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opportun, que l’espece s’en conservoit dans la beauté & la bonté.

1°. Aujourd’hui les propriétaires des poulains, pour peu qu’ils soient beaux & bien faits, avant l’âge de trois ans en veulent tirer de la race avant de les vendre, & les employent non-seulement à la propagation, mais encore au travail. Cette avare économie les ruine, tant mâles que femelles ; & les parties qui souffrent le plus dans ces jeunes chevaux, sont les jarrets, où il se forme des éparvins, comme il est aisé de le comprendre en se rappellant les causes immédiates de cette maladie. 2°. Avant de les vendre on veut les rétablir, ou, pour mieux dire, continuer de les user, en les montant & les rassemblant pour leur donner plus de grace, & pour séduire les demi-connoisseurs. 3°. Les marchands qui les achetent, contribuent encore à leur ruiner les jarrets, en les mettant continuellement sur la montre, un énorme foüet à la main. Un garçon qui les tient vigoureusement assujettis, armé d’un bridon long de branche de plus d’un pié, enleve le cheval pardevant, tandis que le maître qui est par-derriere, le fustige sans pitié. L’animal ne sait à qui répondre ; on diroit, à voir ces réformateurs de la nature, qu’ils veulent accoûtumer ces animaux à marcher sur les deux piés de derriere, comme les singes : or est-il possible que les chevaux qui ont tout au plus quatre ans, comme presque tous ceux que les marchands vendent aujourd’hui, soient en état de supporter jusqu’à vingt fois par jour ces cruels exercices, sans que leurs jarrets soient affectés d’éparvins ? 4°. Enfin, autrefois les chevaux mouroient sans être usés, ils le sont aujourd’hui avant d’être formés. On sait à quels exercices ils sont destinés, sur-tout les plus fringans & les plus beaux : autrefois le maître étoit esclave de son cheval, aujourd’hui le cheval est esclave du maître ; usage plus raisonnable, mais plus pernicieux aux chevaux. De ces différences résulte la raison pour laquelle les chevaux finissoient autrefois leur carriere sans éparvins, au lieu qu’ils en ont souvent aujourd’hui avant même de la commencer. Ce sont les éparvins qui font la disette des bons chevaux, & cette disette à son tour occasionne les éparvins. Cet article est de M. Genson.

EPAUFRURE, s. f. en Architecture ; c’est l’éclat du bord du parement d’une pierre, emporté par un coup de têtu mal donné : & encornure, c’est un autre éclat qui se fait à l’arrête de la pierre lorsqu’on la taille, qu’on la conduit, qu’on la monte, ou qu’on la pose. (P)

* ÉPATÉ, adject. (Gramm.) se dit en général de toute partie d’un corps qui a moins de saillie qu’elle n’en doit avoir, ensorte que son applatissement lui donne alors la figure d’un pié de pot qui a peu de hauteur, eu égard à sa base. On dit que le nez des Negres est épaté. Voyez Negre.

Epaté, (Metteur en œuvre.) On appelle sertissure épatée, celle dont la circonférence est plus large d’en-bas que d’en-haut. On employe ces sortes de sertissures aux pierres roboles & inégales, pour masquer leurs inégalités & grossir leur étendue.

EPAVES, s. f. pl. (Jurisp.) sont les choses mobiliaires égarées ou perdues, dont on ignore le légitime propriétaire.

Quelques-uns tirent l’origine de ce terme du grec ἀδέσποτα, qui signifie choses égarées & perdues.

Mais il paroît que ce mot vient plûtôt du latin expavescere, parce que les premieres choses que l’on a considérées comme épaves, étoient des animaux effarouchés qui s’enfuyoient au loin, expavefacta animalia.

On a depuis compris sous le terme d’épaves, toutes les choses mobiliaires perdues, & dont on ne connoît point le véritable propriétaire.

Il y a même des personnes qu’on appelle épaves, & épaves foncieres & immobiliaires, comme on le dira dans les subdivisions suivantes ; mais communément le terme d’épaves ne s’entend que de choses mobiliaires, telles qu’animaux égarés, ou autres choses perdues.

En Normandie on les appelle choses gayves. Voyez Gayves.

Les biens vacans sont différens des épaves, en ce que ces sortes de biens sont ordinairement des immeubles, ou une universalité de meubles, & que d’ailleurs on en connoît l’origine, & le dernier propriétaire qui n’a point d’héritier connu ; au lieu que les épaves sont des choses dont on ignore le propriétaire.

Il y a aussi beaucoup de différence entre un thrésor & une épave. Le thrésor est vetus pecuniæ depositio, cujus memoria non extat. L’épave est toute chose mobiliaire qui se trouve égarée & perdue : l’un & l’autre se reglent par des principes différens. Voyez Thrésor.

Les lois romaines veulent que ceux qui trouvent quelques bestiaux égarés, les fassent publier par affiches, afin de les rendre à ceux qui les reclameront justement.

Dans notre usage les épaves appartiennent au seigneur haut-justicier, & non au propriétaire du fonds où elles sont trouvées, ni même au seigneur féodal, ni au seigneur moyen-justicier.

Celui qui trouve une épave, est obligé d’en faire la déclaration au seigneur haut-justicier dans les vingt-quatre heures : la coûtume de Nivernois l’ordonne ainsi.

Après la déclaration de celui qui a trouvé l’épave, le seigneur doit la faire publier par trois dimanches consécutifs, afin qu’elle puisse être reclamée. Ces publications se faisoient autrefois au prône ; mais depuis l’édit de 1695, toutes publications pour ces sortes d’affaires temporelles doivent être faites par un huissier à la porte de l’église.

La plûpart des coûtumes donnent au propriétaire de l’épave quarante jours pour la reclamer, à compter du jour de la premiere publication, en justifiant par lui de son droit, & en payant les frais de garde & autres.

Les publications faites & les quarante jours expirés, le seigneur haut-justicier ne devient pas encore de plein droit propriétaire de l’épave ; il faut qu’elle lui soit adjugée en justice, comme l’ordonne la coûtume d’Orléans, article 156.

Après l’expiration des quarante jours, & l’adjudication faite en bonne forme au seigneur, le propriétaire de l’épave n’est plus recevable à la reclamer.

On n’exige pas tant de formalités ni de délais, quand l’épave est de peu de valeur, ou qu’il s’agit de quelqu’animal dont la nourriture absorberoit le prix. La coûtume de Sens, article 11, permet en ce cas de la faire vendre après la premiere quinzaine, & après deux criées ou proclamations, à la charge de garder l’argent pour le rendre au propriétaire.

On distingue plusieurs sortes d’épaves, dont il sera parlé dans les subdivisions suivantes.

Les coûtumes qui contiennent quelques dispositions sur cette matiere, sont Meaux, Melun, Sens, Montfort, Mantes, Senlis, Troyes, Chaumont, Châlons, Chauny, Boulenois, Artois, les deux Bourgognes, Nivernois, Montargis, Orléans, Lodunois, Dunois, Amiens, Auxerre, Grand-Perche, Bourbonnois, Auvergne, la Marche, Poitou, Bordeaux, Montreuil, Beauquesne, Peronne, Berry, Cambray, S. Pol sous Artois, Bar, Lille, Hesdin, Lorraine.

Les auteurs qui traitent des épaves, sont Bouthil-