qui veut dire la fête des Rois, ou de l’apparition de Jesus-Christ aux Gentils, car le mot grec signifie apparition. Les Chrétiens d’Orient nomment aussi cette fête, la Théophanie, ou la fête des lumieres. C’est une fête double de la premiere classe, qui se célebre le 6 Janvier de chaque année.
Les Grecs appelloient l’Epiphanie, la présence des dieux sur la terre, soit qu’ils se fissent voir en personne aux yeux des hommes, soit qu’ils manifestassent leur présence par quelques effets extraordinaires. Cette présence des dieux leur fournit l’occasion d’instituer les fêtes ou sacrifices, qu’ils nommoient épiphanies, ἐπιφάνεια, en mémoire de ces apparitions prétendues.
L’on a nommé semblablement, parmi les Chrétiens, l’Epiphanie la fête des Rois, dans la prévention généralement établie, que les mages étoient des rois. Cette fête ne se célébroit autrefois qu’après avoir été précédée d’une veille & d’une jeûne très-sévere ; & il paroît surprenant qu’une coûtume si pieuse ait été abolie, pour y substituer une solennité bien opposée à l’abstinence & à la mortification.
L’exemple des Payens a pû servir, selon quelques auteurs, à chasser le jeûne, pour lui subroger la bonne-chere. La conformité qu’ont trouvé ces mêmes auteurs entre la fête du roi-boit & les saturnales, leur a fait avancer que la premiere étoit une imitation & une suite de la seconde : en effet, disent-ils, la fête des saturnales commençoit en Décembre, continuoit dans les premiers jours de janvier, qui est aussi le tems de la fête des Rois. Les peres de famille envoyoient à l’entrée des saturnales, des gâteaux avec des fruits à leurs amis ; l’usage des gâteaux subsiste encore. Ces amis mangeoient ensemble : c’est ce que l’on pratique aussi la veille & le jour des Rois. La premiere cérémonie des saturnales consistoit à élire un roi de la fête ; & Lucien fait dire plaisamment à Saturne, saisons des rois à qui nous obéissions agréablement. L’élection d’un roi est aussi parmi nous la premiere action de l’Epiphanie, avec cette différence que les Payens élisoient leur roi par le sort des dés, & que nous l’élisons par la rencontre de la feve. Le même Lucien nous apprend que le plaisir consistoit à boire, s’enivrer, & crier. C’est à-peu-près la même chose parmi nous, & nous marquons notre joie non seulement par la bonne-chere, mais encore par nos acclamations quand le roi boit.
Cependant toutes ces applications générales ne prouvent rien, & ne se trouvent un peu justes que par les abus que le tems a amenés dans la célébration de la fête de l’Epiphanie ; car d’un côté la qualité des personnes qui célébroient ces deux fêtes, & de l’autre, le terme de leur durée, font voir clairement que ce sont deux différentes fêtes, qui n’ont qu’un rapport éloigné.
Disons donc qu’il est plus naturel de croire que le souper de la veille des Rois est une suite de la veille, que les Chrétiens célébroient d’abord avec beaucoup de respect & de religion ; mais le tems, le lieu, & les autres circonstances de ces assemblées nocturnes, favorisoient trop la corruption pour qu’elle ne s’introduisît pas dans la fête : le scandale même devint à la fin si grand & si pernicieux, que par plusieurs conciles l’on fut obligé de défendre ces assemblées : cependant on ne put pas les abolir entierement ; & pour en conserver le souvenir, les parens s’assemblerent avec leurs amis, se régalerent ; & afin de marquer l’origine du festin, ils observerent de le bénir avant que de se mettre à table ; & même en partageant le gâteau, la premiere portion étoit destinée pour Dieu, ce qui seul suffiroit, ce me semble, pour détruire la comparaison de la fête des Rois avec celle des saturnales.
