munia de successionibus. Cette loi, dans l’arrangement du code, se trouve précédée par la troisieme, dont on parlera dans un moment : mais elle est la plus ancienne dans l’ordre des dates & de la publication.
Justinien y rappelle d’abord ce qui avoit été reglé pour l’ordre de succéder aux biens que les fils de famille avoient recueilli de leur mariage. Il paroît qu’il a eu en vûe la loi quæcumque de l’empereur Leon : l’analyse qu’il en fait n’est cependant pas parfaitement exacte, car il suppose que cette loi ne parle que des biens que le fils de famille a acquis à l’occasion de son mariage : cependant elle comprend aussi dans sa disposition, ceux qui sont advenus au fils de famille par succession, legs, ou fidei-commis.
Quoi qu’il en soit, Justinien ordonne que le même ordre qui a été établi pour la succession aux biens que le fils de famille a gagnés à l’occasion de son mariage, sera observé pour les biens qui lui sont échûs de la ligne maternelle, à quelque titre ou occasion que ce soit, entre-vifs, à cause de mort, ou ab intestat : il détaille même cet ordre à peu-près dans les mêmes termes que l’empereur Leon, & par-là adopte expressément l’usage du double lien.
La troisieme loi qui est aussi de l’empereur Justinien, est la loi de emancipatis 13, au code de legitimis hæredibus ; elle ordonne que si un fils de famille, émancipé par son pere, décede ab intestat & sans enfans, sa succession sera reglée suivant ce qui avoit déjà été ordonné pour les biens maternels & autres. Il paroît qu’en cet endroit il veut parler de la loi sancimus : « Le pere, dit-il, aura l’usufruit des biens sa vie durant, & les freres & sœurs la propriété, excepté néanmoins les biens maternels qui appartiendront aux freres & sœurs procréés de la même mere, à l’exclusion des autres freres & sœurs ».
La derniere partie de cette loi, si on la prend à la lettre, semble à la vérité établir la distinction des biens & des lignes, plûtôt que la prérogative du double lien ; & c’est pourquoi l’explication de cette loi a beaucoup partagé les docteurs. La plus saine partie a soûtenu que cette disposition ne pouvoit s’entendre que des freres & sœurs germains, & non des utérins, qui n’ont pas encore le droit de succéder concurremment avec les consanguins ; & pour être convaincu de la solidité de cette interprétation, sans entrer dans une longue discussion à ce sujet, il suffit d’observer que dans la premiere partie la loi se réfere aux deux lois précedentes, qui établissent suffisamment la prérogative du double lien, & qu’il n’y a pas d’apparence que Justinien ait entendu dans la derniere partie de cette loi, ordonner quelque chose de contraire à la premiere partie, & aux deux lois précedentes qu’il a laissé subsister. Les lois 14 & 15 du même titre, confirment encore ce que l’on vient de dire ; car elles appellent les freres & sœurs consanguins & utérins, & leurs enfans concurremment, dans les cas qui y sont exprimés.
Quoi qu’il en soit, il est certain, de l’aveu des auteurs, que la novelle 118, qui appelle indistinctement après les freres germains, tous ceux d’un seul côté, abolit en sa préface toutes lois contraires ; au moyen de quoi elle auroit dérogé à la distinction des biens & des lignes, supposé qu’elle eût été établie par la loi de emancipatis.
Nous ne parlons point en cet endroit des authentiques qui font mention de la prérogative du double lien, & que l’on a inserées en différens titres du code, étant plus convenable, pour voir les progrès de la jurisprudence, de remonter d’abord aux novelles qui en sont la source, & de rapporter sous chacune les authentiques qui en ont été tirées.
Il est singulier que Guiné & quelques autres auteurs qui ont traité du double lien, n’ayent fait mention que de la novelle 118, & n’ayent rien dit des novelles 84 & 127, dont l’une précede la novelle 118, & l’autre a pour objet de l’interpréter.
La novelle 84 est composée d’une préface & de deux chapitres.
Dans la préface l’empereur propose l’espece d’un homme qui ayant des enfans d’un premier mariage, convole en secondes noces, dont il a des enfans qui sont, dit-il, consanguins à l’égard de ceux du premier lit, mais non pas utérins. Cet homme passe ensuite à un troisieme mariage, & en a des enfans : après sa mort sa femme se remarie, & a de son second mariage des enfans qui sont freres utérins de ceux de son premier mari, mais non pas consanguins. La mere étant décedée, un des enfans du troisieme mariage meurt aussi, sans enfans & ab intestat, laissant plusieurs freres, les uns consanguins, les autres utérins, d’autres consanguins & utérins : ce sont les termes de la novelle. Il fut question de savoir si tous les freres du défunt, germains, consanguins & utérins, devoient être admis tous ensemble à la succession.
Dans le chapitre j. Justinien dit qu’ayant examiné toutes les lois anciennes, & celles qu’il avoit faites lui-même, il n’en avoit point trouvé qui eût décidé la question ; que des freres du défunt, les uns (c’est-à-dire les utérins) avoient les droits de cognation, que l’empereur avoit fait concourir avec les héritiers légitimes (c’est-à-dire les freres consanguins, qui succédoient en vertu de la loi) ; que les uns tenoient au défunt du côté du pere, d’autres du côté de la mere ; enfin que d’autres étoient procréés des mêmes pere & mere, & undique veluti quoddam signum eis germanitatis resplendebat.
Il y a apparence que plusieurs de nos coûtumes ont tiré de-là le nom de freres & sœurs germains. On trouve bien dans quelques lois du code les termes de sœurs germaines-consanguines, germanæ consanguineæ, ou germanæ simplement ; mais ces termes ne signifioient encore autre chose que des sœurs consanguines : on les appelloit germanas, quasi ex eodem germine natas ; c’est pourquoi germanæ & consanguineæ étoient des termes synonymes, & même souvent conjoints.
La novelle décide que les freres germains doivent être préférés aux freres consanguins & utérins.
Justinien donne pour motif de cette décision, la loi qu’il avoit déjà faite pour les biens maternels, qui est la loi sancimus, dont il rappelle les dispositions ; & il ajoûte que puisque cette loi avoit lieu au profit des freres germains, dans le cas où le pere étoit encore vivant, à plus forte raison devoit-elle avoir lieu lorsque le pere étoit mort, & que ce qui avoit été ordonné, tant pour les biens maternels que pour ceux que le défunt avoit gagnés à l’occasion de son mariage, & autres dont le pere n’avoit pas la propriété, auroit lieu pareillement pour tous les autres biens du frere défunt ; c’est-à-dire que les freres germains seroient préférés aux freres consanguins & utérins, pour tous les biens, sans aucune distinction, de côté paternel & maternel.
Il ordonne encore que la même regle sera observée, au cas que le pere n’eût contracté que deux mariages, & excludant duplici utentes jure eos qui uno solo uti possunt : c’est sans doute de-là qu’on a pris l’idée du terme de double lien.
Enfin dans le chapitre ij. il ordonne que s’il ne se trouve point de freres germains, mais seulement des freres consanguins ou utérins, la succession sera réglée entr’eux suivant les anciennes lois ; par où il paroît avoir eu en vûe les lois du code, dont on a ci-devant fait l’analyse.