se fait en versant l’huile essentielle de camomille, vingt-quatre gouttes, sur douze onces de sucre blanc en poudre. Il y a aussi l’eleosaccharum de sassafras, qui se fait avec ʒ ij d’huile de sassafras, & ℥ vj de sucre blanc : on dit que c’est un bon remede pour les catarrhes. Voyez Woyt, Gazophylacium medico-physicum. (—)

ELEPHANT, elephas, s. m. (Hist. nat. Zool.) le plus grand de tous les animaux quadrupedes, & un des plus singuliers dans la conformation de plusieurs parties du corps. Planche I. figure 1. En considérant l’éléphant relativement à l’idée que nous avons de la justesse des proportions, il semble être mal proportionné & mal dessiné, pour ainsi dire, à cause de son corps gros & court, de ses jambes roides & mal formées, de ses piés ronds & tortus, de sa grosse tête, de ses petits yeux, & de ses grandes oreilles. On pourroit dire aussi que l’habit dont il paroît couvert, est encore plus mal taillé & plus mal fait. Sa trompe, ses défenses, ses piés, &c. le rendent aussi extraordinaire que la grandeur de sa taille. La description de ses parties, & l’histoire de leurs usages, ne donnera pas moins d’admiration que leur aspect cause de surprise.

Le roi de Portugal envoya en 1668 au roi de France un éléphant du royaume de Congo, âgé de dix-sept ans, & haut de six piés & demi depuis terre jusqu’au-dessus du dos. Il vécut dans la ménagerie de Versailles pendant treize ans, & ne grandit que d’un pié, sans doute parce que le changement de climat & de nourriture avoit retardé son accroissement ; ainsi il n’avoit que sept piés & demi de hauteur lorsque MM. de l’académie royale des Sciences en firent la description.

Le corps de cet animal avoit douze piés & demi de tour ; sa longueur étoit presqu’égale à sa hauteur. Il avoit depuis le front jusqu’au commencement de la queue, huit piés & demi, & trois piés & demi depuis le ventre jusqu’à terre. En prenant la mesure des jambes sur le squelette, on a trouvé que celles de devant avoient quatre piés & demi, & celles de derriere quatre piés huit pouces ; mais lorsque l’animal est revêtu de sa chair & de sa peau, les jambes de derriere paroissent plus courtes que celles de devant, parce qu’elles sont moins dégagées de la masse du corps : elles ressemblent plus à celles de l’homme qu’à celles de la plûpart des quadrupedes, en ce que le talon pose à terre, & que le pié est fort court. Les piés de l’éléphant dont il s’agit ici étoient si petits, qu’on ne les distinguoit pas des jambes, qui descendoient tout d’une venue jusqu’à terre, & dont la peau renfermoit les doigts des piés. La plante des piés de derriere avoit dix pouces de longueur, & celle des piés de devant, quatorze ; elle étoit garnie d’une corne en forme de semelle, qui étoit dure, solide & épaisse d’un pouce, & qui débordoit comme si elle avoit été écachée par le poids du corps, & formoit quelques ongles mal figurés : il n’y en avoit que trois à chaque pié, cependant il s’est trouvé cinq doigts dans le squelette ; mais ils étoient recou-

verts par la peau, & n’avoient aucun rapport avec

les ongles. La corne, que l’on a comparée à une semelle, formoit encore d’autres prolongemens que l’on auroit pû prendre pour des ongles. Il y a lieu de croire que cette partie varie dans différens individus, comme nous le ferons voir dans la suite. La queue étoit menue & pointue ; elle avoit deux piés & demi de longueur, & étoit terminée par une houpe de gros poils longs de trois à quatre pouces. Cet éléphant étoit femelle ; l’orifice extérieur de la matrice se trouvoit placé au milieu du ventre près du nombril, à l’extrémité d’un conduit qui formoit une éminence qui s’étendoit depuis l’anus jusqu’à la vulve, & qui renfermoit un clitoris de deux piés & demi de longueur, & de deux pouces de diametre ; de sorte qu’on l’auroit pris, avant la dissection, pour une verge, parce que cette partie est située de la même façon dans la plûpart des quadrupedes. Il y avoit sur la poitrine deux mammelles, les mammelons étoient petits. La tête étoit grande ; elle avoit deux bosses par derriere, & un creux entre deux. Le cou étoit court, le front large, les yeux petits, la bouche étroite, & presque cachée sous le menton ; la machoire inférieure fort pointue, & les oreilles deux fois plus grandes à proportion que celles d’un âne ; elles avoient trois piés de hauteur, deux piés de largeur, & seulement deux lignes d’épaisseur : leur figure approchoit de l’ovale, & elles étoient collées contre la tête, comme celles de l’homme, & s’étendoient en-arriere. On voit par leurs dimensions qu’aucun animal n’a les oreilles à proportion aussi grandes que l’éléphant. La trompe avoit cinq piés trois pouces de longueur après la mort de l’animal, neuf pouces de diametre à sa racine, & trois vers l’extrémité, qui s’élargissoit comme le haut d’un vase, & formoit un rebord dont la partie de dessous étoit plus épaisse que les côtés. Ce rebord s’allongeoit par le dessus en maniere d’un bout de doigt : tout le rebord formoit comme une petite tasse, au fond de laquelle étoient les narines ; aussi la racine de la trompe sort de l’endroit qui correspond à celui des narines dans les autres quadrupedes. Les défenses avoient deux piés de longueur & quatre pouces de diametre vers leur racine ; elles étoient un peu recourbées en-haut, & sortoient de la machoire supérieure, à cinq pouces au-dessus du bord de la levre : il n’y avoit que huit dents, quatre en chaque machoire, deux de chaque côté ; la longueur de la plus grosse étoit de quatre pouces, la largeur d’un pouce & demi. Il se trouvoit sur la peau des crins ou des soies plus grosses que celles des sangliers ; elles étoient noires-luisantes, d’une grosseur égale depuis la racine jusqu’au bout, qui paroissoit coupé : il y en avoit peu, & seulement sur quelques parties ; savoir la trompe, les paupieres, & la queue d’un bout à l’autre, jusqu’à la houpe de l’extrémité. La longueur des soies de la trompe étoit d’un pouce & demi. La peau avoit des rides de deux especes ; les unes étoient des lignes creusées comme nous les avons au-dedans des mains ; les autres étoient élevées comme elles le sont au-dessus des mains aux personnes vieilles & maigres. Les rides rendoient la peau de l’éléphant fort vilaine, étant couverte d’un épiderme gris-brun, épais en plusieurs endroits, calleux, couvert de crasse, & comme déchiré par une infinité de gersures. Voyez les mém. pour servir à l’histoire naturelle des animaux, dressés par M. Perrault, troisieme partie.

Les éléphans se trouvent en Asie & en Afrique. Ceux de l’Asie sont les plus grands ; on prétend qu’ils ont jusqu’à treize, quatorze ou quinze piés, & même plus, de hauteur depuis terre jusqu’au-dessus du dos. On a vû des défenses qui pesoient cent soixante livres : sans doute elles venoient des éléphans d’Asie, car on assûre qu’il y en a du poids de deux cents li-