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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/746

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nerets ses vassaux en avoient deux. De plus, parmi les chefs de pennonies rangés sous une banniere, quelques-uns étoient chevaliers, d’autres n’étoient que bacheliers ou écuyers, & les pennons marquoient la distinction de tous ces grades, ce qui montroit des pennons à une, à deux, à trois pointes.

Sous Charles VII. le changement arrivé dans notre ancienne gendarmerie, dont on forma des compagnies d’ordonnance, en introduisit aussi dans toutes les enseignes ; les bannieres & les pennons disparurent pour faire place aux drapeaux de l’infanterie, aux étendards & aux guidons de la gendarmerie, & aux cornettes de la cavalerie legere.

Le drapeau qui vient encore de pannus ou pennus, d’où l’on a fait par corruption pellus, pelletus, pellum, drapellum, & nos ancêtres drapel, est un morceau d’étoffe quarré, cloüé par un de les côtés sur le bois d’une pique. L’usage d’y mettre des croix avoit commencé au tems des croisades, & ces croix furent rouges dans les enseignes de France jusqu’au tems de Charles VI. C’étoit alors la couleur de la nation, mais les Anglois qui avoient jusqu’alors porté dans leurs enseignes la croix blanche ayant pris la rouge à cause des prétendus droits qu’ils croyoient avoir au royaume de France, Charles VII. qui n’étoit alors que dauphin changea la croix rouge des enseignes de sa nation en une croix blanche ; & pour marquer plus intelligiblement qu’il établissoit cette couleur pour être desormais celle de la nation, il se donna à lui-même une enseigne toute blanche qu’il nomma cornette, & la donna pour enseigne à la premiere des compagnies de gendarmerie qu’il créa, & c’est ce qu’on nomma la cornette blanche.

Depuis qu’il y a des croix sur les enseignes, la couleur dont est cette croix montre la nation à qui appartient l’enseigne ; pour le fonds sur lequel est placé la croix, il fait partie de l’un forme de la troupe à qui est l’enseigne. A mesure que les corps militaires qui subsistent aujourd’hui ont été créés, le premier commandant de chacun de ces corps a eu occasion de leur communiquer sa livrée dans ses enseignes, ce qui a tenu lieu d’uniforme jusqu’à ce que l’on ait imaginé l’uniforme des habits.

Depuis Charles VII. jusqu’à François I, il n’y eut en France que deux enseignes royales blanches ; savoir, la cornette de France ou la cornette blanche dont nous venons de parler, & la cornette royale qui étoit comme l’étendard de corps du prince, qu’on portoit auprès de lui, soit dans les batailles, & quelquefois en tems de paix dans les grandes solennités, comme aux entrées publiques, &c. Mais depuis les guerres du Calvinisme, outre les cornettes blanches des généraux d’armée à qui le roi accordoit cette prérogative par distinction, il y eut en France, sur-tout sous Charles IX, autant d’enseignes blanches qu’il y avoit de colonels généraux des différentes milices. En ce tems-là l’infanterie françoise étoit partagée sous deux colonels, savoir celui de l’infanterie qui étoit dans le royaume, & celui de l’infanterie qui étoit en Italie, qu’on appelloit colonel de l’infanterie de de-là les monts. Chacun de ces colonels avoit son drapeau blanc : le colonel des Suisses au service de la France avoit le sien, & les colonels des Lansquenets & des Corses avoient aussi les leurs. Chaque colonel mit son drapeau blanc dans sa compagnie colonelle ; & par la suite lorsque l’infanterie fut enrégimentée, le colonel général voulut avoir une compagnie dans chaque régiment, & que cette compagnie eût un drapeau blanc ; ce qui se pratique encore aujourd’hui pour toutes les compagnies colonelles, quoique la charge de colonel général de l’infanterie ne subsiste plus ; le droit du drapeau blanc a passé de la compagnie colonelle générale a la compagnie colonelle, la premiere ayant été supprimée, chaque

mestre-de-camp ou colonel d’un corps particulier s’étant à cet égard arrogé les prérogatives du colonel général, usage qui a commencé sous Henri III. vers l’an 1580.

