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1°. Quand la chose se prend pour une personne ; si la vertu paroissoit à nos yeux avec toutes ses graces, nous serions tous charmés d’elle. 2°. Quand le mot elle est entrelacé dans la période & ne finit point le discours : ainsi je pourrois dire alors en parlant de la Philosophie, de toutes les Sciences c’est la plus utile ; c’est d’elle que les hommes ont appris à vivre ; c’est à elle qu’ils doivent leurs plus belles connoissances. 3°. Le pronom elle peut finir le discours, quand la phrase qu’on employe a rapport aux personnes : Il ne faut pas s’étonner, dit M. de la Rochefoucault en parlant de l’amour propre, s’il se joint quelquefois à la plus rude austérité, & s’il entre si hardiment en société avec elle. Le même écrivain a pû dire selon ce principe : la Philosophie triomphe aisément des maux passés, & de ceux qui ne sont pas prêts d’arriver ; mais les maux présens triomphent d’elle. Bouhours, remarques sur la langue françoise. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ELLÉBORE, (Botaniq.) veratrum, plante médicinale, émétique & cathartique, dont les Botanistes ont établi deux genres sous le nom d’ellébore blanc, & d’ellébore noir. Nous allons parler de ces deux genres & de leurs especes. Commençons par l’ellébore blanc, dont voici les caracteres.

L’ellébore blanc est d’un genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond, du milieu desquels il sort un pistil qui devient dans la suite un fruit, dans lequel il y a ordinairement trois gaînes membraneuses rassemblées en bouquet, dans lesquelles il y a des semences oblongues qui ressemblent à des graines de froment, & qui sont bordées & pour ainsi dire entourées par une petite feuille. Tournef. inst. rei herb. Voyez Plante.

On distingue en Botanique les deux especes suivantes d’ellébore blanc.

1°. Veratrum flore subviridi, J. R. H. Helleborus albus flore subviridi, C. B. P. &c.

2°. Veratrum flore atro rubente, J. R. H. Helleborus albus flore atro rubente, C. B. P. &c.

La premiere espece pousse une tige haute de plus d’une coudée, cylindrique, droite, ferme, de laquelle naissent des feuilles placées alternativement de la figure de celles du plantain ou de la gentiane, de la longueur de deux palmes, presque aussi larges, toutes striées & comme plissées, un peu velues, d’un verd clair, un peu roides & entourant la tige par leur base, qui est en maniere de tuyau. Depuis environ le milieu de la tige jusqu’à son extrémité, sortent des grappes de belles fleurs, composées de six pétales disposées en rose, d’un verd blanchâtre : au milieu sont six étamines environnant le pistil, qui se change ensuite en un fruit, dans lequel sont ramassées en maniere de tête trois graines applaties, membraneuses, de la longueur d’un demi-pouce, contenant des semences oblongues, blanchâtres, semblables à des grains de blé, bordées d’une aîle ou feuillet membraneux.

La racine qui est d’usage en matiere médicale. est oblongue, tubéreuse, quelquefois plus grosse que le pouce, brune en-dehors, blanche en-dedans, accompagnée d’un grand nombre de fibres blanches, d’un goût âcre, un peu amer, un peu astringent, desagréable, & qui cause des nausées.

La seconde espece differe de la premiere en ce que ses fleurs sont d’un rouge noir ; ses feuilles plus longues, plus minces, & plus penchées ; sa tige plus élevée, & garnie d’un petit nombre de feuilles : elle paroît aussi plûtôt au printems, & fleurit un mois avant l’autre. On la trouve dans toutes les montagnes de la France, & sur-tout dans les Alpes & dans les Pyrénées.

La premiere espece est beaucoup plus forte & plus âcre que l’autre ; car quand on les place dans le

même voisinage, les limaçons dévorent entierement les feuilles de la seconde, tandis qu’ils touchent à peine à celles de la premiere.

Toutes les deux font un bel ornement, quand on les plante au milieu des bordures ouvertes d’un jardin. Si on les met près de haies ou de murailles, où les limaçons se tiennent ordinairement, ils en déparent singulierement les feuilles, sur-tout celles de la seconde espece, en les criblant de trous ; & comme la plus grande beauté de ces plantes consiste dans leurs feuilles déployées, dès qu’elles sont mangées & percées, le plaisir qu’elles donnent à l’œil est entierement perdu.

On peut multiplier les deux ellébores blancs dont on vient de parler, ou en semant les graines, ou en plantant leurs racines dans un terrein riche, nouveau, & leger. La premiere méthode n’est guere d’usage, parce que ces plantes fleurissent rarement en moins de quatre ans ; mais la seconde méthode réussit à merveille, & fournit promptement de très belles grappes de fleurs.

Parlons à présent de l’ellébore noir, & caractérisons-le distinctement.

L’ellébore noir est pareillement un genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond, du milieu desquels il sort un pistil dont la base est environnée de plusieurs petits cornets, posés entre les étamines & les pétales. Il devient dans la suite un fruit, dans lequel il y a des gaînes membraneuses qui sont rassemblées pour l’ordinaire en bouquets qui s’ouvrent d’un bout à l’autre, & qui renferment des semences ordinairement arrondies, ou ovoïdes. Tournefort, inst. rei herbar. Voyez Plante. (I)

Les Botanistes distinguent six especes principales d’ellébore noir ; savoir.

1°. Helleborus niger, angustioribus foliis, J. R. H. Helleborus niger fœtidus flore roseo, C. B. P.

De sa racine naissent des feuilles, dont la queue qui a un empan de longueur, est cylindrique, épaisse, succulente, pointillée de taches de pourpre comme la tige de la grande serpentaire. Ses feuilles sont divisées jusqu’à leur queue, le plus souvent en neuf portions, en maniere de digitations, formant comme autant de petites feuilles roides, lisses, d’un verd foncé, & dentelées, surtout depuis le milieu jusqu’à l’extrémité.

On peut fort bien comparer chaque partie des feuilles de l’ellébore noir prises séparément, aux feuilles de laurier ; elle n’a point de tige, les fleurs sont uniques, ou il y en a deux soûtenues sur un pédicule de la longueur de quatre, cinq, ou six pouces : ces fleurs sont composées le plus souvent de cinq feuilles disposées en rose, arrondies, d’abord blanchâtres, ensuite purpurines, enfin verdâtres, sans aucun calice. Leur centre est rempli d’un grand nombre d’étamines, entre lesquels & ces feuilles se trouve une couronne de cinq, dix, ou quinze petits cornets jaunâtres, longs d’une ligne & demie, dont la bouche est coupée obliquement.

Au milieu des étamines est un pistil composé de cinq ou six gaînes, qui deviennent autant de gousses membraneuses, de figure de corne, ramassées en maniere de tête, renflées, roussâtres, dont le dos est saillant & comme bordé d’un feuillet, & terminé par une pointe recourbée : elles sont garnies de fibres demi circulaires & transversales, qui en se contractant, s’ouvrent en deux panneaux du côté de la face interne ; par chaque gousse est véritablement un muscle digastrique, concave, dont le tendon fixe est placé extérieurement sur le dos de la gousse ; & celui qui est mobile est en-dedans, & à l’ouverture des panneaux. Les graines sont ovoïdes, longues de deux