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L’humerus est la partie de l’épaule du cheval qui exécute les plus forts mouvemens : ces mouvemens sont faits par le moyen de plusieurs muscles, qui sont le deltoïde, le sus-épineux, le latissimus, le grand rond, le grand pectoral, le coracoïdien, le sous-épineux, le petit rond, & le sous-scapulaire.

On sait que les muscles ont deux sortes de mouvemens, celui de contraction, & celui d’extension, d’où suivent tous les divers mouvemens que nous voyons faire à l’animal. On peut y en ajoûter un troisieme, qu’on appelle mouvement tonique, qui se fait lorsque plusieurs muscles agissent de concert, & tiennent une partie ferme & bandée.

Or la cause principale de l’effort d’épaule vient de ce que l’un de ces mouvemens a été exécuté avec violence par cet organe, soit antérieurement, soit postérieurement, soit latéralement, ou dans un sens oblique : les fibres nerveuses, les tendineuses, les petits tuyaux sanguins & lymphatiques qui entrent dans la composition des muscles, & qui se sont trouvés les uns en contraction, & les autres en extension dans ces mouvemens forcés, en sont plus ou moins affectés ; ce qui produit un effort d’épaule, ou entre-ouverture, ou disjonction de cette partie, plus ou moins difficile à guérir, selon le cas. Si les parties qui composent ces muscles n’ont subi que de legers tiraillemens, & qu’on y apporte un prompt secours, quoique le cheval en boite, on le guérit facilement ; on appelle cette maladie faux écart, ou effort d’épaule simple : si au contraire la secousse a été assez tumultueuse pour déranger le tissu cellulaire des muscles, rompre & déchirer ses parties organiques, les liquides ne pouvant circuler que difficilement, si on n’y apporte un prompt secours, la partie s’obstrue, la maladie devient souvent incurable, & pour lors on l’appelle disjonction d’épaule ou entre-ouverture ; fausse dénomination qu’on a donnée à beaucoup de maladies qui font boiter le cheval, & dont on ne connoît point la cause. Ce n’est pas que l’éloignement des os de l’épaule soit impossible ; mais cet accident constitue un autre genre de maladie que celle que l’on a entendue sous le nom d’entre-ouverture ou disjonction d’épaule.

L’entre-ouverture ou disjonction des os de l’épaule proprement dite, est un des plus funestes accidens qui puissent arriver au cheval ; voici les signes symptomatiques qui le caractérisent : 1°. une grande douleur qui fait boiter cet animal à ne pouvoir poser le pié à terre : 2°. une tumeur qui s’étend quelquefois sur toute cette extrémité, & qui empêche le cheval de se coucher : 3°. la perte du boire & du manger : 4°. un grand battement de-flancs qui suppose toûjours la fievre : enfin quelquefois la fourbure, d’où suit assez communément la nécessité de faire tuer le cheval.

Cure pour l’écart ou effort d’épaule simple. On saigne le cheval à la veine céphalique, qu’on appelle communément l’ars, & l’on fait une charge de son sang sur toute la partie affligée : cinq ou six heures après la saignée, on employe des médicamens résolutifs, pour dissiper les obstructions, & donner aux liqueurs nourricieres du mouvement, & les volatiliser. Ces médicamens sont l’esprit de terebenthine, d’aspic ou lavande, l’huile de pétrole, le baume de fioravanti ou du Pérou, le tout mêlé avec l’esprit-de-vin camfré & appliqué sur la partie : on a soin de les faire pénétrer par des frictions avec la main, d’exposer le cheval, si c’est en été, au grand soleil ; en hyver on présente une pelle de fer bien chaude auprès de la partie, dans la même intention : on attache, le cheval à deux longes, l’une au ratelier, & l’autre à la mangeoire, afin qu’il ne puisse point se coucher de neuf jours, pendant lesquels on le laisse à la

diete, savoir à la paille, au son mouillé donné en petite quantité, & à l’eau blanche.

Si le cheval n’est point guéri au bout de ce tems, ou qu’il lui reste quelque foiblesse à cette partie, on se sert d’un bain, pour y faire deux fois par jour des fomentations un peu chaudes. Ce bain doit être composé avec les herbés aromatiques & émollientes ; savoir, le scordium, l’absynthe, la sauge, le romarin, la graine de genievre pilée, les sommités de millepertuis, de camomille, de bouillon blanc, du thym & du pouillot, &c. on fait bouillir pendant une heure le tout dans de la lie de vin, & dans du vin, au défaut de la lie.

Si l’effort d’épaule est ancien, il demande des remedes plus forts, qui soient capables de résoudre les liqueurs arrêtées dans le tissu cellulaire des muscles. Ces médicamens sont les baumes du Pérou, mêlés avec l’esprit de vin camfré, l’esprit de genievre, l’esprit de ver de terre, de sel armoniac ou d’urine ; ou, à la place de cette composition, on se servira de l’emplâtre de gomme dissous dans l’huile de tartre, appliqué un peu chaud sur la partie affligée. Si ces médicamens ne réussissent point, on fait au cheval un cautere entre l’épaule & le sternum, qu’on laisse couler pendant l’espace de dix à douze jours, & plus, si le cas l’exige : on se sert aussi du séton, qu’on lui applique tantôt à une partie de l’épaule, tantôt à une autre. Pour dernier remede on y met le feu en baies ou en pointes ; on y applique un siroëne par-dessus le feu, qu’on laisse jusqu’à ce qu’il tombe : enfin on fait promener le cheval en main pendant un certain tems, pour donner la facilité à la nature de rétablir les forces dans cette partie ; car l’effort d’épaule, quoique simple, devient souvent incurable par l’empressement que l’on a de vouloir se servir trop tôt de l’animal, & de l’erreur où l’on est en le croyant guéri : il peut l’être en effet pour de certains petits usages ; car tel cheval est droit d’un écart pour rouler doucement, qui ne le seroit pas pour pousser un relai de quatre ou six lieues sur le pavé, mené vivement : de même si c’est un cheval de selle, il peut être droit pour un voyageur qui ne va qu’au pas, & il ne le seroit pas si on le menoit à la chasse ou à quelqu’autre exercice semblable. On peut conclure de-là que la guérison de cet accident dépend autant du ménagement que l’on doit avoir pour le cheval, que des remedes qu’on lui administre.

Les épaules des chevaux sont sujetes à un autre genre de maladie, que nous allons diviser en trois especes différentes, qui ont chacune leur cause particuliere, & quelquefois plusieurs ensemble ; on les a souvent confondues sous une même dénomination. On appelle cette sorte de maladie tantôt épaules froides ou entreprises, tantôt épaules chevillées, tantôt épaules étroites ou serrées. 1°. On doit entendre d’un cheval qu’il a les épaules froides, lorsque ses parties étant bien conformées, sans aucune apparence d’accident, il ne laisse pas de boiter, au sortir de l’écurie, des deux jambes de devant, comme s’il étoit fourbu, jusqu’à ce qu’il soit échauffé par le travail, du moins quand ces parties sont engourdies à un certain degré. 2°. On doit dire que cet animal a les épaules chevillées, lorsqu’il a ces parties fort grosses, fort larges & fort charnues, ainsi que le garrot. 3°. Un cheval a les épaules étroites ou serrées, lorsqu’il a ces parties si près l’une de l’autre, qu’à peine peut-il marcher sans croiser les jambes.

Ces deux derniers défauts sont des vices de conformation, opposés l’un à l’autre : ils causent pour l’ordinaire au cheval la même infirmité que l’accident que nous venons de désigner sous le nom d’épaules froides ou entreprises.

En remontant à la premiere cause de cet acci-