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après que la bande est embattue ou cloüée, on fait tourner la roue, ensorte que la bande & la partie enflammée se trouvent plongées dans l’eau de l’embattoir où elles s’éteignent. (D)

* EMBAUCHER, v. act. (Arts méch.) Il se dit d’un compagnon qui se présente pour entrer chez un maître auquel il est conduit par les autres compagnons. Le compagnon est embauché, quand il est accepté par le maître ; & le repas que l’embauché donne aux compagnons, s’appelle l’embauchage. On dit payer son embauchage.

EMBAUCHOIR, s. m. (terme de Formier.) C’est une espece de jambe de bois garnie d’une coulisse comme la forme brisée. On s’en sert pour élargir les bottes. Voyez la figure dans la planche du Cordonnier Bottier.

* EMBAUMEMENS, s. m. pl. (Hist. anc.) De tous les peuples anciens, il n’y en a aucun chez lequel l’usage d’embaumer les corps ait été plus commun que chez les Egyptiens : c’étoit une suite de leur superstition. Voyez l’article Egyptien.

Nous allons rapporter ce qu’Hérodote nous en a transmis, & nous y joindrons les observations de notre savant chimiste M. Roüelle.

Dans l’Egypte, dit Hérodote, il y a des hommes qui font métier d’embaumer les corps. Quand on leur apporte un mort, ils montrent aux porteurs des modeles de morts peints sur du bois. On prétend que la peinture ou figure la plus recherchée, représente ce dont je me fais scrupule de dire le nom en pareille occasion ; ils en montrent une seconde qui est inférieure à la premiere, & qui ne coûte pas si cher ; ils en montrent encore une troisieme qui est au plus bas prix : ils demandent ensuite suivant laquelle de ces trois peintures on veut que le mort soit accommodé. Après qu’on est convenu du modele & du prix, les porteurs se retirent, les embaumeurs travaillent, & voici comment ils exécutent l’embaumement le plus recherché.

Premierement ils tirent avec un fer oblique la cervelle par les narines ; ils la font sortir en partie de cette maniere, & en partie par le moyen des drogues qu’ils introduisent dans la tête : ensuite ils font une incision dans le flanc avec une pierre d’Ethiopie aiguisée : ils tirent par cette ouverture les visceres ; ils les nettoyent, & les passent au vin de palmier ; ils les passent encore dans des aromates broyés : ensuite ils remplissent le ventre de myrrhe pure, broyée, de canelle & d’autres parfums, excepté d’encens, & ils le recousent. Cela fait, ils salent le corps, en le couvrant de natrum pendant soixante-dix jours : il n’est pas permis de le saler plus de soixante-dix jours. Ce terme expiré, ils lavent le mort, & l’enveloppent de bandes de toile de lin coupées, & enduites de la gomme dont on se sert en Egypte en guise de colle. Les parens le reprennent en cet état, font faire un étui de bois de forme humaine, y placent le mort, le transportent dans un appartement destiné à ces sortes de caisses, le dressent contre le mur, & l’y laissent. Voilà la maniere la plus chere & la plus magnifique dont ils embaument les morts.

Ceux qui ne veulent point de ces embaumemens somptueux, choisissent la seconde maniere, & voici comment leurs morts sont embaumés.

On remplit des seringues d’une liqueur onctueuse qu’on a tirée du cedre ; on injecte le ventre du mort de cette liqueur, sans lui faire aucune incision, & sans en tirer les entrailles. Quand on a introduit l’extrait du cedre par le fondement, on le bouche, pour empêcher l’injection de sortir. On sale ensuite le corps pendant le tems prescrit : au dernier jour on tire du ventre la liqueur du cedre. Cette liqueur a tant de force, qu’elle entraîne avec elle le ventricule & les entrailles consumés ; car le nitre dissout

les chairs, & il ne reste du corps mort que la peau & les os. Quand cela est achevé ils rendent le corps, sans y faire autre chose.

La troisieme maniere d’embaumer est celle-ci, elle n’est employée que pour les moins riches. Après les injections par le fondement, on met le corps dans le nitre pendant soixante-dix jours, & on le rend à ceux qui l’ont apporté.

La premiere observation qui se présente à la lecture de ce passage, c’est que quoiqu’il soit peut-être plus exact & plus étendu qu’on n’étoit en droit de l’attendre d’un simple historien, il n’est cependant ni assez précis ni assez circonstancié pour en faire l’exposition d’un art. Il falloit qu’on pratiquât des incisions à la poitrine, au bas-ventre, &c. sans quoi toute la capacité intérieure du corps n’auroit point été injectée, & les visceres n’auroient point été consumés. Il est à présumer qu’on lavoit avec soin le corps avant que de le saler : c’étoit encore ainsi qu’on le débarrassoit des restes du natrum & des liqueurs, quand il avoit été salé. On ne peut douter qu’on ne finît par le faire sécher à l’air ou dans une étuve.

On appliquoit ensuite sur tout le corps & sur les membres séparément, des bandes de toile enduites de gomme ; mais on l’emmaillotoit de plus avec un nouveau bandage également gommé, les bras croisés sur la poitrine, & les jambes réunies.

Dans l’embaumement véritable, la tête, le ventre & la poitrine étoient pleines de matieres résineuses & bitumineuses, & le reste du corps en étoit couvert. On retenoit ces matieres par un grand nombre de tours de toile. Après une couche de bandes on appliquoit apparemment une couche d’embaumement fondu & chaud, avec une espece de brosse ; puis on couchoit de nouveaux tours de bandes, & sur ces nouveaux tours une nouvelle couche de matiere fondue, & ainsi de suite jusqu’à ce que le tout eût une épaisseur convenable.

Il est difficile de décider si l’embaumement de la derniere espece étoit un mélange de bitume de Judée & de cédria, ou si c’étoit du bitume de Judée seul. La momie de sainte Genevieve est embaumée, ainsi que celle des Célestins, avec le pissasphalte ; mais elle a des bandes de toile fine, & elles sont en plus grand nombre qu’aux autres momies. Cependant le plus grand nombre de momies étant apprêtées avec le mélange de bitume de Judée & de cédria, qu’on peut appeller le pissasphalte, on peut croire que cet embaumement est de l’espece inférieure.

La dépense de la caisse qu’on donnoit à la momie, étoit considérable ; elle étoit de sycomore, d’une seule piece, creusée à l’outil, & ce ne pouvoit être que le tronc d’un arbre fort gros.

Il y avoit, selon toute vraissemblance, des sortes d’embaumemens relatifs à la différence des bandes qu’on trouve aux momies, grosses ou fines. Le dernier bandage étoit parsemé de caracteres hiéroglyphiques, peints ou écrits. Il se faisoit aussi des dépenses en idoles, en amuletes, en ornemens de caisse, &c.

La matiere de l’embaumement le plus précieux étoit une composition balsamique, telle que celle qu’on a trouvée dans les chambres des momies, conservée dans un vase, & il est évident que cet embaumement avoit aussi ses variétés. On a trouvé des momies dont les ongles étoient dorés, d’autres avoient des caisses de porphyre : il y en avoit de renfermées dans des tombeaux magnifiques.

Il semble que le travail des embaumeurs pouvoit se distribuer en deux parties ; la premiere, qui consistoit à enlever aux corps les liqueurs, les graisses & autres causes de corruption, & à les dessécher ; la seconde, à défendre ces corps desséchés de l’humidité & du contact de l’air.