On solennisoit autrefois dans notre royaume la
fête des Rois avec beaucoup plus de pompe & d’apparat qu’à présent. En effet nous lisons dans le journal d’Henri III. « qu’en 1578, le lundi 6 de Janvier la demoiselle de Pons de Bretagne, royne de la feve, fut par le roy desespérément brave, frisé, & gauderonné, menée du chasteau du Louvre à la messe en la chapelle de Bourbon, étant le roy suivi de ses jeunes mignons, autant & plus braves que lui ». On sait aujourd’hui que l’Epiphanie se célebre à-la cour avec une si grande simplicité, qu’elle seroit peut-être tolérée par ce sévere docteur de Sorbonne, qui regardoit toutes les réjoüissances de l’Epiphanie comme des profanations criminelles ; je parle de M. Jean Deslions, mort à Senlis au commencement de ce siecle, âgé de 85 ans. On connoît son petit livre sur cette matiere ; il est intitulé, discours ecclésiastique contre le paganisme du roi-boit. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.
EPIPHÉNOMENE, s. m. (Med.) ce terme est grec, composé d’ἐπὶ, super, & φαινόμενος, apparens. Les anciens s’en servoient dans le même sens que d’épigenême, ἐπιγηνεμα, pour désigner les affections morbifiques qui surviennent dans une maladie, outre les symptomes qui lui sont propres, & qui procedent d’une cause différente de celle qui a produit ceux-ci.
M. Quesnay, dans son nouveau traité des fievres, dit avoir été obligé de se servir du terme d’épiphénomene, n’ayant pû trouver aucun nom françois assez significatif pour exprimer distinctement ce que les anciens entendoient par ce mot, & ce qu’il s’agit de désigner par une dénomination qui marque bien sensiblement le genre d’affection morbifique qui vient d’être défini, ainsi c’est en quelque sorte malgré lui, ajoûte-t-il, qu’il s’est déterminé à rappeller un terme grec, qui depuis long-tems est presque entierement hors d’usage.
Les Arts & les Sciences gagnent toûjours à acquérir des termes propres, dès qu’ils peuvent servir à éviter les circonlocutions, ou l’obscurité dans leur langage respectif. Voyez Maladie, Symptome, Accident. (d)
EPIPHONÊME, s. f. (Rhét.) mot consacré que nous avons emprunté des Grecs à l’exemple des Latins.
C’est une figure de Rhétorique qui consiste ou dans une espece d’exclamation à la fin d’un récit de quelque évenement, ou dans une courte réflexion sur le sujet dont on a parlé. Cette figure échappe aux esprits vifs & aux esprits profonds : son élégance part du goût, du choix, de la vérité ; il faut aussi qu’elle naisse du sujet, & qu’elle coule de source ; alors c’est un dernier coup de pinceau qui fait une image frappante dans l’esprit du lecteur, ou de l’auditeur. Ainsi Virgile, après avoir dépeint tout ce que la colere suggere à une déesse immortelle contre son héros, ne peut s’empêcher de s’écrier, Tantæ-ne animis celestibus iræ ! & dans un autre endroit, Tantæ molis erat romanam condere gentem ! C’est encore une belle épiphonême, & souvent citée, que celle de S. Paul, lorsqu’après avoir discouru de la rejection des Juifs, & de la vocation des Gentils, il s’écrie : O profondeur des richesses, de la sagesse, & de la connoissance de Dieu !
Cette figure n’est déplacée dans aucun ouvrage, mais il me semble que c’est dans l’histoire qu’elle produit sur-tout un effet intéressant. Velleius Paterculus qui, indépendamment du style, nous a montré son talent pour l’eloquence, dans son éloge admirable de Cicéron, est l’historien romain qui se soit le plus servi de l’épiphonême ; il a l’art de l’employer avec tant de grace, que personne ne l’a surpassé dans cette partie. Aussi faut-il convenir que cette figure mise en œuvre aussi judicieusement qu’il l’a sû faire, a des charmes pour tout le monde ; parce que rien ne plaît,