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Un autre moyen seroit de ne point asseoir les enfans dans des siéges, ou dans des roulettes qui ont des accoudoirs un peu hauts ; parce que de pareils accoudoirs sur lesquels les enfans s’appuient toûjours, leur font nécessairement lever les épaules. Le remede, si le défaut est contracté, consiste à se servir des avis que nous venons de donner, & à y joindre tous les moyens qui peuvent tendre à mettre les deux épaules au niveau, où elles doivent être à l’égard de la partie inférieure du cou.

Parlons à présent du surjettement d’une épaule au-dessus de l’autre, ou de l’inégalité de leur hauteur, qui fait que l’une s’éleve trop, ou que l’autre baisse trop.

Un bon moyen pour corriger un enfant qui leve ou qui baisse trop une épaule, c’est de lui mettre quelque chose d’un peu lourd sur l’épaule qui baisse, & de ne point toucher à celle qui leve ; car le poids qui sera sur l’épaule qui baisse, la fera lever, & obligera en même tems celle qui leve à baisser.

L’épaule qui porte un fardeau, monte toûjours plus haut que celle qui n’est pas chargée ; & alors la ligne centrale de toute la pesanteur du corps & du fardeau, passe par la jambe qui soûtient le poids : si cela n’étoit pas, le corps tomberoit ; mais la nature y pourvoit, en faisant qu’une égale partie de la pesanteur du corps se jette du côté opposé à celui qui porte le fardeau, & produit ainsi l’équilibre ; car alors le corps est obligé de se pancher du côté qui n’est pas chargé, & de s’y pancher jusqu’à ce que ce côté non chargé participe au poids du fardeau qui se trouve de l’autre côté : d’où il résulte que l’épaule chargée se hausse, & que celle qui ne l’est pas se baisse. Cette méchanique de la nature démontre l’erreur de ceux qui, pour obliger un enfant à baisser l’épaule qui leve trop, lui mettent un plomb sur cette épaule, s’imaginant que ce poids la lui fera baisser ; c’est au contraire le vrai moyen de la lui faire lever davantage.

On peut se contenter, au lieu de lui mettre un poids sur l’épaule qu’on veut faire lever, de faire porter par l’enfant, avec la main qui est du côté de cette épaule, quelque chose d’un peu pesant, il ne manquera point alors de lever l’épaule de ce côté-là, & de baisser l’autre ; ce dernier expédient est sur-tout d’une grande utilité, quand un enfant a la taille considérablement plus tournée d’un côté que de l’autre ; car dans ce cas, soit qu’on lui fasse porter quelque poids sous le bras, ou qu’on lui fasse lever par exemple une chaise, un tabouret, avec la main qui est du côté vers lequel sa taille panche, il ne manquera point de se pancher du côté opposé. Un autre moyen, c’est d’amuser l’enfant en l’exerçant à porter une petite échelle faite exprès ; ensorte qu’il la soûtienne d’une épaule qu’il posera sous un échelon ; l’épaule sur laquelle sera l’échelon, levera, & l’autre baissera.

Nous venons de dire que lorsqu’on soûleve d’un bras une chaise ou un tabouret, l’épaule de ce côté-là hausse, & l’autre baisse. Mais il faut observer que si l’on porte avec la main pendante un vase qui ait une anse posée de niveau avec le bord du vase, & que l’on porte ce vase par l’anse, ensorte 1° que le second doigt entre dans l’anse & la soûtienne par le haut, 2° que le doigt du milieu aille sous l’anse & en soûtienne le bas, 3° que le pouce passe sur l’anse, & que le pouce appuyant en cet endroit sur le bord du vase même, entre un peu dans le vase, alors l’épaule du bras qui porte le vase ne se hausse pas comme dans les cas précédens, mais se baisse au contraire : ainsi c’est un autre moyen dont on peut facilement se servir à l’égard d’une jeune personne qui leve trop une épaule.

