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soient des écoles dans les gymnases, où ils se trouvoient dès le lever du Soleil, pour s’exercer à la course, à la lutte, &c. Ils mangeoient à la table de leurs parens ; ils étoient seulement assis & non couchés ; ils se baignoient séparément. Il étoit honorable pour un pere d’avoir beaucoup d’enfans : celui qui en avoit trois vivans dans Rome ou quatre vivans dans l’enceinte de l’Italie, ou cinq dans les provinces, étoit dispensé de tutelle. Il falloit le consentement des parens pour se marier, & les enfans n’en étoient dispensés que dans certains cas. Ils pouvoient être deshérités. Les centum-virs furent chargés d’examiner les causes d’exhérédation ; & ces affaires étoient portées devant les préteurs qui les décidoient. L’exhérédation ne dispensoit point l’enfant de porter le deuil. Si la conduite d’un enfant étoit mauvaise, le pere étoit en droit ou de le chasser de sa maison, ou de l’enfermer dans ses terres, ou de le vendre, ou de le tuer ; ce qui toutefois ne pouvoit pas avoir lieu d’une maniere despotique.

Chez les Germains, à peine l’enfant étoit-il né, qu’on le portoit à la riviere la plus voisine ; on le lavoit dans l’eau froide ; la mere le nourrissoit ; quand on le sevroit, ce qui se faisoit assez tard, on l’accoûtumoit à une diete dure & simple ; on le laissoit en toute saison aller nud parmi les bestiaux ; il n’étoit aucunement distingué des domestiques, ni par conséquent eux de lui ; on ne l’en séparoit que quand il commençoit à avancer en âge ; l’éducation continuoit toûjours d’être austere ; on le nourrissoit de fruits cruds, de fromage mou, d’animaux fraîchement tués, &c. on l’exerçoit à sauter nud parmi des épée, & des javelots. Pendant tout le tems qu’il avoit passé à garder les troupeaux, une chemise de lin étoit tout son vêtement, & du pain bis toute sa nourriture. Ces mœurs durerent long-tems. Charlemagne faisoit monter ses enfans à cheval ; ses fils chassoient & ses filles filoient. On attendoit qu’ils eussent le tempérament formé & l’esprit mûr, avant que de les marier. Il étoit honteux d’avoir eu commerce avec une femme avant l’âge de vingt ans. On ne peut s’empêcher de trouver dans la comparaison de ces mœurs & des nôtres, la différence de la constitution des hommes de ces tems & des hommes d’aujourd’hui. Les Germains étoient forts, infatigables, vaillans, robustes, chasseurs, guerriers, &c. De toutes ces qualités, il ne nous reste que celles qui se soûtiennent par le point d’honneur & l’esprit national. Les autres, auxquelles on exhorteroit inutilement, telles que la force du corps, sont presque entierement perdues : & elles iront toûjours en s’affoiblissant, à moins que les mœurs ne changent ; ce qui n’est pas à présumer.

Enfans. Naissance des enfans, (Hist. nat. & Phys.) M. Derham a calculé que les mariages produisoient, l’un portant l’autre, quatre enfans, non-seulement en Angleterre, mais encore dans d’autres pays. Il est dit dans l’histoire généalogique de Toscane de Gamarini, qu’un noble de Sienne, nommé Pichi, a eu de trois de ses femmes cent-cinquante enfans légitimes & naturels, & qu’il en emmena quarante-huit à sa suite, étant ambassadeur vers le pape & l’empereur.

