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qu’il faut voir & qui ne peuvent s’écrire. Elle est assise sur la peau du lion de Nemée ; un de ses piés délicats est posé sur la tête de l’animal terrible ; cependant trois petits Amours se joüent de la massue du héros qu’ils ont mise en balançoire. Ils ont chacun leur caractere. Un paysage forme le fond du tableau. Ce morceau vû à l’œil nud fait un grand plaisir ; mais regardé à la loupe, c’est toute autre chose encore ; on en est enchanté.

C’est l’orfévre qui prépare la plaque sur laquelle on se propose de peindre. Sa grandeur & son épaisseur varient, selon l’usage auquel on la destine. Si elle doit former un des côtés d’une boîte, il faut que l’or en soit à vingt-deux carats au plus : plus fin, il n’auroit pas assez de soûtien ; moins fin, il seroit sujet à fondre. Il faut que l’alliage en soit moitié blanc & moitié rouge, c’est-à-dire moitié argent & moitié cuivre ; l’émail dont on la couvrira, en sera moins exposé à verdir, que si l’alliage étoit tout rouge.

Il faudra recommander à l’orfévre de rendre son or bien pur & bien net, & de le dégager exactement de pailles & de vent ; sans ces précautions il se fera immanquablement des soufflures à l’émail, & ces défauts seront sans remede.

On réservera autour de la plaque un filet qu’on appelle aussi bordement. Ce filet ou bordement retiendra l’émail, & l’empêchera de tomber, lorsqu’étant appliqué on le pressera avec la spatule. On lui donnera autant de hauteur qu’on veut donner d’épaisseur à l’émail ; mais l’épaisseur de l’émail variant selon la nature de l’ouvrage, il en est de même de la hauteur du filet ou bordement. On observera seulement que quand la plaque n’est point contre-émaillée, il faudra qu’elle soit moins chargée d’émail, parce que l’émail mis au feu tirant l’or à soi, la piece deviendroit convexe.

Lorsque l’émail ne doit point couvrir toute la plaque, alors il faut lui pratiquer un logement. Pour cet effet on trace sur la plaque les contours du dessein ; on se sert de la mine de plomb, ensuite du burin. On champleve tout l’espace renfermé dans les contours du dessein, d’une profondeur égale à la hauteur qu’on eût donnée au filet, si la plaque avoit dû être entierement émaillée.

On champleve à l’échope, & cela le plus également qu’on peut : c’est une attention qu’il ne faut pas négliger. S’il y avoit une éminence, l’émail se trouvant plus foible en cet endroit, le verd pourroit y pousser. Les uns pratiquent au fond du champlever des hachures legeres & serrées, qui se croisent en tous sens ; les autres y font des traits ou éraflures, avec un bout de lime cassé quarrément.

L’usage de ces éraflures ou hachures, c’est de donner prise à l’émail, qui, sans cette précaution, pourroit se séparer de la plaque. Si l’on observoit de tremper la piece champlevée dans de l’eau régale affoiblie, les inégalités que son action formeroit sur le champlever, pourroient remplir merveilleusement la vûe de l’artiste dans les hachures qu’il y pratique : c’est une expérience à faire. Au reste il est évident qu’il ne faudroit pas manquer de laver la piece dans plusieurs eaux, au sortir de l’eau régale.

Quoi qu’il en soit de cette conjecture, lorsque la piece est champlevée, il faut la dégraisser. Pour la dégraisser on prendra une poignée de cendres gravelées qu’on fera bouillir dans une pinte d’eau ou environ, avec la piece à dégraisser. Au défaut de cendres gravelées on pourroit se servir de celles du foyer, si elles étoient de bois neuf ; mais les cendres gravelées leur sont préférables. Voyez Cendres.

Au sortir de cette lessive on lavera la piece dans de l’eau claire où l’on aura mis un peu de vinaigre ;

& au sortir de ce mêlange d’eau & de vinaigre, on la relavera dans l’eau claire.

Voilà les précautions qu’il importe de prendre sur l’or ; mais on se détermine quelquefois, par économie, à émailler sur le cuivre rouge : alors on est obligé d’amboutir toutes les pieces, quelle que soit la figure qu’elles ayent, ronde, ovale, ou quarrée. Les amboutir, dans cette occasion, c’est les rendre convexes du côté à peindre, & concaves du côté à contre-émailler. Pour cet effet il faut avoir un poinçon d’acier de la même forme qu’elles, avec un bloc de plomb : on pose la piece sur le bloc, on appuie dessus le poinçon, & l’on frappe sur la tête du poinçon avec un marteau. Il faut frapper assez fort pour que l’empreinte du poinçon se fasse d’un seul coup. On prend du cuivre en feuilles, de l’épaisseur d’un parchemin. Il faut que le morceau qu’on employe, soit bien égal & bien nettoyé : on passe sur sa surface le gratoir, devant & après qu’il a reçû l’empreinte. Ce qu’on se propose en l’amboutissant, c’est de lui donner de la force, & de l’empêcher de s’envoiler.

Cela fait, il faut se procurer un émail qui ne soit ni tendre ni dur : trop tendre, il est sujet à se fendre ; trop dur, on risque de fondre la plaque. Quant à la couleur, il faut que la pâte en soit d’un beau blanc de lait. Il est parfait, s’il réunit à ces qualités la finesse du grain. Le grain de l’émail sera fin, si l’endroit de sa surface d’où il s’en sera détaché un éclat, paroît égal, lisse & poli.

On prendra le pain d’émail, on le frappera à petits coups de marteau, en le soûtenant de l’extrémité du doigt. On recueillera tous les petits éclats dans une serviette qu’on étendra sur soi ; on les mettra dans un mortier d’agate, en quantité proportionnée au besoin qu’on en a. On versera un peu d’eau dans le mortier : il faut que cette eau soit froide & pure : les artistes préferent celle de fontaine à celle de riviere. On aura une molette d’agate ; on broyera les morceaux d’émail, qu’on arrosera à mesure qu’ils se pulveriseront : il ne faut jamais les broyer à sec. On se gardera bien de continuer le broyement trop long-tems. S’il est à-propos de ne pas sentir l’émail graveleux, soit au toucher, soit sous la molette, il ne faut pas non plus qu’il soit en boue : on le réduira en molécules égales ; car l’inégalité supposant des grains plus petits les uns que les autres, les petits ne pourroient s’arranger autour des gros, sans y laisser des vuides inégaux, & sans occasionner des vents. On peut en un bon quart-d’heure broyer autant d’émail qu’il en faut pour charger une boîte.

Il y a des artistes qui prétendent qu’après avoir mis l’émail en petits éclats, il faut le bien broyer & purger de ses ordures avec de l’eau-forte ; le laver dans de l’eau claire, & le broyer ensuite dans le mortier. Mais cette précaution est superflue quand on se sert d’un mortier d’agate ; la propreté suffit.

Lorsque l’émail est broyé, on verse de l’eau dessus ; on le laisse déposer, puis on décante par inclination l’eau, qui emporte avec elle la teinture que le mortier a pû donner à l’émail & à l’eau. On continue ces lotions jusqu’à ce que l’eau paroisse pure, observant à chaque lotion de laisser déposer l’émail.

On ramassera dans une soûcoupe les différentes eaux des lotions, & on les y laissera déposer. Ce dépôt pourra servir à contre-émailler la piece, s’il en est besoin.

Tandis qu’on prépare l’émail, la plaque champlevée trempe dans de l’eau pure & froide : il faut l’y laisser au moins du soir au lendemain ; plus elle y restera de tems, mieux cela sera.

Il faut toûjours conserver l’émail broyé couvert