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maines du roi à titre d’engagement, pour accréditer ces engagemens, on les a assimilé aux inféodations, en ordonnant que les engagistes joüiroient des domaines engagés à titre d’inféodation ; on y a même souvent ajoûté la reserve au roi, de la suzeraineté & de la directe. La plus grande partie des aliénations des justices a été faite à ce titre d’inféodation & sous ces reserves ; & quoiqu’il y ait eu des finances payées lors de ces aliénations, on doute encore si l’on doit considérer les aliénations de ces justices, faites depuis plus d’un siecle sous la reserve de la suzeraineté & du ressort, comme des aliénations des autres portions utiles du domaine du roi. Si on admettoit un pareil principe, on exposeroit la plus grande partie des propriétaires des terres & fiefs à être privés de leurs justices, dans lesquelles le roi auroit droit de rentrer comme n’étant possédées qu’à titre d’engagement : ce qui auroit bien des inconvéniens.

Sans entrer dans cette question, il est constant que toutes ces aliénations des portions des domaines du roi, faites sans finance & au seul titre d’inféodation, sous la reserve de la suzeraineté, de la féodalité, de la directe, censive & surcens, emportant droits seigneuriaux, lods & ventes aux mutations, ne sont point compris dans la classe des engagemens des domaines.

L’objet de l’inféodation est toûjours, que l’inféodataire étant propriétaire incommutable améliorera le domaine inféodé, & que par ces améliorations, les droits qui seront payés au roi lors des ventes & autres mutations deviennent si considérables, que le roi soit plus qu’indemnisé de la valeur du fonds qu’il a inféodé.

Il y a lieu de présumer que c’est par des inféodations que se sont faits les établissemens des fiefs, de la directe, & des censives ; toutes les directes qui appartiennent au roi sur les maisons de la ville de Paris, ne proviennent que d’inféodations faites des terreins qui appartenoient à sa majesté, & qui ont été par elle inféodés. Sans remonter aux tems reculés, il a été fait dans le dernier siecle plusieurs de ces inféodations par le roi, de semblables terreins ; tels que sont ceux que l’on comprend sous la dénomination d’île du Palais, où sont situées la rue Saint-Louis, la rue de Harlay, le quai des Orfevres, la place Dauphine, les salles neuves du Palais, les cours qui les environnent, appellées l’une la cour neuve, l’autre la cour de la Moignon : tous ces terreins ont été concédés à titre d’inféodation, sous la reserve de directe & de censives : toutes les fois que les propriétaires ont été inquiétés pour taxes ; ou sous d’autres prétextes, comme détempteurs de terreins du domaine du roi aliénés, ils ont été déchargés par des arrêts du conseil.

Les inféodations ne peuvent donc en général être mises dans la classe des engagemens du domaine, que quand elles sont faites moyennant finance, & qu’elles emportent une véritable aliénation & diminution du domaine.

Toute aliénation du domaine & droits en dépendans, à quelque titre qu’elle soit faite, excepté le cas d’apanage ou d’échange, n’est donc véritablement qu’un engagement, soit que l’acte soit à titre d’engagement, ou à titre d’inféodation, que ce soit à titre de vente, donation, bail à cens ou à rente, bail emphytéotique, ou autrement : & quand même le titre porteroit que c’est pour en joüir à perpétuité & incommutablement, sans parler de la faculté de rachat ; cette faculté y est toûjours sousentendue, & elle est tellement inhérente au domaine du roi, qu’on ne peut y déroger, & qu’elle est imprescriptible comme le domaine.

L’ordonnance de Blois, art 333 & 334, distingue à la vérité la vente du domaine d’avec le simple

engagement : mais il est sensible que les principes de cette matiere n’étoient point encore développés alors comme il faut ; & selon les principes qui résultent des ordonnances postérieures, il est constant que l’aliénation du domaine, faite à titre de vente, ne peut pas avoir plus d’effet que celle qui est faite simplement à titre d’engagement.

L’engagiste a même moins de droit qu’un acquéreur ordinaire à charge de rachat. En effet celui qui peut faire tous les actes de propriétaire jusqu’à ce que le rachat soit exercé, & ce quand le tems du rachat est expiré, il devient propriétaire incommutable : au lieu que l’engagiste du domaine n’est en tout tems qu’un simple acquéreur d’usufruit, qui a le privilége de transmettre son droit à ses héritiers ou ayans cause.

La propriété du domaine engagé demeurant toûjours pardevers le roi, il s’ensuit par une conséquence naturelle, que l’engagiste ne doit point de foi & hommage, ni de droits seigneuriaux, soit pour la premiere acquisition, soit pour les autres mutations qui surviennent de la part du roi, ou de celle de l’engagiste. Quelque clause qu’il y ait au contraire dans l’engagement, les chambres des comptes ne doivent jamais admettre les engagistes à l’hommage des domaines engagés, si ce n’est par rapport aux justices ; comme on l’a expliqué ci-devant pour les autres engagemens : cela seroit d’une trop dangereuse conséquence, & la chambre des comptes de Paris ne s’écarte jamais de ce principe.

Il ne peut pas, comme l’apanager, se qualifier duc, comte, marquis, on baron d’une telle terre, mais seulement seigneur par engagement de cette terre, si ce n’est que l’engagement contînt permission de prendre ces qualités.

Quand le chef-lieu d’une grande seigneurie est engagé, les mouvances féodales qui en dépendent & la justice royale qui est attachée au chef-lieu, & tous les droits honorifiques, demeurent reservés au roi ; la justice s’y rend toûjours en son nom : on y ajoûte seulement en second celui du seigneur engagiste, mais celui-ci n’a point collation des offices, il n’en a que la nomination, & les officiers sont toûjours officiers royaux ; s’il fait mettre un poteau en signe de justice, les armes du roi doivent y être marquées : il peut seulement mettre les siennes au-dessous. Il n’a point droit de litre, ou de ceinture funebre ; il ne peut recevoir les foi & hommage, aveux & déclarations, ni donner les ensaisinemens : il a seulement tous les droits utiles du domaine engagé, excepté les portions qui ont été aliénées aux officiers du domaine, antérieurement aux engagemens, conformément à plusieurs réglemens, & notamment à l’édit du mois de Décembre 1743.

Mais quand le roi engage seulement quelque dépendance du chef-lieu de la seigneurie, & qu’il engage aussi la justice, alors c’est une nouvelle justice seigneuriale qui s’exerce au nom du seigneur ; il a la collation des offices, & tous les droits utiles & honorifiques, à l’exception néanmoins des droits qui sont une suite des mouvances du chef-lieu, lesquelles dans ce cas demeurent reservées au roi, conformément à l’édit du 15 Mai 1715.

Les droits de patronage, droits honorifiques, droits de retrait féodal, ne sont point comptés au nombre des droits utiles ; de sorte que l’engagiste ne les a point, à moins qu’ils ne lui ayent été cédés nommément.

Tout contrat d’engagement doit être registré en la chambre des comptes.

Les acquisitions que l’engagiste fait dans la mouvance du domaine qui lui est engagé, soit par voie de retrait, ou autrement, ne sont point réunies au domaine.