Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/628

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me eux, que de la troisieme, de l’encaustique au pinceau. Voici le résultat de tout ce qui précede, & l’ordre des opérations.

1°. Ils avoient des cires colorées, ceræ tinguntur iisdem his coloribus. Ces cires étoient peut-être mêlées d’un peu d’huile, pour les rendre plus fusibles & moins cassantes, paulò oleo temperatam ; & ils les conservoient dans des boîtes à compartimens, dit Varron, liv. II. de re rust. Pictores loculatas habent arculas, ubi discolores sunt ceræ ; si cependant ces boîtes n’étoient pas pour les tenir en fusion.

2°. Ils faisoient fondre ces cires, & les employoient au pinceau, resolutis igni ceris, penicillo utendi ; soit qu’ils fissent leurs teintes dans des godets chauds, soit au bout du pinceau, comme font quelquefois nos peintres.

3°. Ils fixoient leur tableau par l’inustion, picturam inurere. Je dis leur tableau, parce que le mot pictura ne signifie point des couleurs, mais ou l’art de peindre, ou le tableau. Ils les fixoient avec un réchaut plein de charbons, qu’ils promenoient à la surface : carbonibus in ferreo vase compositis, comme dit Vitruve. Ce ferreum vas, ce réchaut étoit sans doute le même instrument dont il est fait mention dans le digeste sous le nom de cauteria.

4°. Enfin ils frotoient & polissoient le tout avec des linges nets, linteis puris subigat ; opération qui doit donner l’éclat du vernis, sans en avoir les défauts.

Toute peinture qui ne remplira pas ces conditions, les trois premieres sur-tout, ou qui ne les remplira pas dans cet ordre, pourra égaler, surpasser même l’encaustique des anciens, mais ne sera jamais leur encaustique.

C’est l’art de peindre avec des cires colorées, & de fixer la peinture par l’inustion ; & ce n’est que cela. Ce même art qu’on appelloit communément encaustique, inustion, Callixene de Rhodes, dans Athénée, le nomme κηρογραφίαν, peinture en cire. Il n’y en avoit qu’un.

Voilà, je crois, des principes incontestables, & suffisans pour apprécier sûrement toutes les manieres de peindre à la cire connues jusqu’à présent. Nous les devons à M. le comte de Caylus, & à M. Bachelier, peintre ; ce sont les seuls qui puissent prétendre au titre d’inventeurs ou de restaurateurs de l’encaustique. Ceux qui nous ont donné des ouvrages dans ce genre, ne sont que leurs disciples, puisqu’ils n’ont travaillé que d’après eux.

M. le comte de Caylus a publié cinq manieres, dont les quatre premieres sont, selon lui, autant de vrais encaustiques.

Premiere maniere de peindre en cire, selon M. de Caylus.

Couleurs, teintes, peinture, tout se prépare & se finit au bain-marie.

1°. Au lieu de pierre à broyer, faites construire une espece de coffre de fer-blanc de seize pouces quarrés sur deux & demi de hauteur, bien soudé partout, & sans autre ouverture qu’un goulot un peu élevé, pour le remplir d’eau. Sur la surface quarrée du côté de laquelle le goulot s’éleve, faites appliquer & attacher avec huit tenons de fer-blanc, une glace de l’épaisseur ordinaire, qui ne soit qu’adoucie, & qui conserve assez de grain pour broyer les couleurs : elles glisseroient sur une glace polie. Remplissez à-peu-près ce coffre d’eau, mettez-le sur le feu, chargez la glace de cire & de couleurs ; la cire fondra, & vous broyerez avec une molette de marbre, que vous aurez eu la précaution de faire chauffer. Enlevez la couleur broyée avec un couteau pliant d’ivoire ; mettez-la refroidir, & préparez de même les autres couleurs.

2°. Au lieu de godets ordinaires, ayez un autre

coffre de fer-blanc avec son goulot, de la même hauteur, & assez grand pour y percer symmétriquement dix-huit trous ronds, de quinze lignes de diametre. Dans ces trous, soudez autant de godets de fer-blanc d’un pouce de profondeur, de façon qu’ils plongent dans le coffre. Dans ces godets, mettez-en d’autres de crystal, pour n’avoir rien à craindre de l’étain du fer-blanc. Remplissez le coffre d’eau bouillante ; les cires colorées fondront, & seront en état d’être employées.

3°. Au lieu de palette, ayez un troisieme coffret couvert d’une glace adoucie, & toute seinblable à la machine à broyer ; remplissez-le d’eau bouillante, & formez vos teintes.

4°. Au lieu de chevalet, ayez encore un coffre de fer-blanc semblable au premier, mais plus grand, & dont la face supérieure soit de cuivre d’une ligne d’épaisseur, avec une coulisse de chaque côté, pour recevoir & assujettir la planche sur laquelle vous allez peindre (car il ne s’agit point ici de peindre sur toile). Seulement à l’angle opposé au goulot, vous ferez souder un robinet, pour pouvoir vuider & remplir, quand il faudra renouveller l’eau bouillante, sans cependant exposer les cires à couler.

5°. Enduisez le côté de la planche sur lequel vous devez peindre, de plusieurs couches de cire blanche, dont vous fondrez les premieres avec une poële pleine d’un brasier ardent, pour les faire entrer dans le bois, comme le pratiquent les Ebénistes. Pour plus grande précaution, & de peur que la planche ne se voile par la chaleur, composez-la de trois petites planches d’une ligne d’épaisseur, collées l’une sur l’autre, de façon que leurs fibres se croisent à angles droits.

6°. Enfin ajustez la planche dans les coulisses, & peignez.

Voilà des cires colorées. On peint avec ces cires colorées, mais on ne brûle point la peinture ; il n’y a point d’inustion, la troisieme condition manque : c’est donc une peinture en cire, & non l’encaustique des Grecs.

D’ailleurs la multiplicité des machines, d’une part, de l’autre la difficulté d’avoir & d’entretenir toûjours de l’eau au degré de chaleur convenable, rendent cette maniere rebutante, & les effets ne satisfont point un goût difficile, quoique peut-être la maniere des Grecs fût encore plus imparfaite.

Ajoûtez qu’on ne peut peindre qu’en bois, & en petit, ce qui borne trop l’art. M. de Caylus, qui porte lui-même ce jugement de cette premiere maniere de peindre, s’est déterminé par ces raisons, à chercher des moyens plus faciles & plus sûrs.

Seconde maniere de peindre en cire, selon M. de Caylus.

Prenez des cires colorées, préparées comme dans la maniere précédente : faites-les fondre dans l’eau bouillante ; une once de cire, par exemple, dans huit onces d’eau. Quand elles seront fondues, battez-les avec une spatule d’ivoire ou avec des osiers blancs, jusqu’à ce que l’eau soit refroidie. La cire par cette manœuvre se divisera en petites molécules, & fera une espece de poudre qui nagera dans l’eau, & que l’on conservera toûjours humide dans un vase bouché, parce que si elle étoit seche, les molécules se colleroient, & ne pourroient servir.

Ces cires ainsi préparées, mettez dans des godets une portion de chacune, & travaillez avec des pinceaux ordinaires, comme si vous peigniez en détrempe. Vous ne formerez cependant point les teintes sur la palette avec le couteau, car la cire seroit exposée à se peloter ; mais au bout du pinceau. Il convient de peindre sur le bois à crû ; mais on peut aussi opérer sur un enduit de cire.

Le tableau étant achevé, vous viendrez à l’inus-