Les enseignes de la cavalerie ont été nommées étendards & guidons, au lieu de banniere & pennon, ensorte que l’étendard est au guidon ce que la banniere étoit au pennon ; cependant cette distinction ne subsiste plus parce que l’étendard est commun à tous les corps de cavalerie, ainsi l’on dit un étendard de cavalerie & un guidon de gendarmerie ; mais dans cette derniere troupe c’est la charge qu’on nomme guidon & non pas l’enseigne, on la nomme étendard comme dans les autres corps : ces deux enseignes avoient tiré leur nom par similitude de l’action à laquelle elles sont propres. Le guidon est propre à guider & à conduire, l’étendard est fait pour être vû étendu ; car il est attaché à sa lance de soûtien de maniere à paroître tel, soit au moyen du vent, ou par le moyen d’une verge de fer à laquelle le chifon qui fait proprement l’étendard peut être attaché comme il l’étoit autrefois : un étendard ainsi envergé restoit bien étendu au-haut de sa pique, & il y tournoit tout d’une piece comme une giroüette. Depuis l’introduction de la cornette blanche royale, le premier régiment de cavalerie a pris une cornette blanche pour sa compagnie colonelle, & outre cela il se nomme la cornette blanche, comme on a autrefois désigné les compagnies de cavalerie par le nom de cornettes ; ainsi l’on disoit qu’il y avoit dans une armée 100 cornettes de cavalerie, pour signifier 100 compagnies.

Les étendards des dragons ont quelque ressemblance avec les anciens pennons, en ce qu’ils sont plus longs que ceux de la cavalerie, & se terminent en double pointe. Les étendards sont chargés d’armes ou de devises & de legendes en broderie. Les enseignes d’infanterie ne sont qu’une grande piece de fort taffetas, avec une croix dont les bras s’étendent jusqu’aux bords ; le fonds est un champ peint de couleurs différentes, avec des fleurs de lis semées sans nombre dans quelques-uns, dans d’autres une couleur pleine, & dans quelques autres encore des flammes de diverses couleurs comme dans les drapeaux des Suisses.

Dans l’infanterie l’officier qui porte le drapeau s’appelle enseigne, & dans la cavalerie celui qui porte l’étendard s’appelle cornette. Chaque bataillon a trois drapeaux dans l’infanterie, la cavalerie a deux étendards par escadron, & les dragons n’en ont qu’un ; il s’appelle drapeau lorsque les dragons sont en bataillon, & étendard lorsqu’ils sont en escadron. Quand l’armée est rangée en bataille, tous les étendards sont à la premiere ligne, portés chacun sur le front de leurs escadrons ; & à droite & à gauche du porte-étendard sont deux cavaliers qu’on choisit parmi les plus braves pour le défendre, & empêcher que l’ennemi ne s’en saisisse. Chaque étendard porte d’un côté un soleil d’or brodé, avec la devise de Louis XIV. nec pluribus impar en lettres d’or, & de l’autre la devise du régiment.

Il y a à chaque drapeau & chaque étendard un morceau de taffetas noüé entre l’étoffe de l’étendard ou drapeau & le bout de la lance : on appelle ce morceau de taffetas la cravate ; sa couleur est ordinairement celle de la nation à laquelle appartient l’enseigne & la troupe ; comme la France, blanc ; l’Espagne, rouge ; l’Empereur, verd ; Baviere, bleu ; Hollande, jaune, &c.

Chaque nation a aussi ses enseignes particulieres.

Les enseignes des Turcs, comme celles de toutes les autres nations, sont attachées à une lance dont l’extrémité passe au dessus de l’étendard même.

Leurs étendards en général sont d’une étoffe de soie de diverses couleurs, chargée d’une épée flam-