Dans un monument de l’Eglise des S S. Innocens de Paris, en l’honneur d’une femme qui a vécû quatre-vingt-huit ans, on rapporte qu’elle avoit pû voir jusqu’à deux cens quatre-vingt-huit de ses enfans, issûs d’elle directement ; ce qui est au-dessus de ce que M. Hakcwell rapporte de la dame Henoywood, femme de condition du comté de Kent, qui étoit née en 1527, avoit été mariée à seize ans au seul mari qu’elle ait eu, le Sr R. Henoywood de Kent, & mourut dans sa quatre-vingt-unieme année ; elle eut seize enfans, dont trois moururent jeunes, & un quatrieme n’eut

point de postérité ; cependant sa postérité montoit à sa seconde génération à 114, & à la troisieme à deux cens vingt-huit, quoiqu’à la quatrieme elle retombât à neuf. Le nombre total d’enfans qu’elle avoit pû voir dans sa vie, étoit donc de trois cens soixante-sept, sçavoir 16+114+288+9=367 : de façon qu’elle pouvoit dire, comme dans les lettres de madame de Sévigné ; Ma fille, allez dire à votre fille que la fille de sa fille crie : le distique suivant va encore plus loin.


M1ter ais n2tæ, dic n3tæ, filia, nat4
Mater ais natæ, dic natæ, filia, natam
Ut moneat, n5tæ plangere, filio6.

Ut moneat, natæ plangere, filiolam.

Enfans (Maladies des) L’homme est exposé tant qu’il subsiste, à une infinité de maux ; mais il l’éprouve d’une maniere plus marquée en naissant & pendant les premiers tems de sa vie, puisqu’à peine a-t-il respiré, qu’il commence à annoncer ses miseres par ses cris, & qu’il est en danger continuel de perdre une vie qui semble ne lui être donnée que pour souffrir : c’est donc avec raison que l’on peut dire, d’après Pline, dans l’avant-propos du septieme livre de son histoire naturelle, que l’homme ne commence à sentir qu’il existe, que par les supplices au milieu desquels il se trouve, sans avoir commis d’autre crime que celui d’être né.

Ainsi quoique les maladies soient communes à tous les hommes, dans quelque tems de la vie que l’on les considere, il est évident que les enfans y sont plus particulierement sujets, à cause de la foiblesse de leur constitution & de la délicatesse de leurs organes, qui rendent leurs corps plus susceptibles des altérations que peuvent causer les choses qui l’affectent inévitablement ; &, ce qui est encore bien plus triste, c’est que plus ils ont de disposition à souffrir davantage que lorsqu’ils sont dans un âge plus avancé, moins il leur est donné de se préserver des maux qui les environnent, & d’y apporter remede lorsqu’ils en sont affectés : ils ne peuvent même faire connoître qu’ils souffrent, que par des pleurs & des gémissemens, qui sont des signes très équivoques & très-peu propres à indiquer le siége, la nature, & la violence de leurs souffrances ; ensorte qu’ils semblent, à cet égard, être presque sans secours & livrés à leur malheureux sort.

Il est donc très-important au genre humain dont la conservation est comme confiée aux Medecins, qu’ils se chargent, pour ainsi dire, de la défense des enfans, contre tout ce qui porte atteinte à leur vie ; qu’ils s’appliquent à étudier les maux auxquels ils sont particulierement sujets ; à découvrir les signes par lesquels on peut connoître la nature de ces maux, & en prévoir les suites ; à rechercher les moyens, les précautions par lesquels on peut les écarter ; & enfin à trouver les secours propres à les en délivrer.

Hippocrate, dans le III. Liv. de ses aphorismes, n°. xxjv. xxv. & xxvj. fait ainsi, avec sa précision ordinaire, l’énumération des maladies qui sont particulieres aux enfans. Ceux qui sont nouveau-nés, dit-il, sont principalement sujets aux aphthes, aux vomissemens, à différentes especes de toux, aux insomnies, aux frayeurs, aux inflammations du nombril, aux amas de crasse humide dans les oreilles, aux douleurs de ventre : lorsqu’ils commencent à avoir des dents, ils éprouvent particulierement de fortes irritations dans les gencives, des agitations fébriles, des convulsions, des cours de ventre, surtout lors de la sortie des dents canines ; & cette derniere maladie arrive principalement aux enfans d’un gros volume & à ceux qui sont ordinairement constipés. Lorsqu’ils sont parvenus à un âge plus avancé, qui s’étend depuis deux ans jusqu’à dix & au de-