Voici deux autres expédiens très-simples & très-ai-

sés. Premier expédient. Si l’enfant leve trop une

épaule, faites-le marcher appuyé de ce côté-là sur une canne fort basse ; & si au contraire il la baisse trop ; donnez-lui une canne un peu haute ; ensuite lorsqu’il voudra se reposer, faites-le asseoir dans une chaise à deux bras, dont l’un soit plus haut que l’autre, ensorte que le bras haut soit du côté de l’épaule qui baisse, & l’autre du côté de celle qui leve. Deuxieme expédient. Comme personne n’ignore que lorsqu’on se carre d’un bras, c’est-à-dire qu’on plie le bras en forme d’anse, en appuyant le poing sur la hanche du même côté, l’épaule de ce côté-là leve, & l’autre baisse ; & que si l’on couche alors l’autre bras le long du corps, ensorte qu’il pende jusqu’à l’endroit de la cuisse auquel il peut atteindre, l’épaule de ce côté-là baissera encore davantage : servez-vous de ce moyen simple, & répétez-le, pour rectifier dans un enfant le défaut de l’épaule qui leve ou qui baisse trop.

Enfin quelquefois un enfant panche trop l’épaule sur un des côtés, soit le gauche, soit le droit ; s’il panche trop l’épaule du côté gauche, faites-le soûtenir sur le pié droit ; car se soûtenant alors sur ce pié à l’exclusion de l’autre, qui dans ce tems-là demeure oisif, il arrivera nécessairement que l’épaule droite qui levoit trop, baissera, & que l’épaule gauche qui baissoit trop, levera : cela se fait naturellement en vertu de l’équilibre, sans quoi le corps seroit en risque de tomber ; parce que quand on se soûtient sur un seul pié, la jambe opposée, qui alors est un peu pliée, ne soûtient point le corps, elle demeure sans action & comme morte, ainsi qu’on le voit dans les enfans qui jouent à cloche-pié ; de sorte qu’il faut nécessairement que le poids d’en-haut qui porte sur cette jambe, renvoye le centre de sa pesanteur sur la jointure de l’autre jambe qui soûtient le corps. Si donc l’enfant panche trop l’épaule sur le côté droit, dites-lui de se soûtenir sur le pié gauche ; s’il la panche trop sur le côté gauche, dites-lui de se soûtenir sur le pié droit.

Je laisse à imaginer d’autres moyens analogues à ceux-ci, & de meilleurs encore ; je remarquerai seulement que tous ceux que nous avons indiqués demandent pour le succès une longue continuation, guidée par des regards attentifs de la part des peres & des meres sur leurs enfans, & ce n’est pas communément la branche de l’éducation dont ils sont le moins occupés ; il est vrai cependant que malgré l’intérêt qu’ils y prennent, l’art orthopédique le plus savant ne corrige les difformités des épaules que dans ces premieres années de l’enfance, où les pieces cartilagineuses qui composent les épaules, sont encore tendres & flexibles.

Au reste l’Anatomie, la Chirurgie, & la Méchanique, se prêtent de mutuels secours pour guérir les graves accidens auxquels cette partie du corps humain se trouve exposée. D’un autre côté la Physiologie, Tantùm scientiarum cognatio, juncturaque pollet ! tâche d’expliquer les causes de quelques symptomes singuliers, que le hasard offre quelquefois à nos regards surpris ; & pour en citer un seul exemple, c’est par les lumieres de cette science qu’on peut comprendre pourquoi l’on a vû des personnes qui, après avoir été blessées à l’épaule, ont perdu tout-à coup l’usage de la parole, & ne l’ont recouvert que par la guérison de la plaie. Ce phénomene dépend de la communication d’un des muscles de l’os hyoïde avec l’épaule ; ce muscle qui a deux ventres & un tendon au milieu est le coraco-hyoïdien, qu’on pourroit nommer à plus juste titre omoplato-hyoïdien, parce qu’il a son attache fixe à la côte supérieure de l’omoplate, & finit à la corne de l’os hyoïde. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Epaule, (Manége.) partie de l’avant-main du cheval.